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« À quinze ans, je me prenais pour Carrasso »
Il a été le premier artisan du festival de Dijon contre Lyon lors de la troisième journée de Ligue 1 (4-2). À bientôt vingt-six ans, Baptiste Reynet ne s'en émeut pas plus que cela et préfère maintenir ses habitudes : prendre tout ce qui tombe à portée de gants. Par exemple un nouveau maillot de Cédric Carrasso, son premier modèle.
Qu’est-ce qu’il s’est passé contre Lyon, tu étais en feu ?Ouais, je me sentais bien dès le début du match. Nous, les gardiens, on a des jours meilleurs que d’autres, j’ai eu la chance que ce soit contre Lyon. Cela fait plaisir pour moi, pour le groupe, pour les supporters, pour la ville…
Après les deux défaites initiales, c’était un soulagement, la preuve que Dijon a sa place en Ligue 1 ?On attendait la première victoire avec impatience, mais honnêtement, on ne pensait pas la faire contre Lyon, on pensait plutôt accrocher Nantes ou Lille. Cela ne s’est pas joué à grand-chose sur les deux premiers matchs, alors qu’on a eu pas mal de réussite sur le match de Lyon. On fait un match cohérent, mais on a beaucoup de réussite.
La première période donne en effet l’impression que l’OL ne doit jamais perdre…C’était un match avec beaucoup d’occasions, on peut s’estimer heureux de rentrer à 2-2 à la pause. Après, on s’est rendu compte à la mi-temps que l’orage était peut-être passé, qu’il y avait quelque chose à faire, qu’on allait avoir des situations pour marquer. On arrive à marquer le troisième sur un coup de billard et ensuite on est solides. Mentalement, on a été très costauds.
L’orage, c’est surtout Lacazette. Sa sortie sur blessure, c’est le tournant ?Il faisait partie de l’orage. C’est toujours malheureux qu’un joueur sorte sur blessure, mais c’est positif qu’il n’ait rien de grave. C’est un super joueur, il nous a fait mal quand il était sur le terrain. Donc finalement c’était un soulagement de le voir sortir, même si ce n’est pas très bien à dire. Sa sortie nous a fait du bien.
Le deuxième tournant du match, c’est quand tu arrêtes la frappe de Valbuena ?À la 80e ? Il est dans un angle assez fermé, je me contente de rester sur mes appuis et de lui boucher cet angle pour qu’il ait le moins d’espace possible. Le ballon arrive sur ma main et je la sors. On gagnait 3-2, c’est vrai que s’il égalise, c’est un autre match.
Depuis Lyon, tu as reçu plus d’attention que d’habitude ?Non, pas forcément de la part des médias, mais j’ai reçu plus de messages sur mon téléphone. Beaucoup de proches étaient contents pour moi. Après, il ne faut pas s’enflammer, on n’a gagné qu’un match, il faut continuer de bosser.
Tu as déjà connu la Ligue 1 avec Lorient, mais surtout Dijon en 2011-2012. Tu étais prévu remplaçant et finalement tu as joué à partir du second match et n’est plus sorti de l’équipe…Une sensation mitigée, car je suis content d’avoir jouer en Ligue 1 si tôt et d’y lancer ma carrière professionnelle. Après, j’ai des regrets à être descendu, je sentais que j’avais une dette à l’égard du club en ayant participé à cette descente. La dette vient de s’annuler avec la montée.
Donc si le Real vient te chercher, tu peux y aller…Comment ? Je peux rêver, mais techniquement oui, je peux partir plus sereinement.
En 2011, tu fais le grand saut de la CFA avec Martigues, qui monte en National, à la Ligue 1 avec Dijon. J’ai sauté deux divisions. Je n’étais pas recruté pour être le numéro 1, mais le coach a pu s’apercevoir que je m’étais bien intégré, que j’étais au service de l’équipe aux entraînements, et cela l’a séduit. Je ne me prends pas vraiment la tête, donc quand j’ai eu ma chance en Ligue 1, je me suis simplement dit que c’était une chance, que mon rêve allait se réaliser. Pourquoi se mettre des barrières ? Je n’avais qu’à faire ce que je sais faire, et tout se passerait bien. C’est ce que je me dis encore actuellement. Cela fait deux ans que j’étais en Ligue 2 avec Dijon, qu’on tournait autour du pot à vouloir monter, et l’an dernier, on a réussi. Alors aujourd’hui, je n’ai qu’une envie, de tout lâcher et de rendre service à l’équipe.
Tu as récemment dit que le Dijon 2016 était mieux préparé à la survie en Ligue 1 qu’en 2011. Pourquoi ?Au niveau des infrastructures, de l’encadrement, on sent plein de petits détails, on est plus professionnels. La première année en Ligue 1, elle était arrivé un peu par hasard, il n’y avait peut-être pas aussi la même cohésion d’équipe. Là, on est une bande de copains, on est soudés, ce qui était peut-être moins le cas en 2011-2012. Quand on regarde notre effectif, on est peu à avoir déjà joué en Ligue 1, mais comme je le dis souvent, « cela s’apprend » . Si certains comme Benjamin Corgnet y sont arrivés, je me dis qu’il n’y a pas de raison pour que les joueurs qui sont là aujourd’hui n’y arrivent pas.
Dans ce groupe de « copains » dont tu parles, il y a quelques recrues, dont Florent Balmont et son look de lutteur MMA… Ou de mec de la BAC (rires). En dehors du terrain, c’est un super mec, plein d’expérience, avec qui on peut discuter. Je n’hésite pas à lui parler. En revanche, sur le terrain, c’est un chien, il ne lâche rien. Mais on a besoin de joueurs comme lui. La victoire contre Lyon a eu une saveur particulière pour lui, mais avec le nombre de matchs de Ligue 1 qu’il a dans les jambes, il a dû vivre des victoires beaucoup plus fortes.
Tu as commencé le foot comme attaquant, puis tu es passé aux cages à neuf ans. Qu’est-ce qui t’a donné envie de te prendre des buts au lieu d’en marquer ?C’est parti du fait que j’étais fainéant, je n’aimais pas trop courir. Et puis je suis issu d’une famille de rugbymen, mon père a évolué en première division. Je suis super pote avec Gaëtan Germain (joueur de Brive, ndlr), on se connaît depuis qu’on a quatre, cinq ans, on était dans la même équipe de foot, on se parle encore régulièrement. Tout ça fait que j’aime bien les contacts. Et donc le poste de gardien, c’est celui qui se rapproche le plus du rugby, surtout que l’on touche beaucoup plus le ballon avec les mains. Mais le vrai déclencheur, c’est qu’il manquait un gardien dans l’équipe et que j’y suis allé pour faire le con. Et au final, j’y suis resté.
Tu as eu des modèles en tant que gardien ?Quand j’avais quinze ans, c’était Cédric Carrasso, parce que mes coéquipiers de l’époque me comparaient à lui physiquement. Je me prenais un peu pour lui, j’achetais les mêmes chaussures, les mêmes gants, sa tenue… C’est vraiment lui qui est resté comme modèle, même si maintenant, c’est plus Manuel Neuer qui a mes faveurs, car c’est un gardien moderne qui joue haut, prend des risques, joue court… Et surtout qui est très bon, qui a fait évoluer le poste.
Quand tu vas jouer Bordeaux, cela va être spécial…J’ai déjà joué contre Carrasso, à chaque fois je lui prends son maillot. Je vais le lui reprendre une fois de plus et s’il lit cette interview, il saura qu’il avait un fan quand j’étais plus jeune.
Tu es le parrain de l’association Gants du cœur. Tu m’expliques ce que c’est ?C’est une association qui vient en aide aux enfants malades. L’association essaie de regrouper le maximum de gardiens professionnels ou anciens professionnels, et tous les ans, ils organisent un match amical entre une sélection de gardiens et une autre équipe. J’aime bien l’initiative, donc quand on m’a sollicité pour en faire partie, je n’ai pas hésité. On donne régulièrement des maillots pour qu’ils puissent les mettre aux enchères et récolter des fonds.
En juillet 2014, France Bleu Bourgogne a fait un portrait de toi, en précisant que tu étais célibataire. Deux ans plus tard, tu as réglé le problème ?C’était vrai, mais deux mois après, j’ai rencontré ma compagne avec qui je suis encore aujourd’hui. Problème réglé donc. Pas besoin de lancer un appel d’offres, je suis très heureux actuellement, écris-le, elle sera contente de le lire.
Propos recueillis par Nicolas Jucha