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À Pavie, les Chinois sont déjà partis
En 2014, cette modeste équipe de troisième division italienne se trouvait dans une situation financière catastrophique. Le salut vint alors d’un groupe d’investisseurs chinois. Deux ans plus tard, ils ont déjà mis la clé sous la porte.
On l’appelle la Lomellina, un petit coin de Lombardie faisant partie du département de Pavie. Il regroupe une cinquantaine de communes et est un des greniers à riz de l’Europe. Ainsi, quand les Chinois ont débarqué dans le coin, les boutades ont fusé, d’autant que Zanchi, le précédent propriétaire, bossait justement dans ce secteur. La Pingy Shanghai Investment avait évidemment d’autres projets : « C’est une zone qui nous intéresse avec Milan tout proche et l’Expo universelle, l’achat du club s’est fait de façon successive. L’objectif étant surtout de monter une Academy qui puisse former joueurs et entraîneurs chinois. » Voici ce que déclarait David Wang lors d’une interview à calcioefinanza.it. Le bonhomme joue la carte de la franchise. De bon augure. Et pourtant…
Serie B, Serie A, Ligue des champions et Serie D
« Des Napolitains avec les yeux bridés, et je suis originaire de Capri » , Gianmarco Fiory n’y va pas par quatre chemins. Comme tous ses coéquipiers, ce gardien de vingt-six ans a perdu gros dans l’affaire, trois mois de salaire et même une année de contrat. Aujourd’hui, le Pavia Calcio n’est plus, il renaîtra de ses cendres sous un autre nom, une, voire deux divisions plus bas : « J’ai été l’un des premiers joueurs à négocier avec la nouvelle propriété il y a deux étés. Je n’étais pas franchement convaincu, des Chinois qui viennent investir dans une équipe de Lega Pro, j’étais sceptique. J’ai alors choisi la Juve Stabia pour rester vers chez moi. À mi-saison, Pavia était en tête, une grosse équipe avait été montée, je me suis dit que c’était finalement du sérieux et j’y suis allé. Et puis, ils payaient très bien pour une D3. » Longtemps première, la formation lombarde se fait reprendre au finish par Novara et bascule en play-off, qu’elle perd au premier tour contre Matera. Le dénouement final n’enlève rien à une des meilleures saisons de l’histoire du club. M. Zhu, le grand patron, voit grand, il a promis la Serie B rapidement, la Serie A dans la foulée et la Ligue des champions dans cinq saisons. Bon, il exagère, mais monter d’un cran serait déjà une belle chose de faite. Un objectif dans les cordes, or, à l’intersaison, les mouvements au sein de l’effectif et de l’organigramme se multiplient. Fiory pourrait se contenter de montrer du doigt l’étranger de service, mais il reste lucide : « Trois directeurs sportifs se sont succédé en un an, ils faisaient leur petit business. » C’est que sur place, seul un entraîneur chinois qui visionne les entraînements et Luna Zheng secrétaire/interprète sont chargés de superviser la situation.
Club de foot, pressing et studio de cinoche
Il y a deux mois, Xiadong Zhu diffusait une vidéo sur la page officielle Facebook : « Et il n’avait pas tous les torts, il disait que beaucoup avaient pensé à leurs propres intérêts, que les Italiens voulaient juste exploiter les Chinois sans penser à travailler sérieusement. Mais bon, c’est aussi de sa faute, quand on fait de tels investissement, il faut un vrai suivi. » Cette fois, pas de première place, encore moins de play-off. À mi-saison, le club traîne dans la seconde partie du classement, c’est probablement à ce moment-là que les Chinois décident de couper les robinets : « On a passé une seconde partie de saison difficile, il n’y avait même plus de quoi payer de l’eau minérale. Les fournisseurs n’étaient plus payés. Le maçon en charge des travaux du stade a lâché l’affaire à la moitié de leur avancement, il n’avait pas touché un rond » , poursuit Fiory. Pavia se classe neuvième, tandis que les patrons se font de plus en plus rares. Les rumeurs sur les dettes circulent, entre cinq et dix millions apparemment. Fiory encore : « Je ne sais pas quoi dire de ces chiffres, mais je suis convaincu d’une chose, il y a une histoire de blanchissement d’argent là-dessous. Je pense même que Zhu est un prête-nom. » La DNCG italienne confirme un tant soit peu cette théorie, en demandant des explications sur cinq versements de plus d’un million d’euros venant de deux sociétés de Hong-Kong. Dans ce genre de situation, le moindre signe ne trompe pas. Surtout Fiory : « Une scène m’a marqué, même si elle peut paraître anodine. C’était en juin, on allait chercher notre salaire de mars. Quand Luna m’a vu, elle a tourné le regard et fait un pas en arrière. Là, j’ai pigé qu’un gros truc se préparait. » Ce n’était que le début, en juillet, un certain Alessandro Nuccilli rachète Pavia pour un euro. Il s’agit d’un entrepreneur romain qui a déjà tenté de reprendre d’autres clubs dans des conditions toujours désespérées. Il est aussi connu sous le nom d’Alessandro… Monzi « Un clown. Du foutage de gueule, à mon avis, on lui a donné de l’argent pour conduire le club vers la faillite parce que lui n’avait rien à perdre. » Casa Pavia, la boutique officielle, venait à peine d’être inaugurée, elle a déjà condamné sa devanture. Entre joueurs et employés, ce sont des dizaines de personnes qui se retrouvent sur le carreau. Zhu et Wang sont introuvables. Désabusé, Fiory tente tout de même de conserver un bon souvenir de cette courte épopée asiatique : « On a tourné des scènes pour un film chinois qui parlait un peu foot. On apparaît en tant que Pavia, il y avait Maria Grazia Cucinotta, c’était une superbe expérience. Son nom ? Je ne sais plus, mais ça se trouve sur Youtube. » Il s’appelle Magic Card, c’est un coup, ils ont acheté le Milan pour pouvoir tourner une suite.
Par Valentin Pauluzzi