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À Nancy, la dégringolade continue
L’AS Nancy Lorraine, reléguée sportivement en National 2, a été rétrogradée administrativement en N3, après son audition par la DNCG. Une nouvelle onde de choc pour la ville, même si les propriétaires du club ont décidé de faire appel. Mais il sera difficile d’éviter le désastre annoncé…
Après le président fantôme – nommé Gauthier Ganaye – dont les visites à Nancy étaient devenues un évènement tant elles étaient rares, et qui a fini par être écarté juste avant la fin de la saison, voici l’actionnaire fantôme. Il se reconnaîtra facilement, mais pour ceux qui prennent le train des mésaventures de l’ASNL en route, celui-ci s’appelle Krishen Sud, est américain et a zappé – officiellement pour raisons de santé – l’audition devant la DNCG, le 27 juin dernier, laissant Sébastien Janodet, le nouveau président, Nathalie Tonnaire, la directrice financière, et l’expert-comptable se débrouiller seuls devant les très pointilleux membres de la gendarmerie du football français.
Deux actionnaires sur quatre s’en vont
Pourtant, Krishen Sud avait demandé – et obtenu – une rallonge d’une semaine pour préparer le grand oral et présenter un budget de National 2, avec, dans un coin de sa tête, l’espoir d’être repêché en National. Mais ce travail de sagouin, initié depuis l’arrivée aux commandes des Américains de New City Capital, présidé par Chien Lee, en janvier 2021, s’est poursuivi ces derniers jours. « C’est vraiment n’importe quoi. Les actionnaires demandent du temps supplémentaire pour présenter un budget. Ils avaient quatre semaines pour le faire, et ils ne l’ont pas fait. Le club a annoncé faire appel, mais je ne vois pas comment ils vont pouvoir monter un budget en une ou deux semaines, alors qu’ils n’ont pas su le faire en un mois », se lamente un ancien salarié de l’ASNL. Depuis, deux des quatre actionnaires (Paul Conway et Randy Frankiel) ont jeté l’éponge, laissant à Sud et à Chien Lee le soin de trouver une improbable solution. « Tout cela ne sent pas bon. Je suis en colère, comme beaucoup de gens à Nancy. Ces investisseurs ont fait une connerie en nommant Ganaye, lequel n’a rien assumé. Et aujourd’hui, des investisseurs partent sans rien assumer non plus. Ils ont réussi à tout faire foirer, car je n’ai jamais compris en quoi consistait leur projet », râle Olivier Rouyer, un des joueurs historiques du club.
La crainte du dépôt de bilan
La vente du jeune Neil El Aynaoui (21 ans) au RC Lens pour quatre ans va évidemment rapporter un peu d’argent à Nancy. Mais il faudra que ce transfert soit officiellement validé pour l’intégrer dans la nouvelle mouture budgétaire lorraine. La sanction de la DNCG est tombée alors que les chances de voir le vainqueur de la Coupe de la Ligue 2006 être repêché en National sont au plus bas. Entraîné, qui plus est, par les déboires financiers de nombreux clubs, avec Châteauroux et Sedan comme têtes de gondole. « Ici, c’est un coup de massue supplémentaire. Après la relégation en N2, qui fut déjà un choc. Mais depuis mardi, beaucoup de gens que je croise parlent de cette rétrogradation », soupire Mehdi Méniri. L’ancien international algérien (23 sélections) a joué quatre ans à l’ASNL (1996-2000), s’est aujourd’hui reconverti dans la restauration rapide, mais réside toujours à Nancy. « C’est une catastrophe, car le club représente quelque chose ici. Le National, c’était déjà très moyen. Le N2, ça devenait une catastrophe. Mais le N3, ça sent la fin. Franchement, et je ne suis pas le seul à le penser, mais j’ai bien peur que ce soit le coup de grâce pour le club. »
La catastrophe industrielle qui frappe le club lorrain peut surprendre depuis l’extérieur, mais elle n’étonne pas celui qui a encore ses entrées dans les bureaux : « Ceux qui travaillent pour l’ASNL vous le diront, tout cela était prévisible, puisqu’on navigue à vue depuis plus de deux ans. Les actionnaires n’ont jamais donné l’impression d’avoir un projet. » On aurait aimé en discuter avec Sébastien Janodet, se demandant certainement ce qui l’a poussé à accepter ce piège, mais le dirigeant a refusé de nous répondre par l’intermédiaire du service communication. « On ne sait pas grand-chose, le club ne donne pas beaucoup d’informations. Il y a de quoi se demander s’il y a vraiment un pilote à bord », reprend Méniri, de plus en plus pessimiste concernant l’avenir de son premier club.
« On a envie d’aider le club »
Quand il croise ses connaissances, des clients ou simplement des supporters nancéiens, certains lui demandent, sans doute avec une pointe d’humour, s’il ne veut simplement pas racheter l’ASNL. Pas assez fou pour se lancer dans une telle opération, Mehdi Méniri pense tout de même que la solution ne peut être que locale : « Avec d’anciens joueurs, on a parlé de cette situation qui nous affecte. On a envie d’aider le club. Il faut évidemment voir comment. » Le nom de l’ancien président Jacques Rousselot, à qui New City Capital doit encore pas mal d’argent, est souvent avancé, mais l’ancien défenseur n’y croit guère : « Je doute qu’à 74 ans, il ait envie de s’emmerder avec un club de N3. » Selon certaines sources, il faudrait que les actuels propriétaires allongent autour de cinq millions d’euros pour que le club puisse évoluer en N2. « On peut vraiment craindre le pire, comme un dépôt de bilan, abonde Olivier Rouyer. Je me demande si les deux derniers actionnaires ne vont pas partir à leur tour. » Mais ont-ils encore envie de remettre de l’argent et d’en perdre ? « À Nancy, tout le monde est touché par ce qu’il se passe, et on entend dire que d’anciens joueurs veulent faire quelque chose. Mais c’est beaucoup d’argent, des millions d’euros, dont une partie pour payer les dettes et les indemnités de licenciement de plusieurs salariés. Donc, en gros, avant d’envisager quoi que ce soit, il faut d’abord régler ces problèmes », conclut le légendaire buteur. Dans quelques jours, l’ASNL sera donc fixée sur un avenir s’annonçant (très) sombre. En deux ans, une poignée d’individus – même s’il ne faut pas oublier d’inclure parmi les responsables de ce désastre joueurs et staffs techniques – auront réussi à plomber un club et à multiplier les dommages collatéraux. Chapeau, les artistes !
Par Alexis Billebault
Tous propos recueillis par AB.