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Martigues ô brille

Par Adrien Hémard-Dohain, à Martigues

Avant-dernier budget de National, le FC Martigues est passé en quelques mois de promu à candidat crédible à l'accession en Ligue 2. Au cœur d’une semaine décisive qui le verra affronter les deux autres coleaders, Dunkerque et Concarneau, le FCM se prend à rêver d’un retour dans le monde professionnel trente ans après sa montée en D1.

Martigues ô brille

Les experts fashion sont unanimes : 2023, c’est l’année du Sang & Or. Des couleurs remises au goût du jour par le RC Lens, bien sûr, mais pas que. Plus au sud, sur les bords de l’étang de Berre, le club d’un ancien petit village de pêcheurs brille lui aussi dans ces couleurs, celles de la Provence. C’est là, dans le stade Francis Turcan posé sur l’un des quais de la Venise provençale, que le FC Martigues est en train de renaître de ses cendres. Alors que le club se préparait à fêter les 30 ans de sa montée en D1 le 15 mai prochain, il pourrait contre toute attente s’offrir une nouvelle montée en guise de cadeau, en Ligue 2. Un horizon inespéré pour le FCM, qui voguait en eaux troubles depuis une bonne vingtaine d’années.

Giabiconni, horlogerie & OM

Le calme qui règne dans les rues de la vieille ville en ces vacances printanières est trompeur. Si les touristes flânent et posent devant le miroir aux Oiseaux, les Martégaux affichent un sourire de façade qui masque la tension qui gagne peu à peu la ville. « Je suis très, très tendu », avoue sans détour Alain Nersessian, président du FC Martigues. Dans son bureau provisoire dans la maison du gardien du stade, après l’incendie qui a touché le siège du club, le boss du FCM rassure : « Face à Dunkerque et Concarneau, on va jouer deux finales pour la Ligue 2. Mais le vestiaire est tranquille. Cette saison, pour nous, ce n’est que du bonheur. On devait jouer le maintien, on pensait qu’on allait se faire manger. Et en fait, on produit du beau jeu, on engrange les victoires et on se retrouve à jouer la montée. » À cinq journées de la fin, Martigues est en effet coleader de National, aux portes de la Ligue 2. Et si personne n’osait parler de l’antichambre de l’élite en septembre, aujourd’hui la montée est dans toutes les bouches.

Dans les canaux de Martigues, même les barques sont aux couleurs de la Provence. En arrière-plan, on aperçoit le stade Turcan.
Dans les canaux de Martigues, même les barques sont aux couleurs de la Provence. En arrière-plan, on aperçoit le stade Turcan.

« On n’a rien à perdre. On a réussi notre saison. Il ne faut pas oublier qui on est, d’où on vient », calme Alain Nersessian, comme pour mieux s’enlever de la pression. Car si Dunkerque, Concarneau, Versailles ou encore le Red Star étaient plus attendus à ce niveau, Martigues n’a pas à rougir. « Historiquement, on est le deuxième club des Bouches-du-Rhône derrière l’OM », rappelle Thierry Arpadjian, vice-président des Supras Martigues. Un pastis à la main à la table du bar du port, il reprend : « Dans les années 1980, on était le doyen de Ligue 2 avec Gueugnon. On a fait trois saisons en D1 dans les années 1990. La Ligue 2, c’est notre place légitime. » Une place perdue depuis plus de vingt ans, après plusieurs épisodes de déboires sportifs et financiers, mais qui sont aujourd’hui dans le rétroviseur. Sur les bords de l’étang de Berre, on regarde de nouveau vers l’avant depuis que la mairie a repris le club en main en 2018. Ancien membre du cabinet du maire communiste Gaby Charrou, Alain Nersessian en est le symbole. Après la présidence Giabiconni, le club allait être rétrogradé en N3 à l’été 2018. La mairie et un mécène (Vartan Sirmakes, cofondateur de l’horlogerie Franck Muller) ont mis la main à la poche, et sauvé le club. La suite ? Une accession en N1 à l’issue de l’exercice 2021-2022, et une saison au-delà des espérances cette année. De quoi remettre le club martégal à sa place.

Thierry Arpadjian pose avec les maillots historiques de la première saison de D1, et celui porté par Benarbia lors de la montée en mai 1993.
Thierry Arpadjian pose avec les maillots historiques de la première saison de D1, et celui porté par Benarbia lors de la montée en mai 1993.

Si les fanions de l’OM dominent toujours largement les débats dans les rues et commerces de la Venise provençale, les Sang & Or martégaux retrouvent peu à peu leur place. Il suffit de tendre l’oreille sur l’une des nombreuses terrasses pour s’en rendre compte, ou de parler avec les commerçants. « On voit que le public se réveille. C’est en train de prendre », assure ainsi Alain Nersessian, conscient que le jeu léché produit par ses troupes aide : «  Le FC Martigues a dormi pendant des années, les gens se sont endormis avec lui. Le réveil va demander un peu de temps. On espère que l’effervescence va encore grandir. » Encore faut-il se défaire de l’ombre du voisin (très) encombrant : l’OM. « C’est impossible », tranche Thierry Arpadjian. « Ici, moi y compris, on aime tous l’OM. Mais on aime aussi Martigues. Il n’y a pas d’antagonisme. Je me souviens d’un match en D1, où l’on fait 0-0 au Vélodrome avec aucune frappe de chaque côté, si vous voyez ce que je veux dire… Ça doit être le seul coup de main que l’OM nous a filé. (Rires.) » Et l’encombrant voisin a aussi quelques avantages pour le FCM : « On a beaucoup de spectateurs, ici, mais la proximité de Marseille fait qu’on a un public qui sait être chaud, quand même. C’est l’atmosphère provençale, chaude et chaleureuse », apprécie Alain Nersessian.

La fête en mai, quoi qu’il arrive

Sur les lampadaires du port, les stickers à l’effigie des groupes ultras olympiens cohabitent d’ailleurs avec ceux de Martigues. Bien qu’en National 1, le club martégal peut se targuer d’avoir trois groupes de supporters : les historiques Supras Maritima, fondés en 2000, les Ultras Martigues 2021, et les jeunes Fanatigues 2023. Anciens des Supras, Thibaut et David ont lancé les UM21 pour apporter plus de folie dans les tribunes de Francis Turcan : « On voulait un groupe de jeunes un peu plus peps, avec une touche de folie. On voulait amener le côté ultra, les torches, etc. La perspective de montée attire les gens. En tribunes, on retrouve des visages qu’on ne voyait plus. » Y compris certains membres du conseil municipal qui, quelques années en arrière, ne comprenaient pas la fibre sportive du futur maire Gaby Charroux. « La montée serait une bonne affaire pour tout le monde, qu’on aime le foot ou pas. C’est de l’intérêt général, cette montée. Rien qu’au club, on aurait une dizaine d’embauches, s’enflamme l’élu communiste. On l’a vu avec la venue de Marseille en coupe, les commerçants ont fait le plein. Ça fait parler de la ville aussi. » 

Le siège historique du FC Martigues, temporairement fermé après un nouvel incendie criminel.
Le siège historique du FC Martigues, temporairement fermé après un nouvel incendie criminel.

Le retour au premier plan du FCM permet aussi à ce port emblématique de la Provence de se resituer sur la carte, avec une identité locale forte, et assumée. « On a une mentalité particulière ici, dans ce coin reculé. Les Marseillais disent : “Tu es bien de Martigues !” Ça veut dire que tu es un peu benêt, quoi. Eux, c’est la grande ville, et nous, le village », explique Thierry le Supras. Le maire ajoute : « C’est une zone géographique particulière. On a la tête près du bonnet comme on dit, on est grande gueule. On a aussi une identité sportive du fait de notre cadre de vie. Et puis on ne se sent pas comme les autres parce qu’on est martégaux. Sans oublier la mixité de toujours parce qu’on est un port industriel, aussi. » Une identité que le club s’efforce de préserver, assure le président : « On n’est pas n’importe où. On a une histoire, un attachement à l’industrie, à l’eau, avec un métissage de population. Martigues a toujours accueilli les gens. On porte ces valeurs, avec un attachement fort, comme tous les sudistes. (Rires.) Foued Kadir l’incarne mieux que personne, en revenant terminer sa carrière au FCM. Et peut-être avec deux montées… »

Car si le plus dur reste à faire dans le sprint final, au FCM, on ne parle plus que de montée, à l’image du président : « Rester en National, ça m’inquiéterait plus. L’année prochaine, il y aura encore six descentes. Et les grosses équipes passées à côté de leur saison ne vont pas refaire les mêmes erreurs… » Sans tomber dans le péché d’orgueil, le club martégal se prépare même déjà aux exigences de la L2, au cas où. L’ouverture du capital est envisagée, pour soulager la mairie, tandis que des travaux de mise aux normes ont déjà commencé dans le vétuste stade Francis Turcan. « Depuis des mois, on réfléchit à l’évolution à suivre. Par exemple, il faut installer la vidéo protection, un grand écran, revoir les grillages. On avait déjà refait la pelouse et le drainage l’an passé. Là, on construit l’espace d’hospitalité, les parkings pour les officiels, le stationnement des bus des joueurs, des supporters adverses. Tout est en train d’être fait pour un début de championnat en Ligue 2, on l’espère », se projette le maire Gaby Charroux.

Le stade Francis Turcan de Martigues.
Le stade Francis Turcan de Martigues.

À terme, le club devra aussi se structurer pour arrêter de s’entraîner sur six stades différents de l’agglomération, avec l’espoir, aussi, de pouvoir rouvrir un centre de formation à moyen terme. Une renaissance conditionnée par le sportif, et cette semaine décisive avec les deux finales à jouer face à Dunkerque puis à Concarneau, avant de recevoir Nancy et Versailles, entrecoupé d’un déplacement à Borgo. Et si jamais, au soir de la dernière journée du 26 mai, la montée n’est pas au rendez-vous, Martigues sera quand même en fête. Pas pour les 30 ans de la C1 de l’OM, célébrés le même jour, mais pour les 30 ans de la montée du FCM de Benarbia en D1. « On a prévu des festivités. Toutes les planètes sont alignées, sur le papier… », sourit Alain Nersessian, « Entre les 30 ans de la C1 de l’OM, les 30 ans de la montée de Martigues, et peut-être une nouvelle montée, ça peut être une sacrée journée. » De quoi trancher avec la quiétude estivale de la Venise provençale. Le calme avant la tempête martégale ?

Dans cet article :
Pierre Wantiez : « Le FC Martigues peut exister en Ligue 2 »
Dans cet article :

Par Adrien Hémard-Dohain, à Martigues

Tous propos recueillis pas AHD.

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