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À Lyon, une finale avec modération

Par Julien Duez et Léo Ruiz, à Lyon
À Lyon, une finale avec modération

La France est-elle sortie trop tôt de son Mondial ? Probablement. En tout cas, à Lyon, qui accueillait le dernier carré de la Coupe du monde, difficile de trouver la ferveur attendue. Les supporters tricolores avaient déjà la tête ailleurs. Les visiteurs, eux, ont surtout profité de leur passage dans le Rhône pour faire du tourisme. Une manière comme une autre de consommer le football en somme.

À l’extérieur du Groupama Stadium, c’est peut-être bien le point culminant de cette journée de finale de Coupe du monde. Il est 16h30 et le Couëron, « restaurant-traiteur » qui se transforme en bar à bières les jours de match, fait monter une température déjà lourde à supporter à quelques minutes du coup d’envoi. Queen, Daddy Yankee, Cindy Lauper… à la manière de Tobin Heath sur le pré, le DJ opte pour des chemins musicaux sans queue ni tête. Mais peu importe, les fans américains chantent, dansent et se saoulent joyeusement avec des bières hors de prix. Les derniers trams de supporters en provenance de Lyon – Part-Dieu et de Vaulx-en-Velin – La Soie se faufilent au milieu de la foule pour aller déposer le public au pied du formidable outil connecté.

Hormis la bande d’éméchés qui enflamme le Couëron, pintes en plastique ou bouteilles de rosé à la main, brandissant comme ils peuvent les portraits de leurs idoles de la sélection, le public US, dominateur toute la semaine à Lyon, est très majoritairement WASP et familial. Assis au pied d’un lampadaire, Robert, casquette des JO sur son crâne rougi par le soleil, complimente tout ce qui passe devant lui : des Néerlandais, « great team » , des Australiens, « nice country » , ou des Français, « I love Lyon » . Venu avec les siens de Portland, Oregon, il est logé depuis son arrivée en centre-ville à côté de la « west river » , comprendre la Saône. « La dernière Coupe du monde, c’était en face de chez nous, à Vancouver. Là, c’est plus fun. Et les restos lyonnais sont délicieux. Allez, c’est l’heure d’aller chercher la quatrième étoile. »

Un gros manque de bleu

Quelques heures plus tard, le quinquagénaire fête le titre comme la plupart de ses compatriotes : calmement, autour d’une table de la rue Mercière, sur la Presqu’île. D’autres ont opté pour le charme du Vieux Lyon, de la rue Saint-Jean et de ses bouchons touristiques. Omniprésence de maillots et drapeaux américains mis à part, c’est un dimanche soir assez classique dans la capitale des Gaules. Les terrasses sont plus garnies que d’habitude, voilà tout. Attablé face au match de basket de l’équipe de France, Ronan, professeur de SES à Lyon depuis quatre ans, a quelques regrets. « J’aurais aimé voir l’ambiance dans la ville si la France avait gagné, dit-il. Là, on est sur un public très aisé, plus consommateur que passionné. » Amateur de foot féminin depuis plusieurs années et présent au stade avec son père et son frère – volontaire à Grenoble pendant la compétition – dans l’après-midi, ce supporter de l’En Avant de Guingamp assure ne pas vraiment avoir senti la présence du Mondial chez lui tout au long de la semaine.

Le « village animation FIFA Fan Experience » de la place Bellecour n’a pas attiré les foules en dehors des heures précédant les rencontres (15 000 personnes le mardi avant Angleterre-USA). Les matchs n’ont pas été diffusés sur son écran géant (la diffusion de la finale avait été envisagée au stade de Gerland en cas de qualification des Bleues et donc annulé, N.D.L.R.), les habitants ne se sont pas spécialement réunis pour regarder les rencontres dans leurs bars favoris. Il y a sans doute plusieurs facteurs à cela : l’élimination prématurée des Bleues, la canicule – pas un chat sur des quais habituellement remplis –, ce nouveau stade déconnecté du centre-ville… Oscar et Cristina, maillots d’Alex Morgan et de Mia Hamm sur le dos, venus avec leurs deux enfants en bas âge d’Atlanta, s’en fichent royalement : en assistant à la finale en France, ils ont « réalisé [leur] rêve » . Mais là, il est 23h30 et ils vont aller se coucher.

Pas un pour rattraper l’autre

Plus haut sur la Presqu’île, sur la place Sathonay, une troupe de jeunes supporters des Yanks s’installe au Dam’s pour une pinte devant la deuxième des trois finales du jour : Brésil-Pérou, en Copa América. À leur arrivée, ils sont applaudis par les quelques supporters néerlandais déjà en place et ravis de l’initiative des tenanciers qui proposent à la carte, une « assiette hollandaise » , composée d’un méli-mélo de goudas jeune et vieux, de gaufres à la cassonade, de beurre de cacahuètes et de pain au beurre salé. Quelques bières pour arroser le tout, les Bataves sont ravis. C’est une belle semaine qui se termine avant d’attaquer les choses sérieuses : descendre encore plus bas pour attaquer les congés estivaux qui, comme chaque année, se prennent dans le Sud de la France. C’est sûr, Lyon est en train de vivre la fin de sa semaine touristique. Pour les commerçants locaux, c’est une réussite. Pour ceux des alentours aussi d’ailleurs. Nombreux sont les viticulteurs qui ont enchaîné les visites de leur domaine en compagnie de touristes du ballon rond, avec dégustations et vente en gros en sus.

Mais certains, à l’image de ce patron de bar sportif du centre-ville, sont heureux de retrouver un peu de calme après ces quelques jours bien remuants : « Ça dure depuis la semaine dernière ! On a tout eu : des Ricains, des Hollandais, des Anglais, des Suédois… Et ils picolent tous, y en a pas un pour rattraper l’autre. Alors oui, c’est bien pour le chiffre évidemment, mais bon, pour le staff, ça devenait impossible à gérer. » On le croit sur parole, mais force est de constater que l’euphorie a eu du mal à traverser les portes des débits de boissons rhodaniens. La capitale des Gaules s’endort sans laisser l’impression qu’une finale de Coupe du monde de football vient de s’y dérouler. De quoi rappeler celle de Ligue Europa la saison dernière, lorsque seuls les supporters de l’Atlético de Madrid avaient eu droit de cité dans les rues lyonnaises. Finalement, il faut traverser le Rhône et redescendre les quais jusqu’au quartier de la Guillotière pour trouver une ambiance de fête et de victoire. Les klaxons ne cessent de sonner sur le cours Gambetta, les gens crient et chantent dans la rue. L’Algérie vient de battre la Guinée 3 à 0.

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Par Julien Duez et Léo Ruiz, à Lyon

Photos : JD et LR

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