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A. Lucarelli : « Le football italien est un football malade »

Propos recueillis par Eric Marinelli
9 minutes
A. Lucarelli : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le football italien est un football malade<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Tandis que tous ses coéquipiers ont quitté le navire, cet été, Alessandro Lucarelli est resté fidèle à Parme. À 38 ans, le capitaine exemplaire des Ducali compte bien réussir son dernier défi, avant de tirer un trait sur sa carrière, à savoir remettre le club sur de bons rails. Mais avant de retrouver les terrains, le défenseur italien dresse pour nous le bilan de la saison passée et étaye le nouveau projet de Parme.

Commençons par les bonnes choses. Parme a explosé le record d’abonnements en Serie D avec déjà 8000 abonnés. Tu t’attendais à un tel soutien ?

Je connaissais l’amour que les tifosi ont pour cette équipe. Mais je ne m’attendais certainement pas à que de tels chiffres soient atteints aussi rapidement. Atteindre 8000 abonnés en à peine dix jours, honnêtement c’était impensable. C’est encore une fois, une incroyable démonstration de l’amour que les tifosi portent à leur équipe.

Et donc tu es le seul rescapé de la saison dernière. Tu as dit que tu avais d’autres propositions. Qu’est-ce qui t’a convaincu de rester en Serie D dans ce cas ?

Ça fait bientôt huit ans que je suis à Parme, et je suis à un âge déjà bien avancé. Je n’avais pas envie d’aller chercher un contrat ailleurs pour une ou deux saisons. Ma volonté était de finir ma carrière à Parme, peu importe le championnat. D’ailleurs, j’avais déjà dit en février, quand nous étions en plein milieu des problèmes, que je resterai quoiqu’il arrive. Je ne pouvais pas ne pas tenir ma parole.

Ça ne te fait pas peur de descendre en Serie D ?

Non, absolument pas. Bien sûr, il faudra un certain temps d’adaptation. La Serie D est évidemment très différente de la Serie A. Il n’y a pas les mêmes joueurs et encore moins les mêmes stades. Mais je suis prêt pour ce nouveau défi. Le plus important pour moi est de le faire avec le maillot de Parme.

Nevio Scala (le nouveau président de Parme, ndlr) a dit que ça lui aurait plu que d’autres joueurs restent comme toi. Tu n’as pas essayé de convaincre d’autres coéquipiers ?

Non, non, chacun doit faire comme il le sent. Certains joueurs ont encore leur carrière devant eux. C’est normal qu’ils suivent leur propre route. On ne peut pas leur reprocher de faire ce qui est bon pour leur propre carrière.

Beaucoup de joueurs ont quand même signé à Parme, cet été. Comment tu juges le nouveau groupe ?

Le nouveau groupe travaille très bien. Il y a des garçons qui ont une grosse envie de montrer de quoi ils sont capables. Enormément de joueurs voulaient venir à Parme, car ça reste un grand club, même s’il est aujourd’hui en Serie D. L’enthousiasme et la motivation sont là. Il faut maintenant les transmettre sur le terrain pour obtenir tout de suite de bons résultats.
À Parme, j’ai l’impression d’être le prof qui reçoit les jeunes qui viennent découvrir l’école (rires)

Il y a aussi beaucoup de jeunes joueurs, car le règlement impose la présence d’un certain nombre d’entre eux. Avec ton expérience, tu seras un peu le prof du groupe, non ?

(rires) J’ai l’impression d’être de retour à l’école ! Tu sais, quand il y a des élèves plus jeunes qui viennent découvrir l’école. (rires). Plus sérieusement je mettrai à leur service mon expérience aussi bien sur le terrain qu’en dehors.

J’imagine que l’objectif, cette saison, est quand même de remonter immédiatement en Lega Pro ?

Oui, absolument, il ne peut y avoir aucun autre objectif. Nous sommes dans l’obligation de gagner le championnat. Nous devons gagner pour poser les bases qui permettront à Parme de revenir où il le mérite.

Après tout ce qui s’est passé la saison dernière, notamment la vente aux enchères de certains matériels d’entraînements, dans quel état se trouvent aujourd’hui les installations de Parme ?

Non ça va, la structure est restée la même et c’est une structure de premier ordre. Ce sont juste les terrains qui ont été un peu négligés, à cause de la situation compliquée qu’on a vécue. Mais les conditions d’entraînements sont vraiment très proches de ce qu’on a connues la saison dernière.

Selon toi, sans parler des 500 000 euros nécessaires à l’inscription, Parme aurait pu ou dû être repêché en Lega Pro ?

Malheureusement les critères de repêchage pénalisent un nouveau club comme le nôtre. Même si l’histoire de Parme est importante, aujourd’hui c’est comme si c’était un tout nouveau club. Le palmarès a été effacé. Donc on ne pouvait pas être repêché. C’est dommage, on aurait pu gravir la première marche et gagner un an. Tant pis, on pourra dire qu’on ne doit rien à personne en gagnant sur le terrain le droit de monter en Lega Pro.

Au niveau personnel tu te sens d’attaque ? Pas trop épuisé après la saison dernière, surtout mentalement ?

La saison dernière a été très éprouvante mais les vacances m’ont vraiment fait du bien. J’ai réussi à me changer les idées et à récupérer l’énergie que j’ai dépensée la saison dernière pour le club. Maintenant je me sens bien, et je m’entraîne pour être en forme le plus vite possible.

Tu as déclaré que tu étais mort avec Parme et que tu voulais renaitre avec Parme. Est-ce que tu as désormais réussi à faire le deuil ?

Oui, absolument. Maintenant c’est derrière moi. Aujourd’hui je suis remotivé même si on repart de tout en bas. L’important est de renaitre avec un club sérieux propre, avec la volonté de ramener Parme où il le mérite le plus vite possible.

Tu es encore en colère à cause de ce qui s’est passé la saison dernière ? Peut-être contre Ghirardi, ou Tavecchio par exemple ?

Oui, je suis encore en colère et déçu. Surtout quand je vois que rien n’a encore été fait aussi bien par la justice sportive que pénale contre ceux qui sont responsables de ce qui est arrivé. Ça me laisse perplexe. Avec tous les dommages qu’ils ont causés, ils n’ont pas encore été punis, comme ils devraient l’être. Et cela me déplaît fortement.
Si certaines règles avaient déjà existé, peut-être que Parme n’aurait pas fait faillite

D’après toi, la Fédération a fait tout ce qu’elle pouvait ?

Avec notre bataille, nous avons cherché à mettre en vigueur certaines règles, qui si elles avaient existé avant, auraient peut-être empêché à Parme de faire faillite. Certaines règles ont ainsi été faites, grâce à nous, pour contrôler les clubs et ceux qui veulent les acheter. Tavecchio a, au moins, eu le mérite de nous écouter. Mais je répète que si certaines règles avaient déjà existé, peut-être que Parme n’aurait pas fait faillite.

D’ailleurs cet été d’autres clubs comme la Reggina, Varese ou Venezia ont…

(Il coupe). Oui, beaucoup de clubs ont coulé, notamment en Lega Pro. C’est symptomatique d’un football qu’il faut complètement refonder. Le football italien est un football malade qui nécessite d’être refondé à la base. Mais il faut la volonté de le faire. Parce que si on laisse toujours le football dans les mains des mêmes personnes, cela ne changera jamais. Il faut laisser davantage la parole aux joueurs et aux tifosi, parce que ce sont aussi eux qui payent le mal fait par les dirigeants.

À Parme, quand vous êtes-vous rendu compte que la situation économique était critique ? Peut-être quand vous avez été exclus de la Ligue Europa ?

Oui, ça a été la première alerte. Même si on savait déjà que le club avait des problèmes de liquidités. Mais comme tous les clubs de Serie A ou au moins la majorité. Cependant l’exclusion de la Ligue Europa nous a fait penser que la situation empirait.

Mais vous vous attendiez à ce que les problèmes soient aussi monstrueux ?

Non, non pas à ce point ! Personne ne s’imaginait que la dette pouvait être aussi énorme. On ne pouvait pas s’imaginer ça ! Ce qui m’a le plus frappé est qu’on nous a caché la situation réelle jusqu’au bout.

Baucoup d’employés de Parme ne touchaient plus leur salaire. Tu as d’ailleurs beaucoup oeuvré pour mettre en lumière ces gens-là. Tu sais ce qu’ils sont devenus aujourd’hui ?

Certains ont réussi à rester au club. Malheureusement la majorité se retrouve aujourd’hui sans travail. À cause de certaines personnes, une dizaine de famille se retrouve en difficulté…

Une autre triste figure : à peine Parme a fait faillite, les équipes de Serie A se sont jetées à corps perdu sur les joueurs libres. Cela t’inspire quoi ?

Hélas ça fait, entre guillemets, partie du jeu. On avait un secteur jeune de grande qualité et les meilleurs clubs sont attentifs aux jeunes talents. Encore une fois, on ne peut pas en vouloir à ceux qui sont partis. Je leur souhaite quand même de réussir même si je pense que certains jeunes auraient pu rester en sachant que Parme est juste de passage en Serie D.

Inversement, d’importantes personnalités, comme Nevio Scala, Gigi Apolloni, Lorenzo Minotti ou encore Barone et Morrone, sont revenues au club. Et si finalement tout cela avait été un mal pour un bien ?

Absolument ! On l’a d’ailleurs vu avec la réponse des tifosi qui se sont abonnés en masse. Parme peut désormais se reconstruire avec des personnes sérieuses et qui veulent surtout du bien au club. Personne ne peut imaginer que des gens comme Scala, Minotti ou Apolloni fassent du mal à Parme. Ce sont des personnes qui ont une histoire intime avec le club. Et ça ne peut que être bénéfique.

Le nouveau Parme repart aussi avec un nouveau modèle économique avec un actionnariat diffus. Qu’en penses-tu ?

C’est un bon signal. Cela donne la possibilité aux tifosi de s’investir et de faire encore plus partie du club. Ils auront cette fois vraiment leur mot à dire. C’est aussi un pas en avant pour le football italien, car nous sommes les premiers à faire ce choix. J’espère que d’autres clubs enclencheront le pas par la suite.

Cela peut-être une réponse concrète aux problèmes économiques du football italien ?

Oui, oui, absolument. C’est une nouvelle voie pour permettre au football italien de retrouver du crédit au niveau mondial.
Je me devais vraiment de rester pour aider le club à se reconstruire. Je ne vois vraiment pas comment cela aurait pu être autrement

Tu as conscience d’être devenu, en quelque sorte, un symbole ? Comme l’était ton frère Cristiano quand il a écrit son livre « Vous pouvez garder votre milliard » .

Oui. À dire vrai, je suis content de l’estime que les gens portent à mon égard. Et rester à Parme était aussi une façon de les remercier. Ils m’ont toujours voulu du bien, et je devais quelque chose en retour. Le fait de ne pas avoir réussi à sauver le club l’année dernière y est aussi pour quelque chose. Je me devais vraiment de rester pour aider le club à se reconstruire. Je ne vois vraiment pas comment cela aurait pu être autrement.

Ton frère et toi venez de Livourne, une ville historiquement ancrée à gauche. Un bastion communiste. C’est de là que viennent vos valeurs ?

Oui, on peut dire que les Livornesi sont un peu fous ! (rires). Ce sont des gens anticonformistes par nature. Disons que nos choix sont différents de la plupart des gens. Je me sens vraiment livornese de ce point de vue.

En outre, tu es devenu consultant pour Premium Sport sur Mediaset. En prévision de la fin de ta carrière sportive ?

On m’a proposé cette opportunité. Je l’ai accepté avec enthousiasme. Ce n’empiètera pas non plus sur mes responsabilités avec Parme et je pense que la Serie A est un sujet que je connais plutôt bien (rires). Je pense que c’est une expérience qui me plaira. Pour le futur, après ma carrière, on verra plus tard.

Pour finir, tu penses jouer encore combien de saisons ?

Je pense que ce sera ma dernière saison, cette année. Mais si, en mai prochain, je me sens bien physiquement et que j’ai encore la motivation, peut-être que je pourrais faire une saison de plus. Je pense aussi rester dans le staff de Parme par la suite.
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Propos recueillis par Eric Marinelli

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