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À l’ombre pour un fumigène
Lors de la rencontre entre le SC Bastia et l’AS Saint-Étienne, samedi dernier, un supporter stéphanois a été condamné à 15 jours de prison ferme, 500 euros d’amende et un an d’interdiction de stade pour avoir allumé un fumigène. Le procureur de Bastia justifie l’application d’une « politique pénale locale très stricte » alors que les supporters foréziens, qui clament l’innocence de leur camarade, dénoncent une condamnation « complétement disproportionnée ». Explications...
Bastia qui reçoit Saint-Étienne, au-delà de l’aspect sportif, c’est l’un des meilleurs publics à domicile – celui de Furiani emmené par la tribune Petrignani – qui se mesure à l’une des plus importantes armadas de supporters à l’extérieur, celle des Verts, promettant au moins autant de spectacle en tribunes que sur le pré. Mais pour les pouvoirs publics, c’était avant tout la rencontre de supporters « connus de la Ligue de Football Professionnel (LFP) pour être assez turbulents » selon Dominique Alzeari, le procureur de Bastia, joint par So Foot.
« J’ai témoigné en disant que ce n’était pas lui »
Alors forcément, lorsque quelques fumigènes sont allumés dans la tribune visiteur, occupée par les supporters stéphanois, la machine à identifier et condamner les fauteurs de trouble se met en branle. A la sortie de la tribune, des policiers cherchent – photo et déclinaison très précise de l’identité en main – un membre des Green Angels, groupe de supporter du Kop Sud de Saint-Étienne, qu’ils soupçonnent d’avoir allumé et jeté un fumigène sur le terrain.
« Le membre de notre groupe s’est rendu de bonne foi parce que ce n’était pas lui qui avait allumé le fumigène, je l’ai accompagné au commissariat et j’ai fait la déposition d’un témoignage sur l’honneur disant que j’étais à deux mètres et que ce n’était pas lui » , déclare Nicolas, responsable des Green Angels qui précise également qu’aucun fumigène n’a été jeté sur le terrain. Commencent alors 48 heures éprouvantes de garde à vue pour ce jeune supporter de 24 ans. « Comme partout, il existe un système de vidéosurveillance assez performant lorsque des fumigènes sont déclenchés. Et il y a eu une collaboration entre les responsables de la sécurité de l’ASSE et le PC sécurité du stade de Bastia qui a permis l’identification de la personne » , assure Dominique Alzeari.
Un supporter en état de récidive selon le Parquet
Sauf que, selon Nicolas, les preuves à charge avancées par le procureur changent à mesure que la garde à vue se prolonge : « Au départ, ils nous avaient dit l’avoir identifié grâce à la vidéosurveillance, puis on apprend que les photos et la vidéo ne sont pas exploitables et qu’ils se fondent en fait uniquement sur le témoignage d’un stadier. » Le supporter des Verts est finalement déféré lundi matin devant le tribunal de Bastia où il passe en comparution immédiate. Trois témoignages de supporters présents en tribune s’ajoutent alors à celui de Nicolas et maintiennent que le supporter n’a pas allumé de fumigène. En vain. Les réquisitions du procureur sont suivies par le juge. Le supporter écope de 15 jours de prison ferme, sous le régime du bracelet électronique, de 500 euros d’amende et d’un an d’interdiction de stade.
« Le fait d’introduire des fumigènes dans une enceinte sportive est interdit. C’est un délit puni d’emprisonnement, d’amende et éventuellement à titre complémentaire d’une interdiction de fréquenter des stades. Sans compter que l’année dernière, l’ASSE était connue de la Ligue de Football Professionnel pour être assez turbulente au niveau de ses supporters. Il y a donc une politique pénale au plan local très stricte. Valable pour les Bastiais comme pour les visiteurs » , explique le procureur de Bastia. Les supporters stéphanois, eux, sont sous le choc : « C’est complétement disproportionné ! C’est quelqu’un qui a un boulot respectable et qui sortait d’une interdiction administrative de stade (IAS) donc qui n’aurait jamais pris le risque d’allumer un fumigène… » proteste Nicolas.
« L’ASSE met la pression sur les stadiers en réponse à la pression que la LFP exerce sur le club »
Car voilà, la raison qui a motivé les réquisitions du Parquet réside dans la récidive : « Il se trouve que ce supporter était récidiviste. Il a déjà été condamné en 2007 pour exactement les mêmes faits, il était sous le coup d’une interdiction administrative de stade jusqu’au 19 août dernier. Lors du match Bastia – Saint-Étienne, il a à nouveau introduit un fumigène et l’a utilisé. Comme il était en récidive, il a directement été déféré et est passé en comparution immédiate, et une peine d’emprisonnement a été prononcée et qui va s’exécuter à Saint-Étienne par le biais d’un bracelet électronique. »
Outre l’ampleur de la condamnation, Nicolas ne cache pas son amertume à l’égard de son club de cœur : « On est complétement sidérés et dégoûtés par l’attitude de l’ASSE qui par le biais de son avocat a enfoncé notre membre. Je ne pense pas que le stadier qui l’a identifié soit de mauvaise foi mais je crois qu’il s’agit d’une méprise de sa part, favorisée par la pression que met l’ASSE sur les stadiers, en réponse à la pression qu’exerce la LFP sur le club. » La LFP, par la voix de Pascal Garibian, président de la commission de discipline de la Ligue, n’a en effet pas caché sa volonté de tolérance zéro au début de la saison. Et de la clémence dont elle pourrait faire preuve – en termes d’amende – à l’égard des clubs qui poursuivraient leurs supporters interpellés pour usage d’engins pyrotechniques.
Les fumi pas plus dangereux que les briquets
Les fumigènes continuent d’être la priorité de la lutte contre le hooliganisme. Et ceux qui en font usage sont qualifiés sans concessions de « pseudos supporters qui sont en fait des délinquants » par Pascal Garibian, dans les colonnes de L’Equipe du 20 août. Quant à ceux qui ont encore le malheur de voir derrière les volutes rouges incandescents, une forme de folklore ou pire l’expression d’une culture supporter, ils sont renvoyés dans le carcan inflexible de la loi : « La réponse de l’individu sur le côté festif est un peu effacée par l’interdiction légale d’une part et les questions de sécurité d’autre part. Ces engins peuvent être dangereux » , justifie ainsi le procureur. Eu égard à la proportion de fumigènes allumés depuis plus de vingt ans dans les tribunes françaises et au nombre d’incidents qu’ils ont causés, ils sont à peine plus dangereux que les briquets. Qui sont eux aussi désormais interdits dans certaines tribunes…
Par Anthony Cerveaux, avec Antoine Aubry