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  • Interview Gaétan Bong

« À l’Olympiakos, les gens aiment leur club jusqu’à la mort »

Par Maxime Brigand
13 minutes
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Leader de Championship avec Brighton, Gaëtan Bong a retrouvé cette saison la confiance en un projet ambitieux. Le tout après une expérience mitigée en Grèce et une pige de trois mois à Wigan. Rencontre entre Michel, Philippe Montanier et Yvon Pouliquen.

Pourquoi avoir accepté l’offre de Brighton ?Tout simplement parce que j’étais à l’Olympiakos. À la fin, ça ne s’est pas très bien passé. J’ai rompu mon contrat avec eux, en Grèce il y a des problèmes de retards de paiement. Derrière ça, j’ai signé pour trois mois à Wigan, histoire de finir la saison. Cet été, j’ai eu plusieurs offres, notamment de clubs français de Ligue 1, mais pour être honnête, je n’avais pas très envie de revenir en France. J’ai fait huit ans là-bas, donc c’est un championnat que je connais déjà très bien. L’entraîneur qui est aujourd’hui à Brighton est l’ancien coach de Newcastle (Chris Hughton, ndlr). C’est quelqu’un qui me connaissait, il avait voulu me faire venir à un moment donné, mais ça ne s’était pas fait. Il a repris Brighton l’an passé et il m’a dit qu’il voulait faire une équipe pour monter, que j’étais sa priorité en défense, donc on a discuté. C’est vraiment cette personne qui m’a fait me décider parce que je me posais beaucoup de questions par rapport à la Championship. Mais quand j’ai vu Brighton, le club, j’ai vite compris. Je pense qu’il y a beaucoup de clubs, notamment en Premier League, qui n’ont pas ces installations-là.

Comment s’est passé votre rencontre ?Quand on s’est rencontrés, il savait que j’avais d’autres propositions, donc ça a été très rapide. La première chose qu’il m’a dite, c’est qu’il savait que je pouvais aller plus haut. Il m’a dit qu’il voulait monter, qu’il voulait que je sois une de ses pièces maîtresses. Après, moi, je marche au feeling. C’est ce qui a guidé la plupart des choix dans ma carrière. Avec Brighton, j’ai vite compris que c’était un club avec de l’ambition, que le coach était quelqu’un qui connaissait le très haut niveau. Il a su trouver les mots pour me convaincre.

Qu’est-ce que tu as trouvé quand tu es arrivé à Brighton ? La première chose, c’est que j’ai trouvé un championnat très physique. Quand je dis physique, c’est réellement très physique, bien au-delà de ce que l’on peut imaginer. Pour Brighton, j’ai découvert un club ambitieux et qui se donne les moyens de ses ambitions. Le discours a été très simple : pour monter, il fallait des armes. J’ai aussi découvert une très belle ville, une grande famille avec les supporters où tout le monde va dans la même direction.

Justement, tu me parles de famille. Toi, tu es arrivé du Cameroun très jeune, tu as été formé au FC Metz. Comment s’est passée ton arrivée du Cameroun en France ?C’est très simple. Quand je suis arrivé en France, je n’étais qu’un bébé. Pour moi, la France c’est tout. Je suis camerounais, mes parents sont camerounais, je joue pour la sélection nationale du Cameroun, mais sachant que je suis arrivé très tôt en France, j’ai fait tous mes premiers pas ici. C’est en France que j’ai découvert le foot. Je suis arrivé à Metz par un concours de circonstances. Déjà, à ce moment-là, la personne qui m’a fait venir est Francis De Taddeo. Il était directeur du centre de formation et me suivait depuis longtemps. J’ai été à la Madine ensuite, c’est une histoire de feeling. C’est dans ce club que j’ai fait mes premiers matchs en pro. Je me suis blessé pendant presque un an et j’ai été prêté à Tours pendant un an (en 2008-2009, ndlr). C’est là que j’ai vraiment pu m’exprimer avec une belle équipe, Koscielny et Giroud notamment. Cette année-là, on rate de peu la montée en Ligue 1 et je signe à Valenciennes. C’est une question d’hommes, là c’est Philippe Montanier qui m’avait convaincu.

Un an avant, M. Pouliquen me dit que je suis son latéral titulaire. Et une semaine avant la fin du mercato, il me dit qu’il a changé ses plans et qu’il veut me prêter.

Tu parles souvent de feeling, mais si tu es parti de Metz, c’est avant tout à cause d’une cassure avec le coach de l’époque, Yvon Pouliquen.Oui, si je suis parti du FC Metz, c’est parce que je ne m’entendais pas du tout avec M. Pouliquen. Je le dis clairement parce que c’était le cas. On voyait le football d’une façon différente, j’étais jeune. Un an avant, il a un discours précis où il me dit que je suis son latéral titulaire. Et une semaine ou dix jours avant la fin du mercato, comme le font certains entraîneurs, il me dit qu’il a changé ses plans et qu’il veut me prêter. Donc après Tours, quand je reviens à Metz, je lui ai dit clairement que je suis resté sur ses dernières paroles. Il a réussi à créer une cassure entre moi et le FC Metz qui est ma famille.

Est-ce que tu lui en veux aujourd’hui ?Non, je ne lui en veux pas. Pour moi, je n’ai rien vu d’Yvon Pouliquen. J’ai joué de nombreuses années en France et je ne l’ai jamais revu reprendre une équipe. Je ne peux pas dire que je lui en veux, je peux juste dire qu’il m’a permis de me trouver en disant qu’il ne comptait pas sur moi. Il m’a obligé à quitter Metz, ce que je n’étais pas prêt à faire, mais la suite m’a donné raison.

En Ligue 1, tu as découvert une nouvelle philosophie avec Montanier. Comment était-il, quelles étaient ses idées et comment arrivait-il à les transmettre ?C’est vraiment dur pour moi de parler de Philippe Montanier. C’est quelqu’un que j’apprécie énormément, donc peut-être que je ne serai pas le plus objectif. J’ai beaucoup de respect pour lui sachant que je l’ai eu pendant trois ans. C’est un coach très proche de ses joueurs, il arrive à en tirer le meilleur parce qu’il donne beaucoup de confiance. Il aime jouer au ballon, c’est ce que j’aime. Dans le foot, il y a beaucoup d’entraîneurs qui disent qu’ils veulent jouer au ballon, mais très peu qui l’assument. Je pense qu’avec Valenciennes, on a montré qu’on aimait ça.

Quelle place a-t-il aujourd’hui dans ta carrière ?Je garde de lui le souvenir d’un homme qui arrive très bien à lire ses joueurs. Avec lui, je crois que j’ai joué à tous les postes (rires). J’ai joué ailier gauche qui était mon poste de formation, j’ai joué milieu défensif, j’ai joué défenseur central et ensuite latéral gauche. Il m’a montré que j’étais capable d’évoluer à plusieurs postes. C’est grâce à lui que j’ai été à la Coupe du monde en Afrique du Sud. C’est l’année où j’ai le plus marché, avec plusieurs buts, des passes décisives. Montanier a toujours su me parler et il n’y en a pas beaucoup dans ce cas.

Justement, en juin 2010, tu disputes le troisième match de poules du Mondial contre les Pays-Bas limite en attaquant gauche. Comment tu peux l’expliquer ?Montanier connaissait parfaitement mon parcours. Il sait que j’ai été formé ailier avant de reculer à Metz. On s’était vu à Tours quand lui était à Boulogne. Quand j’ai travaillé avec lui, on a bossé pour que j’évolue dans mon rôle défensif, que je monte à bon escient. À l’entraînement, c’était différent, je jouais plus haut et je faisais aussi le boulot. Quand Danic s’est blessé à Valenciennes, il m’a fait jouer ailier gauche. J’en étais capable. C’est un poste auquel j’ai évolué à l’Olympiakos aussi.

En août 2013, tu signes donc à l’Olympiakos. On sait ce que représente le club en Grèce. Quel a été le discours pour t’attirer là-bas ?Ma priorité à l’époque était de jouer en Angleterre, mais l’Olympiakos discutait avec moi depuis déjà un petit moment. Le discours a été très simple : je savais que j’allais jouer la Ligue des champions, ça a tout fait basculer. Je suis ambitieux, je ne voulais pas la jouer que sur PlayStation. C’était un rêve pour moi. J’aurai eu la chance de jouer une Coupe du monde, jouer la Ligue des champions, c’est le haut niveau. Sans ça, on ne peut pas dire qu’on a joué au plus haut niveau.

Quand tu arrives en Grèce, le pays est déjà en crise. Comment ça s’est traduit pour toi, même si l’Olympiakos n’a pas été le club le plus touché ?Au début, ça s’est très bien passé. J’ai continué à faire ce que je savais faire, j’ai joué l’Europe. Il faut savoir séparer les choses. En Grèce, tu ne peux pas comparer la crise et l’Olympiakos. C’est différent. Le club est tellement riche dans un pays différent de la France. Ça reste la Grèce. La crise est arrivée par la suite. J’ai connu les retards de paiement, des primes non payées. Quand on vient me prendre à Valenciennes, on travaillait tous les mois, j’étais payé à la fin de chaque mois, c’était dur, mais on fait notre métier et on ne vit que pour ça. Au bout d’un moment à l’Olympiakos, j’ai commencé à me dire que je jouais au football, mais que j’avais aussi une famille. Quand on est dans un club comme ça, voir de telles choses, accepter des choses qui ne devraient jamais exister, au bout d’un moment, tu ne peux plus. Ce n’était plus du plaisir, j’ai préféré stopper et prendre une autre trajectoire.

La différence entre la France et la Grèce, c’est qu’en France, on aime qu’un petit club batte un gros. En Grèce, c’est différent. On veut que l’Olympiakos gagne tout le temps, car il représente la Grèce en Europe.

Le président Marinákis a une réputation claire en Grèce : on évoque souvent des histoires de corruption, de pots-de-vin, d’avantages des arbitres pour l’Olympiakos. C’est quelque chose que tu as vu, toi, en Grèce ?J’ai vu les choses, mais aussi dans l’autre sens. Je me rappelle un match contre le PAOK où on perd le match sur un penalty existant. À ce moment aussi, je me suis posé la question. J’en ai entendu beaucoup dans le club. Nous les joueurs, on se concentre sur ce qu’on doit faire. La corruption, je ne peux pas le dire. C’est un pays qui n’est pas facile, mais moi, je n’ai rien vu, vraiment. Il y a beaucoup de choses bizarres dans ce club. La seule différence avec l’Olympiakos, c’est qu’en Grèce, le club est le numéro un. Tout le monde veut qu’il gagne. En France, c’est l’inverse. Tout le monde veut que le petit club batte le gros. En Grèce, ce n’est pas ça. L’Olympiakos représente la Grèce dans toute l’Europe.

Pendant son passage au Panathinaïkos, Djibril Cissé avait dénoncé ces problèmes et avait porté plainte contre Marinákis. Est-ce que tu en avais parlé avec lui avant ton arrivée ?Non, je n’ai pas eu la chance de l’avoir au téléphone. À ce moment-là, pour moi, la situation était différente vu que c’était l’Olympiakos, le numéro un, pas comme le Panathinaïkos. Je risquais d’avoir plus de problèmes avec le Pana qu’autre chose. J’ai parlé plutôt avec un de mes agents, car Mirallas était passé par l’Olympiakos avant. J’ai été vraiment protégé, mais malgré ça, on ne sait pas toujours tout dans ce pays. Si on n’a pas de caractère, on ne peut pas s’imposer et on peut accepter des choses qui ne sont pas acceptables.

L’Olympiakos est aussi un club de passion. Quel souvenir tu gardes des supporters ?J’ai eu la chance, il y a un mois, de croiser une dizaine de supporters de l’Olympiakos à Brighton. Ils m’ont reconnu et se sont arrêtés au milieu de la route. Ils criaient mon nom et ils chantaient « Olympiakos, Olympiakos » , alors que je n’y suis plus. Je n’ai jamais vu un public comme ça. On peut parler de certains grands clubs, mais là, c’est inimaginable. Je me rappelle aussi d’un match à Manchester où à la fin, je parlais avec les joueurs de United. Ils m’expliquaient qu’on n’entendait plus les supporters grecs à Old Trafford que les Anglais. Je n’avais jamais vu ça. Lors des derbys, c’était tellement électrique qu’on avait parfois peur d’aller sur le terrain. Ces gens-là aiment leur club jusqu’à la mort.

La dernière fois qu’on a entendu parler de toi en France, c’était aussi pour tailler Michel que tu as connu à l’Olympiakos. Comment tu peux expliquer avec du recul que ça ce soit aussi mal passé avec lui ?Honnêtement, quand j’ai tweeté ça, c’était juste pour parler de ma situation personnelle aux joueurs marseillais. J’ai vu et connu beaucoup de choses avec Michel. Je pense qu’on a de très bons entraîneurs en France. Michel a été un grand joueur, mais, pour l’avoir eu en tant qu’entraîneur, je voulais prévenir que ça allait être dur. Je souhaite que ça marche pour l’OM, Marseille se doit d’être en haut du tableau. Pour moi, Michel n’est pas un grand entraîneur. On ne doit pas confondre grand joueur et grand entraîneur. J’ai du respect pour lui, mais je suis quelqu’un qui dit la vérité. Quand j’ai dit ça, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Certains joueurs n’osent pas le dire. Avec moi, à l’Olympiakos, il y avait des grands joueurs. Si certains ont préféré s’en aller, c’est qu’ils ne pouvaient plus supporter ce côté « quand on gagne, c’est moi » de Michel. C’est facile. Il a bossé avec de nombreux joueurs français, donc je me devais de le dire, aussi pour les joueurs noirs. Je ne peux pas tout dire, mais il y a beaucoup de choses à dire. Je souhaite pour Marseille qu’il fasse tout l’inverse de ce qu’il a fait à l’Olympiakos.

Est-ce que des joueurs de l’OM t’ont appelé pour avoir des renseignements sur Michel ?Non, après, entre joueurs, on parle beaucoup. On discute tous, souvent. J’ai juste fait passer un message : quand ça marche, Michel te prendra dans ses bras, quand ça ne marche pas, il va dire que les joueurs ne veulent pas jouer, il va rejeter la faute sur eux. Ce n’est pas un entraîneur qui protège ses joueurs.

Cette saison-là, tu as quand même été champion. Oui, un titre, c’est quelque chose. L’année a été longue, ça n’a pas été simple. On avait aussi réalisé de très belles choses en Ligue des champions. Le secret, c’est d’avoir été soudés entre joueurs malgré un entraîneur qui parfois ne nous aidait pas. C’est ce que je retiens aujourd’hui.

Au Cameroun, il y a beaucoup de corruption, et moi, je ne suis pas ce genre de joueurs, qui « achètent » leur place. Pour l’instant, j’ai donc mis de côté la sélection nationale.

Malgré ce titre, tu n’as pas été à la Coupe du monde 2014 au Brésil avec une grosse concurrence à ton poste.C’est plus compliqué que ça, c’est plus qu’une concurrence. Au Cameroun, il y a beaucoup de choses qui sont sorties comme la corruption. Et moi, je ne suis pas ce genre de joueurs. Je viens, je joue et je ne suis pas quelqu’un qui va acheter sa place. En 2010, Paul Le Guen m’a pris sur mes qualités, pas autre chose. Je voulais faire cette Coupe du monde au Brésil, mais j’ai pris du recul, je n’étais pas prêt pour y aller. Le sélectionneur Finke m’avait rappelé, mais je lui ai dit que je ne voulais pas revenir tant que certaines choses n’avaient pas changé. Pour l’instant, j’ai mis de côté la sélection nationale. Je ne veux pas jouer pour la sélection si l’on ne juge plus simplement le sportif.

L’image qu’a laissée le Cameroun lors de la Coupe du monde 2014 a été largement discutée. Est-ce que toi, en tant que camerounais, devant ta télé, tu as été déçu ?Oui, des choses m’ont déçu, mais ce ne sont pas les joueurs que je juge. C’est plus haut que ça. On sait qu’avec le Cameroun, ce n’est jamais simple. Je pense que tout n’est pas clair. Quand on sait qu’il y a de la corruption par rapport à certains joueurs, des échanges de bons procédés pour avoir des places sur le terrain, c’est sûr que ça devient électrique.

Avec le Cameroun, on parle souvent du rôle que peut avoir Samuel Eto’o au sein de la sélection. On dit qu’il est plus qu’un simple capitaine. Samuel a toujours été plus qu’un capitaine. Il faut faire la part des choses. Peut-être que par moment, il a été maladroit, que des choses ont été mal faites, mais ça reste un humain. La plupart des choses, c’était pour aider notre pays. Pour les primes, c’est lui qui a tapé du poing sur la table. Il y a beaucoup de choses qui se passent, on n’est pas toujours d’accord entre joueurs. Il a fait son rôle de capitaine, de grand frère, tout est discutable. Maintenant, il a arrêté sa carrière avec la sélection et il a encore de grandes choses à faire pour le Cameroun.

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