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À l’impossible nul n’est tenu, sauf Felix Magath
À la mi-saison de Premier League et délesté de ses forces offensives Adel Taarabt et surtout Dimitar Berbatov, on ne donnait pas cher de la peau de Fulham. Sauf que les Cottagers ont tout de même bénéficié de l'arrivée d'un capitaine dans un navire à la dérive : Felix Magath. Un homme qui a l'habitude de renverser des montagnes.
« Je ne sais pas si Felix Magath aurait pu sauver le Titanic. En tout cas, les survivants auraient été en pleine forme. » Cette phrase, c’est l’attaquant norvégien Jan-Inge Fjortoft qui la prononce après une victoire 3-0 de Francfort face à Hambourg. Une victoire qui porte les initiales FM, arrivé il y a peu. Et au vu du contexte, c’est un euphémisme de dire que Felix Magath est un remède efficace contre le défaitisme ambiant. Au plus mal à la mi-saison 1999/2000, les Aigles affichent alors des statistiques faméliques : deux victoires en dix-sept rencontres, et une place de dernier de la classe. Au final, si on prend en compte seulement la phase retour de Bundesliga, l’Eintracht terminera troisième et se sauvera donc en compensant sa première partie de saison de relégable. Magath, c’est ce Doliprane 1000 qui remet d’aplomb après une soirée trop arrosée.
Un dictateur stakhanoviste
Le maintien, c’est bien, mais jouer les premiers rôles, c’est mieux. Vainqueur de la Bundesliga avec Wolfsburg en 2009, l’entraîneur allemand est tout simplement le dernier à avoir remporté une Bundesliga avec un club différent des deux superpuissances que sont le Bayern Munich et le Borussia Dortmund. Une performance qui n’est pas due au hasard. De passage chez les Loups au mois de janvier 2008, Danijel Ljuboja explique la philosophie du père Félix : « Parfois, avant le petit déjeuner, on faisait de la musculation ou de la gymnastique avec un prof, raconte l’attaquant du RC Lens. On allait faire ça à 6 heures 30, 7 heures, et après à 8 heures, on avait notre petit déjeuner. Ensuite, à 10h, un premier entraînement, et à 17 heures, un troisième. Ça ne m’était jamais arrivé de m’entraîner trois fois par jour en cours de saison. » Devant tant de discipline et de rigueur, la stratégie devient forcément payante. Dans tous les clubs où il est passé, le fils de G.I porto-ricain n’a qu’un objectif en tête : faire de ses hommes des machines de guerre.
Désormais retraité, Valérien Ismaël se rappelle les moments difficiles passés en compagnie de Félix le terrible, notamment lors des phases de préparation d’avant-saison. À l’été 2005, l’Alsacien débarque au Bayern Munich en provenance du Werder Brême, recruté par Quälix (mix entre Felix et quälen qui signifie « torturer » ) au Bayern Munich. Après un match de Coupe en Allemagne, les Bavarois prennent l’avion pour atterrir au Japon. « Quand on est arrivés à Tokyo avec le décalage horaire, on est arrivés de nuit, explique l’Alsacien. Le lendemain matin, moi qui arrivait tout juste, je me disais qu’on allait faire un léger décrassage. Comme on était en plein centre-ville, on s’est dit avec les autres joueurs que c’était une bonne chose, qu’il n’y avait pas de terrain dans les parages, et donc qu’on n’allait pas s’entraîner. Felix Magath est parti en premier se balader, puis est revenu au bout d’un quart d’heure en nous disant de nous changer. Il avait trouvé derrière l’hôtel un parc avec des escaliers. Il y avait peut-être 30/35 marches et, pendant une heure, on les a montées et descendues sans arrêt. » Cette culture de l’effort, du dévouement au travail apportera tout de même deux doublés Coupe/championnat consécutifs en 2006 et 2007. L’homme est un tyran avec ses joueurs, mais à la fin, le travail paie.
Fulham, le droit d’y croire
Avec ses 60 printemps au compteur et sa bouteille, on peut légitimement penser que le défi proposé par l’Allemand outre-Manche est dans ses cordes. Après les mauvaises copies de Martin Jol et René Meulensteen, les Whites semblaient promis à la Championship, surtout après le départ en prêt à Monaco de son atout offensif numéro un, Dimitar Berbatov. Mais depuis le 14 février, la politique Magath a pris forme dans le Sud-Ouest londonien. Preuve en est avec Hugo Rodallega, deux fois buteur sur les deux dernières journées de Premier League. En pleine panne de confiance, le Colombien était resté muet pendant quinze mois. Depuis l’arrivée de l’ancien international de RFA au sein du club, les résultats s’améliorent et le bilan est pour l’instant honorable, avec 3 défaites, 1 nul et 3 victoires. Si rien n’est encore fait pour rester dans l’élite, Magath compte bien sauver le club pensionnaire de Premier League depuis maintenant treize saisons. Pour cela, il utilise sa deuxième faculté d’entraîneur : le mérite. « C’est quelqu’un qui ne fait pas de compromis et qui n’a pas peur de prendre des décisions, ajoute Ismaël. C’est-à-dire que lorsqu’un joueur se donnait à 100% à l’entraînement, qu’il ait 18 ou 40 ans, il lui donnait la chance de jouer. On le sentait et c’est pour ça que tout le monde se donnait à l’entraînement. On nous disait de nous entraîner, de jouer à 100% et que celui qui était bon allait jouer. Peu importe qu’on soit au centre de formation ou en fin de carrière. » Au pays du fighting spirit, nul doute que l’alchimie entre intensivité des entraînements et chance donnée au plus valeureux fonctionne à merveille. Reste à savoir si cette absence de hiérarchie permettra au capitaine Magath d’éviter l’iceberg. Une nouvelle fois.
Par Antoine Donnarieix et Morgan Henry