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« À l’avenir, tous les gardiens seront comme Neuer »
11 ans après sa retraite, on a pris des nouvelles d’un gardien historique du paysage de la Ligue 1 : Alexander Vencel. Strasbourg en tête du National, la Slovaquie à l’Euro, l’évolution du poste de gardien, il y avait de quoi causer.
Alexander, 11 ans après ta retraite, où en es-tu aujourd’hui ?Tout se passe très bien pour moi. Je suis toujours dans le football, je suis en charge de la formation des entraîneurs des gardiens pour le compte de la FIFA. Je voyage toute l’année, d’un bout à l’autre du monde pour donner des cours. Officiellement, je suis aussi dans le staff du Racing, donc j’y passe de temps en temps quand j’ai un peu de temps.
Strasbourg est en tête du National. Comment vis-tu la renaissance du club ?On est bien parti, maintenant, il va falloir s’accrocher. Il faut absolument monter cette année, sinon ça serait une très grosse désillusion. À nous de confirmer l’avantage que l’on a réussi à creuser au classement. Derrière, il y aura énormément de boulot. On va devoir se stabiliser en Ligue 2, avoir un centre de formation solide. Il y a encore du chemin avant la Ligue 1, il ne faut pas se précipiter.
Quel a été ton meilleur souvenir comme gardien du Racing ?La Coupe de la Ligue remportée en 1997. C’était un trophée important pour le club, et mon premier avec Strasbourg. On n’a pas eu un parcours facile. La campagne européenne qui a suivi a également été incroyable, avec des adversaires redoutables et des matchs de gala.
Cette équipe de Strasbourg de la fin des 90’s était habituée au ventre mou de la Ligue 1, mais réalisait de beaux parcours en coupes, autant sur la scène nationale qu’européenne. Comment l’expliques-tu ?On avait de très bons joueurs lors de mes premières saisons ici : Frank Lebœuf, Franck Sauzée, Alexander Mostovoi, Xavier Gravelaine… Lui, il déconnait tout le temps et mettait l’ambiance. C’était une très bonne équipe. Par la suite, on avait moins de vedettes, mais notre collectif faisait la différence. On a souvent eu une étiquette de petit poucet, donc on surprenait pas mal de monde. C’était également une occasion pour nous de jouer des matchs de prestige, ça nous transcendait. Peu de joueurs dans cette équipe étaient internationaux, alors on se transcendait.
Quel attaquant t’a le plus impressionné ?J’ai eu la chance d’affronter certains des plus grands attaquants de l’époque, Papin, Van Basten, Ronaldo, Fowler… Je n’ai pas fait de classement, chacun avait énormément de qualités. Je les étudiais, me préparais et essayais de faire de mon mieux en match. Sinon, de ceux qui ont joué avec moi, Alexander Mostovoi, sans hésitation. C’est un joueur exceptionnel, c’est dommage qu’il ne soit pas resté plus de deux ans à Strasbourg.
Ton père a été gardien international, ton fils est le portier d’Épinal. Garder les cages, c’est une histoire de famille ?Mon frère a aussi été défenseur (rires). Cela s’est fait naturellement, il n’y a eu aucune pression particulière. C’est vrai que longtemps j’ai été vu comme le fils de. Il n’y a pas vraiment d’avantages à arriver après son père, on est systématiquement comparé à lui, mais au final, chacun a eu sa carrière. Je suis fier de mon fils, il a toutes les qualités pour réussir. Il va falloir qu’il continue à travailler, l’avenir nous dira s’il a les capacités pour être un grand gardien.
Toi qui es indirectement en charge de la formation des futurs gardiens, que penses-tu de l’évolution de ce poste avec des joueurs comme Manuel Neuer ?Aujourd’hui, il faut être un bon joueur de champ pour être gardien. Les gardiens doivent être de plus en plus complets : pied gauche, pied droit, jeu de tête, réflexe… Il y a un juste milieu à trouver pour être efficace sur le maximum de plans possible. La génération allemande actuelle avec Neuer et Ter Stegen l’a bien compris et montre la bonne direction à suivre. À l’avenir, ça deviendra la norme. Steve Mandanda est d’ailleurs sur la même voie et illustre bien le concept de gardien moderne.
Justement, plutôt Mandanda ou Lloris ?Je ne vais pas me mouiller, je ne suis pas sélectionneur. Je vais laisser Didier Deschamps prendre la décision. Je ne les observe pas autant que lui et son staff. En tout cas, la France a la chance d’avoir deux très grands gardiens, et l’un comme l’autre ont les capacités pour permettre à la France de réaliser un grand Euro.
En parlant d’évolution du poste de gardien, on ne voit plus beaucoup de joueurs en pantalon, alors que c’était ta marque de fabrique. Pas trop nostalgique ?C’est une évolution logique. À l’époque, le matériel n’était pas aussi performant qu’aujourd’hui. Au moindre plongeon, si tu n’avais pas de pantalon, tu te retrouvais avec une pizza sur la cuisse ou de la boue partout. Aujourd’hui, ils ont des maillots faits avec des matières différentes, des sous-shorts qui protègent, des terrains en synthétique. Tout a été fait pour aider les gardiens à ne plus connaître les désagréments que l’on a eus à la fin du siècle dernier. C’est une bonne chose.
La Slovaquie va disputer l’Euro cet été. Comment sens-tu cette sélection ?Elle est sur la bonne voie. Avant la Coupe du monde 2010, elle a connu un renouveau grâce à des joueurs performants dans les petits clubs des grands championnats. Après le Mondial sud-africain, ils ont séduit pas mal de recruteurs et ont signé dans de grands clubs. C’était très bien, mais en concurrence avec les tout meilleurs joueurs du monde en clubs, ils ont mis du temps à s’adapter, ont manqué de temps de jeu, et la sélection en a payé le prix avec un moins bien jusqu’en 2014 et une absence au Brésil. Aujourd’hui, on a dominé le groupe de qualification pendant longtemps avant de céder devant l’Espagne. C’est encourageant. J’espère qu’ils arriveront à gérer la pression lors de la compétition, mais je leur fait confiance. Ils ne sont pas encore en position de rivaliser avec les meilleures nations, mais la Slovaquie aura son mot à dire.
Propos recueillis par Nicolas Kohlhuber