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À la rencontre de Hugo Alvarado, geek devenu scout pour la sélection du Salvador

Propos recueillis par Aurélien Bayard
5 minutes
À la rencontre de Hugo Alvarado, geek devenu scout pour la sélection du Salvador

Pendant plus de dix ans, avec son ordinateur pour seule compagnie, Hugo Alvarado recensait sur son site internet les joueurs susceptibles de renforcer l'équipe nationale de son pays natal, le Salvador. En 2020, la Selecta a décidé de changer son statut et ce simple fan est devenu scout pour la fédération. Dorénavant, il n'a qu'un seul objectif en tête : que le petit pays d'Amérique centrale participe à la Coupe du monde 2026.

Tu as lancé ton site internet spécialisé sur les joueurs d’origine salvadorienne en 2010, quel événement t’a fait franchir ce cap ?La frustration a été mon principal moteur. J’en avais marre de voir ma sélection nationale perdre régulièrement, je voulais la rendre compétitive ! Je me suis demandé comment faire et je me suis souvenu d’Arturo Álvarez, un joueur mi-américain mi-salvadorien jouant pour le San Jose Earthquakes et qui a représenté les États-Unis des U17 jusqu’à la sélection olympique. En 2009, il décide de choisir le Salvador et comme la FIFA venait de retirer la limite d’âge pour le changement de nationalité sportive (avant, il fallait avoir moins de 21 ans, NDLR), Arturo a pu rejoindre la Selecta. Derrière, j’ai vu que d’autres joueurs voulaient en faire de même, donc je me suis dit qu’il y avait un filon à exploiter.

Je faisais des recherches avec les noms de famille, par exemple « Alvarado » est un patronyme commun au Salvador. Puis j’analysais les profils des joueurs sur les réseaux sociaux, s’ils mettaient un drapeau salvadorien par exemple.

Comment faisais-tu pour dénicher ces talents cachés ?Je faisais des recherches avec les noms de famille, par exemple « Alvarado » est un patronyme commun au Salvador. Puis j’analysais les profils des joueurs sur les réseaux sociaux, s’ils mettaient un drapeau salvadorien par exemple. Enfin, je les contactais pour savoir s’ils voulaient jouer ou non pour la sélection nationale.

Ils n’étaient pas étonnés de recevoir un message de ta part ?Surpris, mais intéressés. La plupart d’entre eux ont répondu positivement à mes appels, mais ne savaient pas comment intégrer l’équipe nationale. Il faut savoir qu’avec les guerres civiles, une grande diaspora salvadorienne s’est développée, principalement aux USA, au Canada et en Australie. Et notre sentiment d’appartenance est presque aussi développé que, par exemple, chez les Français. (Rires.) Je les ai donc aidés dans les différentes démarches administratives pour qu’ils récupèrent un passeport salvadorien.

Quelles sont les pépites dont tu es le plus fier ?En onze ans, il y en a eu tellement. Dernièrement, je pense à Enrico Hernández, un jeune de 20 ans (sociétaire du FC Eindhoven, en prêt du Vitesse Arnhem, NDLR). Je ne trouvais pas le moyen de le contacter, ni directement, ni par ses coéquipiers. Alors j’ai fait une recherche sur Facebook en tapant son nom de famille et la ville d’Arnhem. Je suis tombé sur sa sœur qui nous a mis en relation et j’ai réussi à le convaincre de choisir le Salvador, alors qu’il hésitait avec les Pays-Bas (deux sélections avec les U16 bataves, NDLR). La plus belle aventure humaine reste Steve Purdy en 2011. Je propose au coach de la Selecta de venir avec moi à Portland pour le rencontrer. Sauf qu’au dernier moment, il me fait faux bond et je me retrouve tout seul. Arrivé à l’aéroport, je loue une voiture et je vais directement chez Steve qui m’accueille les bras ouverts. Nous prenons des photos avec le maillot salvadorien et quand je m’apprête à partir, il me propose de dormir chez lui. Heureusement, car je n’avais toujours pas réservé d’hôtel pour la soirée.

Comment le Salvador a entendu parler de toi ?Trois mois après avoir lancé mon site, les coachs des différentes sélections (U17, U19, espoir, senior, NDLR) m’ont contacté pour que je leur trouve des joueurs. Je ne sais pas s’ils avaient confiance en moi, en tout cas après l’épisode Steve Purdy, j’ai vraiment été pris au sérieux. J’ai également organisé une détection pour l’équipe nationale olympique en 2011. Les dirigeants me payaient juste les hébergements des 18 joueurs que j’avais choisis, de mon côté je devais trouver les adversaires et des terrains. Trois d’entre eux ont été retenus, mais le plus drôle reste Pablo Punyed. Il était resté à quai, mais quelques années plus tard, il a fait ses débuts pour la A.

Les requêtes sont plus spécifiques maintenant. Les coachs viennent me voir en me disant de chercher un attaquant né en 2004, ou un défenseur de 25 ans. Regarder des vidéos d’un Salvadorien jouant à Taïwan ne suffit plus.

Tu n’es officiellement scout pour le Salvador que depuis 2020, pourquoi pas avant ? Parce que personne ne me l’a proposé ! (Rires.) Pendant dix ans, j’ai fait cela bénévolement, en parallèle de mon travail de développeur de programmes éducatifs pour une ONG. Une fois, j’ai même envoyé un mail au président de la fédération salvadorienne pour lui dire que m’intégrer dans le staff serait un plus dans mes recherches. Je ne sais plus si j’avais obtenu une réponse à l’époque, mais ma situation n’avait pas changé.

Et depuis un an, tu trouves que ton travail a changé ?Que très légèrement. Les requêtes sont plus spécifiques maintenant. Les coachs viennent me voir en me disant de chercher un attaquant né en 2004, ou un défenseur de 25 ans. Regarder des vidéos d’un Salvadorien jouant à Taïwan ne suffit plus.

Quel est l’objectif du Salvador pour les prochaines années ?Nous voulons participer à la Coupe du monde 2026. Depuis 1982, le Salvador n’y a pas participé. De plus, plusieurs éléments jouent en notre faveur. Comme elle sera organisée aux États-Unis, au Mexique et au Canada, ces trois sélections ne participeront pas aux éliminatoires et ne seront donc pas dans notre phase de groupes. Et l’extension à 48 équipes nous permet d’être optimiste. Cependant, nous devons travailler sérieusement dès aujourd’hui pour atteindre ce but.

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