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À la mémoire de King Kong
Ils sont nombreux à avoir porté le maillot du PSG et de Bastia. Bruno Rodríguez, Jérôme Rothen, Mickaël Landreau, Benoît Cauet ou encore Yann Lachuer. Mais un garçon aura marqué l’esprit et le cœur des deux clubs avec la même force. Cet homme, c’est Ilija Pantelić, dit King Kong. Des mains d’ours, des épaules de deuxième ligne de rugby et une classe incroyable sur sa ligne de but. Dans les années 70, le Yougoslave a fait les beaux jours de Bastia avant de devenir le premier grand gardien parisien. Une légende a rejoint le ciel en novembre 2014. Mais elle brille toujours.
Un mastodonte. 1,85m pour 86 kilos. Oui, Ilija Pantelić était du genre à faire de l’ombre. Un athlète au sens premier du terme, qui n’hésitait à braver le sort et les conventions quand il pratiquait le football. Ainsi, « Panto » , comme tout le monde l’appelait, avait une manière bien à lui de s’échauffer. C’est simple, il refusait catégoriquement de le faire devant les buts, ne supportant par le fait d’encaisser le moindre pion, même de ses coéquipiers. Dès lors, avant chaque match, Ilija Pantelić s’échauffait au milieu du terrain. Un OVNI qui se trimbalait également aux entraînements, puisque la légende urbaine raconte que si un joueur avait le malheur de lui faire un petit pont à l’entraînement, il lui courait derrière pour l’attraper. Avant de poser ses gants en France, Pantelić a fait ses classes chez lui, en Yougoslavie. Natif de Novi Sad, il rejoint Vojvodina à 14 ans. Au départ, ses prédispositions physiques le prédestinent au basket-ball ou au volley-ball, des sports très prisés au pays, mais Ilija préfère le football où il devient professionnel et international espoirs à 17 piges. Deux ans plus tard, il est appelé chez les A avec lesquels il sera finaliste de l’Euro 1968, même s’il fut souvent barré par le Stéphanois Ivan Ćurković, ce qui explique pourquoi il ne comptera que 18 capes avec son pays.
Professeur d’éducation physique au civil, Pantelić débute pourtant le football au poste d’arrière droit. Il y jouera jusqu’en minimes, avant que son entraîneur ne décide de le coller dans les bois à la suite de ses nombreuses expulsions et coups de gueule. L’idée est simple : canaliser la bête. Pari réussi, notamment dans son club de cœur du Vojvodina Novi Sad avec lequel il sera sacré champion national en 1966. Pantelić fait tout, puisqu’il tire aussi les penalties, s’offrant même des petits records, comme ce triplé dans un match de championnat contre Trešnjevka ou en devenant le premier gardien à marquer un but en Coupe d’Europe des clubs champions dans un match contre l’Atlético Madrid en 1966. La France ne va pas tarder à découvrir ce talent. En 1969, quand Marcel Leclerc, le président de l’OM, mais également de l’hebdomadaire But, décide de se payer Pantelić, c’est une vraie star qui débarque en France. Sauf qu’à l’époque, l’OM avait déjà atteint son quota de joueurs étrangers. Par la force des choses, le portier international file en prêt en Division 2, au Paris-Neuilly, avant de revenir à l’OM où il ne jouera que deux petits matchs. Tristesse.
« Celui aux cheveux rouges est bien meilleur »
En France, d’autres clubs sont à l’affût de la muraille yougoslave. C’est notamment le cas du big boss de Bastia Jules Filippi, qui réussit le premier coup d’une longue série qui verra Neumann, Rep, Džajić, Tarantini ou Milla jouer avec le maillot du SCB. « Panto » arrive à Bastia durant l’été 1971. Il a 29 ans. Au sein du club corse, on est bluffé par ce portier sans véritable point faible. Excellent sur sa ligne, impérial dans les airs, rapide, toujours au taquet quand il fallait sortir dans les pieds adverses, le tout saupoudré d’une bonne dose de folie. En gros, il fait peur aux attaquants adverses de l’époque, que ce soit Delio Onnis ou Carlos Bianchi. Avec Bastia, il s’offre une épopée en Coupe de France pour sa première saison, avec une demi-finale à Lens mémorable. Le portier passe son match sous les projectiles, mais qualifie les siens pour la finale qui se dispute dans le tout nouveau Parc des Princes. Une finale perdue contre l’OM de son compatriote Josip Skoblar. Le bonhomme n’a peur de rien et encore moins du charismatique entraîneur corse Pierre Cahuzac. En 1973, Bastia met à l’essai l’Allemand Paul-Ferdinand Heidkamp, un stoppeur de 80 kilos. Ce dernier est en balance avec un Yougoslave pour le recrutement, et Pantelić va se mouiller avec une phrase qui caractérise bien le personnage : « Mon compatriote est bon, mais celui aux cheveux rouges est bien meilleur. » Heidkamp restera trois saisons à Bastia. En 1974, après trois saisons pleines sur l’Île de Beauté, Pantélic va réaliser un rêve, vivre à Paris. Il signe au PSG de Daniel Hechter.
Džajić le met à genoux
Dans la capitale, il devient l’un des piliers de l’équipe entraînée par Just Fontaine. Un comble quand on sait que le meilleur buteur de la Coupe du monde 1958 n’était pas très chaud à l’idée de gérer un joueur qu’il décrivait comme un « fou, dur à gérer » . Alors que le PSG poursuit sa progression, Pantelić retrouve Bastia en 1977 dans un match mémorable à Furiani. On est le 5 décembre et chaque équipe compte un génie yougoslave dans ses rangs. Pantelić pour les Parisiens, Dragan Džajić pour les Corses. Et Džajić va mettre au supplice son aîné. Au quart d’heure de jeu, Bastia obtient un corner. Le gaucher utilise un lift vicelard pour obliger Pantelić à dégager le ballon des deux poings. Corner. Nouveau lift. Nouveau corner. Etc. Džajić cherche le corner direct à chaque fois. Il va le faire pendant tout le match avec les… 18 corners que va obtenir le SCB. À la 83e, Džajić en enchaîne cinq de suite, Pantelić lui fait signe que « non » de la main. Il ne marquera pas sur corner direct. 86e, nouveau corner, sauf que Džajić préfère l’offrande pour le crâne de Claude Papi. But. Bastia s’impose 5 à 2. Pantelić a trouvé un adversaire à sa taille.
En fin de saison, il termine l’année sur le banc de touche du PSG durant quatre matchs, en duo avec Pierre Alonzo – le père de Jérôme – après le départ de son compatriote Velibor Vasović. Sentant sa fin de carrière arriver, il se lance dans les affaires et s’offre un bar dans Paris. Une affaire vite oubliée, car Pantelić souffre du mal du pays. Il boucle la boucle en devenant l’entraîneur de son premier club, le Vojvodina Novi Sad en 1981. Un club qu’il ne quittera plus, devenant tour à tour directeur de l’école des jeunes, puis directeur sportif. Hasard ou pas, son club éliminera Bastia en finale de la Coupe Intertoto en 1998. Lors du match retour, perdu 4-0 par Bastia, les Corses avaient été reçus par Ilija Pantelić comme des rois. Il n’avait rien oublié.
Par Mathieu Faure