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À la Lazio, c’est le Caicedo Time

Par Éric Maggiori
6 minutes
À la Lazio, c’est le Caicedo Time

Ce dimanche, Felipe Caicedo a égalisé à la 94e minute contre la Juventus. C'est en train de devenir une habitude pour l'attaquant de la Lazio, déjà auteur de son cinquième but décisif en moins d'un an au-delà du temps réglementaire.

Il fut un temps où, en Italie, on parlait de « Zona Cesarini » pour parler des buts inscrits dans le temps additionnel. Un hommage à Renato Cesarini, joueur italo-argentin auteur d’un but tardif et décisif contre la Hongrie en 1931. Mythe d’un autre temps, qui est en train d’être balayé par une nouvelle légende. Celle de Felipe Caicedo. Ce dimanche, à la 94e minute d’un Lazio-Juventus qui semblait déjà dans l’escarcelle des Bianconeri, l’attaquant équatorien est venu rappeler à tous qu’avec la Lazio, un match n’est jamais terminé tant que lui est sur la pelouse.

Après un slalom de Joaquín Correa, Caicedo a contrôlé le ballon dos au but, et s’est retourné en fusillant Szczęsny du pied droit (1-1). Il y avait 4 minutes de temps additionnel. Au moment où le ballon quitte le pied de l’attaquant, le chronomètre affiche 94’01. Une ponctualité bluffante, qui prouve surtout que Panterone n’en est pas à son coup d’essai. Sept jours plus tôt, sur la pelouse du Torino, il avait offert la victoire à la Lazio (3-4) en marquant à la 97e minute (97’02 pour la précision). Entre les deux, il avait également arraché le point du nul sur la pelouse du Zénith, en Ligue des champions, en égalisant à la 82e minute. Dingue.

Amami o faccio un Caicedo

On pourrait parler là de chance. D’un hasard. D’une réussite folle pendant une semaine. Ce serait mal connaître le bonhomme et son historique à la Lazio. Car déjà, l’an passé, l’Équatorien avait fait le coup. C’était à peu près à la même période de l’année, au mois de novembre. Alors que la Lazio est tenue en échec sur la pelouse de Sassuolo, Caicedo entre en jeu à la 79e minute. Et à la 91e, il trompe Consigli d’une frappe du droit, offrant trois points à son équipe. Rebelote quelques semaines plus tard. En déplacement à Cagliari, la Lazio est longuement menée au score. Elle finit par égaliser dans les arrêts de jeu par Luis Alberto. Fin ? Tu parles. Sur la pelouse depuis un quart d’heure, Caicedo vient placer un improbable coup de tête-épaule à la 98e minute pour offrir un succès rocambolesque aux siens. Et entre ces deux pions décisifs au buzzer, il avait également marqué contre la Juventus à la 93e minute, mais ce but avait « juste » scellé la victoire des Biancocelesti (3-1). C’est simple : depuis le début de la saison 2019-2020, aucun joueur n’a marqué autant de buts après la 90e minute.

Et pour être tout à fait complet, il faudrait également ajouter ce but marqué à la 92e minute sur la pelouse de la Sampdoria, le 3 décembre 2017, qui avait là aussi offert trois points aux Romains (1-2). Et le point commun de toutes ces réalisations inscrites au-delà du temps règlementaire, c’est qu’elles ont toutes eu lieu alors que Caicedo était remplaçant au coup d’envoi. Contre la Juve, il était entré à la 54e ; contre le Toro à la 73e. Même contre le Zénith, il avait fait son apparition à la 59e. À croire que son coach, Simone Inzaghi, est désormais trop superstitieux pour faire commencer son amulette. Les chiffres sont en effet implacables : depuis son arrivée à Rome en 2017, Caicedo a inscrit 28 buts toutes compétitions confondues. Sur ces 28, 9 l’ont été en sortie de banc. Super Sub.

Le traumatisme de Crotone

Forcément, avec tous ces buts qui, à chaque fois, ont fait perdre quelques années de vie aux supporters de la Lazio, Felipe Caicedo est devenu un véritable chouchou. L’un des joueurs les plus appréciés des tifosi. Et pourtant, après le 13 mai 2018, ce n’était pas gagné. Ce jour-là, la Lazio se déplace à Crotone. On joue l’avant-dernière journée de Serie A. La veille, l’Inter a été battue à domicile par Sassuolo, laissant le champ libre à la Lazio pour valider son ticket pour la Ligue des champions et ainsi s’éviter une confrontation directe lors de la dernière journée. Privé de son meilleur buteur Ciro Immobile, blessé, Simone Inzaghi s’en remet à Felipe Caicedo, dont la première saison romaine n’est pas franchement éblouissante : 3 pions en Serie A, 3 en Ligue Europa.

Le score est de 1-1 quand l’ancien de l’Espanyol, lancé par Felipe Anderson, se retrouve seul face au portier calabrais. Les choix sont multiples : il peut le dribbler, envoyer une praline ou une frappe croisée. Non. Au lieu de tout ça, l’Équatorien envoie un petit piqué tout naze directement dans les gants du gardien. Cela aurait fait 2-1 pour la Lazio. Cela fera finalement 1-2 pour Crotone, puis 2-2. La semaine suivante, la Lazio s’incline 3-2 contre l’Inter et dit adieu à ses rêves de C1. Pour les supporters, le coupable a un nom : Felipe Caicedo, auteur de ce raté qui aurait effectivement pu tout changer. Raillé pendant tout l’été qui va suivre, invité à partir, le joueur va se murer dans le silence et le travail, soutenu par son coach qui insiste pour qu’il reste. La suite va leur donner raison.

Du derby au départ avorté

La rédemption va en effet intervenir un peu moins d’un an plus tard, un soir de mars 2019. Titularisé lors du derby contre la Roma, Caicedo, dans une action similaire à celle de Crotone, se présente seul face au gardien romain. Ce coup-ci, plus lucide, il le dribble et marque dans le but vide. La Lazio s’imposera 3-0, et pour la Panthère, c’est une libération. « C’est une émotion unique de marquer dans ce stade lors d’un match aussi important, lâche-t-il à la fin de la rencontre. J’espère que, désormais, les tifosi se souviendront de moi pour ce but, et non pas pour l’erreur que j’ai commise à Crotone. »

Ce but sera libérateur, Caicedo devenant, lors de la saison 2019-2020, le porte-bonheur de la Lazio, avec les buts last minute cités plus haut. Pourtant, cet été, son aventure dans le Latium a bien semblé terminée. Le joueur avait quasiment fait ses valises, des clubs au Qatar étaient intéressés. Quand la Lazio a déboursé quelque 18 millions d’euros pour faire venir Vedat Muriqi, la messe semblait dite. Mais sans que l’on ne comprenne trop pourquoi, et alors qu’il était bel et bien sur la liste des départs, Caicedo est resté. Aujourd’hui, Simone Inzaghi peut bénir ce départ avorté. Car entre un Ciro Immobile prisonnier de son test positif à la Covid-19 et un Muriqi qui peine à convaincre, l’attaquant équatorien est aujourd’hui une certitude qui fait bien plus que dépanner. Les futurs adversaires de la Lazio sont désormais prévenus : il faudra redoubler de vigilance quand le quatrième arbitre indiquera le temps additionnel. Car c’est à ce moment-là que Felipe Caicedo se sent pousser des ailes.

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