- Sortie du SO FOOT #161
- Spécial France-Allemagne
À la frontière
Au lieu de rester chacun dans son camp, de nombreux clubs frontaliers œuvrent pour l’amitié franco-allemande. Pour des raisons multiples et parfois étranges. À l'occasion de la sortie en kiosque du numéro spécial France-Allemagne (SO FOOT #161), voyage sur une ligne sur laquelle les deux pays ont longtemps joué des coudes avant de se les serrer.
Le traité de la Nied
AS Schwerdorff, District de Moselle, et Fortuna Niedaltdorf, Kreisliga A Saar
Pour certains, c’est lorsque les journées raccourcissent que l’on se serre les coudes. Les Français de l’AS Schwerdorff possèdent un terrain en gazon dans un état discutable, mais sans éclairage. Et plutôt que de s’entraîner dans le noir, ceux-là traversent la Nied pour profiter du terrain en schiste des voisins allemands du Fortuna Niedaltdorf, plus adapté aux conditions hivernales et éclairé, lui. Une aubaine, même si les deux clubs peuvent parfois se marcher sur les pieds. « L’an dernier, ils nous faisaient comprendre que l’on était de trop, souffle Benjamin Demmer, président de l’ASS. Alors qu’en réalité, ils prenaient parfois les 3/4 du terrain pour entraîner pour une quinzaine de joueurs et nous nous retrouvions avec le reste pour le même effectif. Mais bon, c’est à nous de nous adapter. » On en revient toujours à une histoire d’occupation.
Les liens de l’alcool
SV Emmersweiler, Bezirksliga
Dans ce club allemand collé à la frontière, il n’est pas rare de voir des Français franchir la douane pour aller profiter de l’alcool servi au club-house d’Emmersweiler. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’alcool est moins taxé et donc moins cher de ce côté de la frontière.
En zone rouge
SC 07 Altenkessel, Landesliga Südsaar
Le club de l’agglomération de Sarrebruck, contrairement aux clubs voisins, n’a pas de terrain en pelouse, raison pour laquelle il est boudé par les joueurs allemands. Les Français de la Lorraine voisine, en revanche, n’ont aucun problème à jouer sur du schiste, attirés par l’ambiance, la rémunération et le niveau de jeu, et permettent donc au SC 07 Altenkessel de survivre en sixième division. (Reportage à retrouver dans le SO FOOT #161, N.D.L.R.)
Les yeux dans les rouges d’Altenkessel
Faire tomber les murs
SV07 Elversberg, Regionalliga Südwest
Repousser les frontières pour assouvir ses ambitions. Le club sarrois semi-professionnel d’Elversberg a obtenu le droit en 2015 d’installer son centre d’entraînement à Grosbliederstroff, situé côté français. Un cadre idéal pour ses 26 joueurs et ses 14 équipes jeunes. Le village mosellan ayant vu son club disparaître quelques années plus tôt, le terrain et les vestiaires étaient donc vacants. Seule contrainte : prendre en charge l’entretien des lieux et laisser les vétérans du coin utiliser les installations. Tout un enjeu démographique : prendre soin des vieux pour faire grandir les jeunes.
Des rives sans rivalité
SG Habkirchen-Frauenberg, Landesliga
Entre les Allemands d’Habkirchen et les Français de Frauenberg, il y a sur le papier une rivière, la Blies, et une frontière. Sauf qu’aucun ne s’est résolu à respecter les tracés naturels ou administratifs. Par manque de joueurs, les clubs de ces villages frontaliers ont eu la brillante idée de fusionner. Une collaboration qui a vu jusqu’en 2014 le club sarro-lorrain disputer le championnat de Landesliga tout en jouant ses matchs à domicile en France, grâce à une dérogation spéciale. Pas besoin d’en dire plus pour expliquer le traité de Schengen.
L’appel de la forêt
SG Grenzland, catégories jeunes
L’arbre qui cache la forêt. Vu qu’il est souvent compliqué pour les clubs allemands de la forêt palatine de remplir les rangs de leurs équipes de jeunes, les villages de Vinningen, Trulben, Kröppen, Eppenbrunn, Obersimten et Hilst se sont réunis pour proposer un tronc commun. Ainsi est né le SG Grenzland, qui a poussé la bizarrerie jusqu’à baser son camp d’entraînement en France et se confronter régulièrement à ses voisins français en amical.
Gravé dans la roche
FV Iffezheim, Kreisliga
Il y a cent ans, les Alsaciens étaient comme chez eux à Iffezheim. Mais même après le traité de Versailles, voyant la région revenir dans le giron français, ils n’hésitaient pas à traverser le Rhin pour jouer dans ce club allemand. L’an prochain, celui-ci fêtera son centenaire, sans oublier d’inviter les copains tricolores, au souvenir du bon vieux temps.
Une merguez dans la choucroute
Kehler FV, Verbandsliga
Un entraîneur français ayant roulé sa bosse en Bundesliga dans un club allemand. Pas étonnant qu’avec Karim Matmour, ancien joueur du Borussia M’gladbach, de l’Eintracht Francfort ou encore de K’lautern, ce métissage soit porté à son paroxysme. Depuis son arrivée, l’ancien international algérien originaire de Strasbourg a remis une couche de bleu-blanc-rouge dans ce club qui a toujours eu le regard tourné vers l’autre côté de la frontière.
Karim Matmour
Confiance aveugle
Sporting Schiltigheim et MTV Stuttgart
C’est un fait : le cécifoot est légèrement plus visible en Allemagne qu’en France. Et pour parer à ce manque d’exposition, le club de Schiltigheim, en banlieue de Strasbourg et ayant la seule équipe de foot pour les personnes non voyantes et malvoyantes du Grand-Est, s’est rapproché du MTV Stuttgart, afin de continuer son développement.
L’idole des vieux
SV Linx, Oberliga
Depuis 25 ans, le SV Linx peut compter sur le soutien de supporters alsaciens. Tout cela parce qu’en 1990, la légende du RC Strasbourg Roland Wagner est venu terminer sa carrière dans ce club, pour finalement y rester trois ans. Aujourd’hui, huit de ses compatriotes portent le maillot du SV Linx.
Départ de flamme(kueche)
SR Colmar, R2, et SC Fribourg, Bundesliga
Décembre 2017, l’annonce ne se fait pas sans fracas. Le SR Colmar, pensionnaire de Régional 2, a osé faire un pacte avec le SC Fribourg, qui évolue lui en Bundesliga. L’objectif de ce partenariat est de permettre à des jeunes alsaciens d’avoir la possibilité en fin de formation de rejoindre le club allemand, situé juste de l’autre côté du Rhin, et profiter de cet atout pour attirer lui-même les jeunes talents du coin. Un coup dur pour le RC Strasbourg, qui peut alors faire une croix sur ce vivier qui lui était jusqu’ici promis.
On n’a pas la même nationalité, mais on a le même sifflet
Trois à quatre week-ends par saison, des arbitres alsaciens et leurs homologues allemands sont amenés à échanger de place. Une expérience et un partage des compétences qui semblent concluants. « Les Allemands apprécient notre façon d’arbitrer, assure Marc Klein, un des sifflets rattachés à la Ligue d’Alsace. On laisse beaucoup plus le jeu vivre que nos collègues allemands. Dans l’autre sens, ce serait plus compliqué, car si les Alsaciens parlent très souvent allemand, l’inverse n’est pas forcément vrai. En plus, les Français ont plus la culture de la contestation que les joueurs allemands, qui sont eux bien plus disciplinés. »
So Foot #161, en kiosque à partir du 25 octobre 2018 :
Par Mathieu Rollinger, en partenariat avec 11 Freunde
Propos recueillis par MR, traductions Charles Lafon.
Photos Henri Vogt (Studio Hans Lucas) et Iconsport.