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Oui, la Laponie a bien son équipe nationale de football
En ces fêtes de fin d’année, direction le pays du père Noël où le football joue aussi un rôle à part : la Laponie. Le ballon rond est l’un des éléments d’unité du peuple autochtone de la région, les Samis, dont le territoire s’étend sur quatre pays différents.
Derrière le terme Laponie, il est souvent fait référence au pays imaginaire du père Noël, peuplé de rennes et de lutins. Pourtant, ce territoire est bien réel. Il s’étend sur plus de 400 000 km2 dans les régions septentrionales de quatre pays : la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Tout au long de son histoire, la Laponie a été habitée par le peuple autochtone nomade des Samis, qui compte aujourd’hui environ 100 000 représentants. Gare à ceux qui les appellent « lapons », puisque c’est un terme péjoratif suédois qui signifie « porteur de haillons ». C’est d’ailleurs pour cette raison que ce territoire ne se nomme pas Laponie en langue locale, mais Sápmi.
Le football comme moyen d’unité d’une population éclatée
Les termes discriminatoires à l’encontre de ce peuple n’ont rien d’étonnant, tant cette minorité a fait l’objet de persécutions tout au long du XXe siècle. Par exemple, les Samis ont fait l’objet d’une politique d’assimilation de la part de l’État norvégien à partir du XIXe siècle. Ce qui a entraîné des lois restreignant leurs accès à leurs terres ou bien encore l’usage de la langue sâme jusqu’en 1959. Néanmoins, à partir des années 1970, les droits de ce peuple sont peu à peu reconnus grâce à la création des « parlements samis » pour faire remonter leurs revendications auprès des différents gouvernements nationaux. Mieux reconnus, les Samis instaurent des moyens pour promouvoir leur identité. Et c’est là que le ballon rond intervient.
Ainsi, le 19 juillet 1985, la toute première équipe de Laponie dispute son premier match international face à Åland, une province autonome de Finlande. Les Samis s’inclinent 4 buts à 2, mais l’intérêt est ailleurs. Ce match est avant tout historique, puisqu’il est diffusé en direct à la radio dans le nord de la Norvège et de la Suède, mettant en lumière ainsi ce peuple trop longtemps oublié et persécuté. Kalle Tjäder, le tout premier buteur de cette sélection, se rappelle que « c’était un moment merveilleux. C’était le premier match international de la Laponie, et il fallait marquer. Je ne m’y attendais vraiment pas. » Ce match est bien plus que du football, puisqu’il participe au mouvement social des Samis, lors des années 1980, pour une plus grande reconnaissance de leurs droits en tant que peuple autochtone. Des avancées qui aboutiront lors de la Conférence nordique d’Åre en Suède du 15 août 1986 : le premier drapeau sâme, aux couleurs rouge, vert, jaune et bleu, orné d’un cercle (représentant le Soleil et la Lune) est adopté.
Championne du monde des pays hors-FIFA
De son côté, l’équipe de Laponie, ou devrions-nous plutôt dire Sápmi, poursuit sa lente ascension avec des matchs face à de véritables sélections nationales, comme l’équipe des espoirs de RDA en 1987 ou bien l’Estonie en 1990. Un développement plutôt rapide pour une jeune sélection, qui pousse la Fédération de football de Laponie à demander son adhésion à la FIFA en 2001, pour ainsi imiter d’autres territoires non indépendants comme les Îles Féroé. La procédure n’aboutit pas et l’équipe de Laponie poursuit sa tournée internationale pour se faire connaître.
Au début des années 2000, plusieurs fédérations internationales vont d’ailleurs se mettre en place pour permettre à des équipes non reconnues par la FIFA de s’affronter plus régulièrement. Les Nordiques frappent un grand coup en 2006 puisqu’ils vont remporter l’une de ces premières compétitions : la VIVA World Cup. Le score de la victoire finale est sans appel : 21-1 contre l’équipe nationale de Monaco. Un tel écart s’explique par le fait que la sélection des Samis compte dans ses rangs plusieurs joueurs professionnels, évoluant dans les championnats de Norvège et de Suède. Comme l’ex-international norvégien Tom Høgli, qui deviendra un véritable ambassadeur de l’identité sâme.
Cette performance sportive permet à la Laponie de bénéficier d’une certaine visibilité internationale, notamment en tant qu’entité territoriale qui dispose de ses propres couleurs. Surtout, sur le papier, cette sélection rassemble l’ensemble des communautés samis, alors que sur le terrain politique, les parlements ne sont, pour l’instant, pas unis. En raison de cette absence d’unité, la question de l’autonomie de la région n’est pas encore à l’ordre du jour. Le combat de ce peuple, et de la sélection, est surtout d’apporter une meilleure prise en considération des droits, et des terres, de cette population autochtone.
Une Coupe du monde dans le Grand Nord
La dynamique politico-sportive sera ralentie au début des années 2010, puisque la fédération de football de Laponie disparaît au profit d’une nouvelle organisation, la FA Sápmi. Depuis, la Laponie a organisé la première Coupe du monde de la CONIFA (Confédération des associations de football indépendantes) en 2014 dans la ville suédoise d’Östersund, qui avait rassemblé pas loin de 12 sélections allant du Kurdistan à l’île de Man en passant par le Haut-Karabagh. La Laponie ne parviendra pour autant pas à remporter cette compétition, ni les suivantes. Ces résultats sportifs en berne s’expliquent en partie par le fait que les clubs professionnels norvégiens et suédois sont de moins en moins enclins à libérer leurs joueurs d’origine sâme, compte tenu du calendrier sportif et de l’enchaînement des matchs. Pour autant, l’aventure ne s’arrête pas là, puisqu’une nouvelle équipe de Laponie a été mise sur pied après la période de Covid 19. Elle tentera désormais de se qualifier pour la prochaine Coupe du monde CONIFA prévue en 2024 au Kurdistan. Un nouveau moyen pour ce peuple éparpillé de participer à une compétition internationale sous le même drapeau, le même maillot.
Par Kévin Veyssière