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À deux, c’est mieux ?
Réquisitoire pour la réhabilitation du 4-4-2 en équipe de France. Surtout pour le fait de jouer avec deux attaquants, ce qui change tout au final.
En ce moment, il y a deux catégories de fans de football : ceux qui guettent impatiemment les maillots, les nouvelles tuniques de toutes les couleurs avec lesquelles joueront les clubs l’an prochain, et ceux qui épient les chasubles. Les jaunes, de l’équipe de France, celles qui sont censées donner une sérieuse indication sur l’équipe titulaire qui démarrera le 11 juin contre l’Angleterre. Selon l’édition de L’Équipe du jour, huit ont été distribués hier par Jean-Louis Gasset. Rien de bien fou, pourrait-on penser, mais en fait si. Car Laurent Blanc n’a pas éteint la flamme de ceux qui rêvent d’une chose : voir l’équipe de France jouer avec deux attaquants. Un rêve pieu, car il faut se rendre à l’évidence : l’équipe de France n’a quasiment jamais joué dans ce schéma depuis deux ans, ce n’est pas au dernier moment qu’il va sortir du chapeau. En même temps, Lolo Blanc n’a pas forcément tous les joueurs qu’il voulait avoir au milieu. Pour ce fameux 4-4-2 par contre, il y aurait vraiment de quoi remplir les cases. Surtout en attaque.
Didier Deschamps le présente d’ailleurs très clairement, c’est le point de clivage numéro 1 dans les compositions d’aujourd’hui : « On parle de 4-2-3… mais dans le haut niveau, il n’y a quasiment que deux schémas : celui avec un attaquant axial, et celui où il y en a deux. » Et pour celui que l’on présente souvent comme le pragmatisme incarné sur le banc de touche, ce n’est pas parce qu’on joue à deux devant que l’on prend plus de risques : « Ça ne dépend pas que d’eux. Ça modifie les tâches des autres joueurs sur le terrain, il faut voir s’ils sont capables de s’y astreindre ou si ça ne vaut pas le coup. Au fond, c’est toujours la même histoire, devant, il faut de la complémentarité. » D’où le maigre espoir dû au manque d’automatismes entre deux attaquants des Bleus. Mais bon, pour en revenir aux huit dossards enfilés, il y en a pour Lloris et Benzema, pour la défense titulaire (Evra-Mexes-Rami-Debuchy) et pour la paire M’Vila-Cabaye. La bonne affaire. Avec un peu d’imagination, on peut compléter avec un milieu gauche, un milieu droit (milieux hein, pas ailiers) et un attaquant, et hop, on est pile dans le schéma du père Gourcuff à Lorient. Pour le technicien breton, ce schéma se singularise avant tout grâce à ses fameux deux attaquants : « Quand on joue à une pointe, le jeu est trop stéréotypé. À deux, tu as un soutien et tu n’y perds pas au change défensivement. Parce qu’ils forment aussi une première ligne de harcèlement efficace. Quand on n’a qu’un attaquant, il lui est impossible de couvrir toute la largeur. C’est l’exemple de Barcelone : une grosse capacité de pressing, mais pas seulement. Lorsque l’adversaire récupère le ballon, il est déjà usé par les efforts qu’il a dû faire pour l’obtenir parce que l’équipe d’en face a, au préalable, tout fait pour le faire courir. »
Aux côtés de Benzema, ça postule : Rémy, Menez, Giroud, voire Ben Arfa, qui peut être diablement efficace dans ce rôle de deuxième attaquant. Les supporters lyonnais, qui se remémorent à cet instant le carnage qu’avait fait « l’attaque des Ben » en 2007 n’objecteront sûrement pas. Sur les flancs, pareil, c’est pourvu : Nasri, Ribéry, Valbuena et, là aussi, Ben Arfa, pas aussi nul qu’on le dit dans le repli défensif. Après le match de l’Allemagne, Blanc s’était félicité de la prestation de Valbuena qui, positionné sur le côté droit, avait parfaitement su rentrer dans l’axe pour laisser passer Debuchy dans son dos. Avec une paire M’Vila-Cabaye qui veille au grain, il y a de quoi y aller confiant. Attention tout de même, car il y a des limites à ce système, comme l’indique l’entraîneur de Lorient : « Si tu n’as pas de milieux capables de faire la différence sur les côtés, pas d’attaquants capables de prendre la profondeur, tu es inoffensif. À ce moment-là, il vaut mieux jouer en losange, avec un milieu dense capable de récupérer beaucoup de ballons. » Soit pile ce que faisait Aimé Jacquet en 98 en jouant avec trois gros récupérateurs (Petit-Deschamps-Karembeu), un meneur de jeu juste devant (Zidane) et toujours deux attaquants (Djorkaeff-Guivarc’h). Un duo qui n’a mis qu’un but dans la compétition, sur penalty. Mais un duo champion du monde. La preuve qu’à deux, c’est mieux ?
Par Mario Durante