- Tournoi de France
- France-Norvège
À cinq mois de la Coupe du monde, où en sont les Bleues ?
Après une fin d’année 2022 mouvementée aussi bien sur les terrains que dans le vestiaire, les Tricolores abordent la rencontre face à la Norvège - dans le cadre du Tournoi de France - comme une répétition générale à cinq mois de la Coupe du monde coorganisée par l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Des absences préjudiciables et un casse-tête en défense
Les blessures, premier fléau de cette équipe de France. Six cadres de l’équipe de France manquent à l’appel, dont Griedge Mbock, gravement blessée au genou lors du match face à la Grèce en septembre dernier et qui est d’ores et déjà forfait pour le Mondial. Ces blessures obligent Corinne Diacre à tenter de nouveaux ajustements, aussi bien en défense que sur le front de l’attaque. Et aujourd’hui dans la composition de la charnière centrale. Wendie Renard, solide capitaine du haut de ses 141 capes (elle est entrée dans le top 10 contre l’Uruguay), est indéboulonnable dans l’axe de la défense française malgré une année 2022 en dents de scie. Numéro trois dans la hiérarchie quand Mbock est sur pied, la vice-capitaine Aïssatou Tounkara était promise au poste. Mais disposant d’un faible temps de jeu du côté de Manchester United, et malgré la confiance qui règne entre la joueuse et Corinne Diacre, cette dernière a décidé de ne pas la sélectionner pour ce rassemblement. Plusieurs solutions s’offrent à la sélectionneuse : un changement de système comme lors de la victoire face au Danemark avec une défense à trois ou la titularisation d’un nouveau binôme dans une défense à quatre. Face à l’Uruguay, c’est la joueuse de West Ham Hawa Cissoko qui a été choisie, sans donner grande satisfaction, et remplacée à la pause par la néophyte Julia Thibaud. Le retour d’Elisa De Almeida devrait éclaircir l’horizon. La Parisienne, actuellement blessée, devrait être pour la Coupe du monde océanienne la titulaire naturelle aux côtés de Wendie Renard.
Le grand manège des sièges éjectables
La philosophie de Corinne Diacre peut être résumée de la manière suivante : personne n’est intouchable et tout le monde peut avoir sa chance. Ce leitmotiv, beaucoup de cadres ont pu le vérifier, à commencer par Amandine Henry et Eugénie Le Sommer, totems qu’on pensait intouchables, qui ne sont plus appelées dans les rangs depuis respectivement le 27 novembre 2020 et le 13 avril 2021. Sur le front de l’attaque, la paire parisienne Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto a rapidement pris la mesure de la tâche qui lui incombait avec l’apport précieux de Delphine Cascarino. Toutes n’ont pas eu cette chance, puisque beaucoup de joueuses ont été appelées puis laissées en cours de route, à l’image d’Oriane Jean-François ou Maéva Clémaron. D’autres sont parties puis revenues sans convaincre pleinement comme Viviane Asseyi ou Hawa Cissoko. De même, la non-sélection de Mathilde Bourdieu, deuxième meilleure buteuse de D1 Arkema avec 13 réalisations, a suscité l’incompréhension.
Le retour de Hamraoui, une fausse bonne idée ?
Après son agression en novembre 2021 et l’imbroglio qui s’était ensuivi, Kheira Hamaraoui a fait son retour en équipe de France, un an après sa dernière sélection. Voulant tester ses capacités athlétiques, Corinne Diacre ne s’est pas facilité la tâche. Titulaire surprise lors du match face au Danemark, la numéro 10 du PSG a traversé la rencontre comme un fantôme. Si pour l’instant, tout se passe bien sur ce rassemblement du côté des Tricolores, même avec les Parisiennes proches d’Aminata Diallo comme Kadi Diani, quid de l’ambiance en cas de retour de Marie-Antoinette Katoto ? Toujours en phase de récupération, l’attaquante de 24 ans avait laissé entendre qu’elle ne souhaitait pas rejouer avec Hamraoui en club, nul doute que si les deux femmes devaient se croiser en sélection, l’ambiance du groupe risquerait d’en pâtir fortement.
Corinne Diacre marche sur des œufs
Très critiquée, Corinne Diacre a prolongé son contrat jusqu’en 2024 après le parcours des Bleues lors du dernier Euro. Cependant, au même titre que Didier Deschamps et au vu des récents évènements au sein de la Fédération française de football emportant le président Le Graët, la sélectionneuse française pourrait-elle être débarquée plus tôt que prévu ? La question risque d’être posée. Outre les affaires de contrats, Diacre a souvent été critiquée pour sa gestion d’effectif, notamment lors de la Coupe du monde 2019. L’affaire du capitanat – ôtant le brassard à Renard en 2017 pour introniser Henry, avant de le rendre à la Martiniquaise une fois la Nordiste tombée en disgrâce – a aussi beaucoup écorné son image. Malgré un adoucissement au fur et à mesure des années, les sorties médiatiques de la native de Croix sont parfois difficiles à entendre pour les joueuses. À la suite du match face à l’Uruguay, elle a notamment déclaré en conférence de presse : « Au niveau du jeu, je reste sur ma faim. J’attends de l’animation, des prises de risques, de l’audace. Celles qui n’avaient pas l’habitude de jouer avaient la pression parce que c’est un peu pile ou face. Ce n’est pas facile, mais en Coupe du monde, on aura besoin de joueuses mentalement prêtes à subir cette pression… » Le message a le mérite d’être clair. Autre problème, malgré la qualité de l’effectif, la France déroule un jeu sans relief. Face à des équipes moyennes ou qui ont perdu de leur superbe, ça continue de passer, mais dès que le niveau augmente, les Françaises sont en difficulté, à l’image des rencontres de fin d’année (défaite 1-2 contre l’Allemagne et 0-3 face à la Suède en octobre). Certes, les blessures jouent pour beaucoup, mais l’impression dégagée reste celle d’une équipe qu’il faut sans cesse ajuster, aussi bien dans le système de jeu que dans l’animation offensive et défensive. Même si ce Tournoi de France ne reflétera pas nécessairement ce qu’il se passera en juillet prochain, ça donne tout de même le ton.
Les raisons d’y croire, parce qu’il y en a
Tout n’est pas à jeter dans ces dernières prestations et les raisons de croire à un beau parcours sont nombreuses. Comme l’a rappelé Wendie Renard, « être championne du monde des matchs amicaux n’est pas l’objectif » et subir des difficultés dans les matchs de préparation ne peut être que bénéfique pour ajuster le projet. Il reste cinq mois, trois matchs amicaux (dont un en Irlande avant de s’envoler dans l’hémisphère sud), l’effectif actuel ne sera pas nécessairement celui présent en Nouvelle-Zélande, d’autant que la majorité des joueuses blessées seront revenues en forme avant l’échéance. Le dernier rassemblement d’avril sera primordial et donnera une meilleure visibilité sur l’état des troupes. Le parcours des Bleues lors du dernier Euro (demi-finale contre l’Allemagne) a prouvé que le plafond des quarts de finale pouvait être brisé et que les Tricolores comptaient parmi les meilleures nations européennes, dans le sillage des Allemandes, Anglaises, Espagnoles ou Néerlandaises. Le noyau dur de l’équipe a très peu évolué depuis l’année dernière, il a seulement varié au fil des pépins physiques, les habitudes entre les joueuses et la sélectionneuse ont donc été établies. Placée dans un groupe comportant le Brésil, la Jamaïque et le vainqueur du barrage entre le Paraguay et le Panama, la France devrait avoir des atouts à avancer pour jouer sa carte lors de la phase finale. Surtout que les États-Unis, bête noire de l’équipe de France, ne devraient pas se dresser sur sa route avant la finale. Et si cette année était (enfin) la bonne pour l’équipe de France féminine ?
Par Léna Bernard