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À Bruxelles, une soirée d’effroi
Alors qu'un attentat a secoué Bruxelles ce lundi quelques minutes avant le match entre la Belgique et la Suède, les spectateurs du stade Roi-Baudoin ont vécu une soirée qu'ils ne sont pas près d'oublier. Récit.
C’était une belle soirée qui s’annonçait au stade du Roi-Baudoin de Bruxelles, ce lundi. La qualification pour le prochain Euro déjà en poche, les Diables rouges recevaient, devant une foule particulièrement familiale et juvénile, la Suède. À quelques minutes du coup d’envoi, l’ambiance est innocente, alors que les compatriotes de Dejan Kulusevski, éliminés par la victoire de l’Autriche en Azerbaïdjan (0-1) en fin d’après-midi, jouent également pour du beurre. Si l’attentat ayant fait deux morts a déjà secoué la capitale belge depuis une bonne heure, la foule n’a pas encore pris la mesure de la gravité de ce qu’il vient de se passer à cinq kilomètres de là.
Une atmosphère angoissante
Ce n’est qu’à la 20e minute du match, tandis que les Belges sont menés depuis l’ouverture du score de Viktor Gyökeres au quart d’heure de jeu, que l’atmosphère s’alourdit. Dès lors, les travées se font moins festives, et les journalistes de la tribune de presse commencent à se désintéresser du match. Soit pour faire le point sur les dernières actualités, soit pour rassurer leurs familles. Quelques supporters, sans doute angoissés par la nouvelle et la rumeur qui indique que le terroriste se dirigerait vers cette enceinte, qu’on appelait encore Heysel lors du drame de 1985, tentent de quitter le stade, sans pour autant créer de mouvements de foule. La sécurité les en empêche, et les refoulés attendent sagement dans les escaliers. Pour l’instant, le speaker n’a encore rien dit. Romelu Lukaku, le meilleur buteur de l’histoire des Diables, aura sûrement vécu le penalty le moins célébré de sa carrière, tant son égalisation à la 30e a laissé quasiment de marbre un stade gagné par l’angoisse minute après minute.
Peu avant la pause, la sécurité s’entretient avec les adjoints des deux bancs pendant que le visage du Premier ministre belge apparaît sur les écrans de la tribune de presse, alors que la RTBF, qui diffusait le match, passe en édition spéciale. Alexander De Croo y confirme le décès de deux supporters suédois, et encourage les Bruxellois à rester chez eux. Lorsque la mi-temps est sifflée, les joueurs rentrent aux vestiaires, et le public reste calme, toujours en attente d’une éventuelle annonce du speaker. Les premiers signes de l’interruption du match font surface, notamment lorsque les caméramans rangent leur matériel. Après dix minutes, le speaker prend la parole et confirme que la rencontre est arrêtée. Il informe l’audience que les joueurs des deux sélections ne veulent pas reprendre le jeu, et que les deux coachs sont d’accord avec cette décision. C’est peu après 22 heures qu’il annonce au public qu’il faudra « faire preuve de patience », au cours des « prochaines minutes, prochaines heures ». Ces annonces ne sont accompagnées d’aucun sifflet, d’aucun cri, d’aucun mouvement de foule, et tout se déroule sans la moindre vague.
23:37 – juste magnifique 🇧🇪 #BELSWE #Bruxelles pic.twitter.com/2QDPetHUcK
— Matthieu (@matthdarbas) October 16, 2023
La réaction modèle des supporters
Seul le parcage suédois se vide, et quelques supporters scandinaves sont invités en salle de presse. C’est le cas de Svir, venu au Plat Pays spécialement pour l’occasion. « J’ai peur. La situation est angoissante. C’est la première fois que je vis ça. Je ne m’attendais pas à être face à une situation de terreur », affirme le Suédois, particulièrement marqué. Contrairement au 13 novembre 2015 au Stade de France, la pelouse n’est pas envahie par les spectateurs, qui restent à leur place. Les Belges allument même le flash de leur smartphone, et entonnent des chants en soutien à leurs adversaires du soir, tandis qu’un véritable esprit d’union lie les 35 000 âmes présentes au Heysel en ce lundi soir pluvieux. Venu avec son enfant âgé d’une dizaine d’années, Peter a réussi à s’immiscer en tribune de presse. « Je ne voulais pas qu’il prenne peur et comme ça, je l’éloigne de l’angoisse », se justifie-t-il. Pour faire passer le temps, il parle du match et de l’égalisation de Lukaku à son gamin, grand fan de Charles De Ketelaere.
Le speaker a du nouveau à annoncer vers 23h30, alors que des hélicoptères commencent à survoler le stade. Mais la décision de la Sécurité nationale se fait attendre, et les joueurs, en compagnie de leurs familles, sont revenus, changés, sur la piste d’athlétisme qui borde le terrain. À 23h47, c’est la libération puisque l’évacuation débute, tribune par tribune. L’angoisse redescend d’un cran. Mais trouver un moyen de rentrer chez soi devient une réelle problématique : aucun taxi, ni VTC, et les transports publics reprennent lentement leur service. Certains appellent même leur cousine en banlieue de la capitale pour tenter de rallier le foyer familial. À 1 heure du matin, le meurtrier était toujours dans la nature. On n’était finalement pas si mal, en sécurité, dans ce stade.
Par Matthieu Darbas, au stade Roi-Baudouin, avec Léo Tourbe
Tous propos recueillis par MD.