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À Arsenal plus qu’ailleurs, l’amour s’écrit à deux
D'un côté, la délicatesse et l'altruisme. De l'autre, le sacrifice et l'opiniâtreté. Cette saison, la troisième côte à côte, la paire germano-chilienne que forment Mesut Özil et Alexis Sánchez porte Arsenal sur une douce mélodie harmonieuse. Et c'est justement souvent guidés par des duos offensifs de renom que les Gunners ont façonné leur propre histoire. Retour dans le temps.
Sans doute le duo le plus iconique et le plus lumineux dans l’histoire d’Arsenal. Une complicité presque innée où s’entremêlaient esthétique et efficacité. La grâce, la légèreté et l’altruisme pour Bergkamp. L’obsession du but, les courses dévastatrices et l’exigence technique pour Henry. « Il y avait une complicité naturelle entre les deux, c’était une évidence. Ils se trouvaient les yeux fermés, éclaire Pascal Cygan, qui a connu la fameuse paire durant quatre années (2002-2006). Si ça fonctionnait tant entre eux, c’est parce qu’ils avaient une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne. Pour moi, ça reste vraiment un duo magique. La passe de Bergkamp pour Henry, c’est quelque chose qui était devenu instinctif. Ça se faisait naturellement. Chacun anticipait les mouvements de l’autre sur le terrain, c’était presque paranormal à voir. » Ensemble, le Frenchy et le Non-Flying Dutchman écriront l’épopée des « Invincibles » et garniront copieusement le palmarès des Gunners (2 Premier League, 2 FA Cup et 2 Community Shield). « Les gestes de Thierry étaient toujours parfaitement exécutés » , dit aujourd’hui le Néerlandais de son ex-compère. Quant à Henry, son hommage reste encore empreint d’une profonde admiration : « Bergkamp faisait toujours ce que le jeu lui demandait de faire. J’admirais comment il essayait toujours de respecter ce sport. Il pouvait aussi bien marquer qu’attendre le bon moment pour faire la passe décisive. » Henry-Bergkamp ou le nec le plus ultra.
Avant l’avènement du règne sans partage de Bergkamp et Henry, Dennis la malice a partagé l’affiche avec un autre homme qui a marqué de son empreinte la cité londonienne. Un certain Ian Wright. Deuxième meilleur buteur dans l’histoire des Canonniers, l’attaquant anglais a étiré un peu plus son aventure à Arsenal grâce à son homologue néerlandais, lequel a changé son « approche du football » et l’ADN du club londonien selon son partenaire britannique. Deux profils sensiblement différents, mais qui ont su se comprendre et être complémentaires sur le terrain. À la vision panoramique et à l’intelligence de jeu de l’international oranje, Wright offrait son flair ainsi que son sens aiguisé du but. Et, ensemble, ils rapporteront à Wenger sa première couronne nationale en 1998. « Les gens avaient l’habitude de dire que c’était le feu et la glace, soufflait récemment Amy Lawrence, auteur des livres Invincible et The Wenger Revolution, dans Four Four Two. Il y avait le flegme, la précision et la vision de Bergkamp, puis le boute-en-train, l’impétueux et l’émotif qu’était Wright sur le terrain. Ils semblaient venir de différentes planètes et ça a finalement collé. » Plus que bien, même.
Peu importe avec qui il était aligné, Bergkamp s’adaptait avec une aisance remarquable. Aux côtés de Nicolas Anelka, l’entente s’est avérée immédiatement naturelle. Parce que les deux attaquants partageaient une idée commune du geste juste et de la technique au service des autres. Arrivé du PSG avec l’étiquette de prodige, le Français connaît des débuts malaisés avant que le Néerlandais ne l’aide à prendre son envol. En meneur de jeu, Bergkamp envoie caviar sur caviar au gamin de Trappes. « En tant que partenaire d’attaque, Anelka était sans doute le meilleur que j’ai eu à Highbury en matière de compréhension, soufflait Bergkamp à Sky Sports, il y a quelques années. La façon dont jouait Nicolas me convenait parfaitement, car il cherchait continuellement à se projeter vers l’avant. C’était facile pour moi de prédire ce qu’il voulait et de savoir instinctivement où il serait sur le terrain. Il était concentré sur sa position et aimait courir pour se présenter face au gardien. C’était un duo réussi et agréable qui, je pense, se reflète à travers les statistiques. » La romance était douce et prometteuse, mais malheureusement écourtée par le transfert record d’Anelka pour le Real Madrid en 1999.
La french connection de l’ombre. Un duo en parfaite adéquation injustement oublié dans la mémoire collective. Car derrière la paire intouchable Henry-Bergkamp, Sylvain Wiltord a également pu profiter des qualités du Roi Thierry. Débarqué en 2000 afin de stimuler la concurrence aux avant-postes, l’ex-Bordelais se voit la plupart du temps cantonné à un rôle de super sub et exilé sur un côté. Qu’importe, à chaque apparition, le numéro 11 apporte sa vélocité et ses qualités de percussion pour mettre dans les meilleures dispositions l’emblématique numéro 14. Tout en se permettant, aussi, d’enfiler quelques caramels. « Sylvain Wiltord, quel joueur ! saluait le meilleur buteur de l’histoire des Gunners à L’Équipe Magazine, en novembre 2014. On parle finalement assez peu de lui par rapport à ce qu’il a été. Pour moi, il a été totalement sous-évalué. Quand il était sur le banc, il restait cool et faisait la différence à chaque fois qu’il entrait. Titulaire, il faisait aussi la différence. En équipe de France ou à Arsenal, c’était un régal de l’avoir à mes côtés, en match comme à l’entraînement. D’ailleurs, je le voulais toujours dans mon équipe quand on faisait des petits jeux, des cinq contre cinq. Avec lui, tu ne perdais jamais… » La preuve en est avec les « Invincibles » où il a joué un rôle majeur. Loin de la lumière.
Au regard des trajectoires respectives des deux attaquants, peut-être le plus beau partenariat de catins sous la tunique des Gunners. Dans la longue période de disette traversée par Arsenal, Van Persie et Adebayor ont au moins eu le mérite de distiller quelques réjouissances durant trois ans. Et cela même si le duo n’a pas toujours eu l’occasion de se mettre en évidence à cause du physique défaillant du Néerlandais. Mais, quand ils le pouvaient, les bougres étalaient des qualités qui ont fait frissonner l’Angleterre et l’Europe. Une paire où l’abattage physique et les déplacements du Togolais s’accordaient à merveille avec l’élégance et la justesse du gaucher de Rotterdam. « On s’entend très bien, et notre ambition est la même. Aider cette équipe à gagner, expliquait l’ex-Messin en 2008. On aime bien jouer ensemble devant. Et ce n’est pas fini. On se connaît de mieux en mieux, et on se comprend de mieux en mieux. » De belles paroles balayées immédiatement lors du départ d’Adebayor à City. Pour leurs retrouvailles, ce dernier essuie gratuitement ses crampons sur le visage de RVP en plein match. « Je suis triste et déçu par la petitesse d’Adebayor et par sa faute volontaire » , regrettera le futur Red Devil au sortir du match. Un vilain clap de fin.
La fin des 80’s et le début des 90’s riment forcément avec Alan Smith et Paul Merson. Peut-être pas le partenariat le plus réputé ou le plus sexy, mais qui a grandement permis au « Boring Arsenal » de George Graham de développer son palmarès au Royaume (2 championnats, 1 FA Cup, 1 League Cup et 1 FA Charity Shield). Mais aussi sur le Vieux Continent avec une Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe en 1994. Merson et Smith alias « Smudger » , c’était le premier – numéro dix attitré des Gunners – au service du second, élu deux fois meilleur buteur du championnat et au jeu de tête redoutable. « Smudge a obtenu deux fois le Golden Boot et j’ai été élu meilleur jeune joueur de l’année la première fois qu’on a gagné le titre » , se souvenait récemment Merson dans Four Four Two. « C’est l’association la plus plaisante de ma carrière, poursuivait pour sa part Smith. Car Merse était un joueur vraiment intelligent. Il savait toujours où vous étiez et était capable de vous servir idéalement. Si vous arrivez à avoir ce genre de compréhension, c’est une arme redoutable pour une équipe. » Certains nostalgiques de Highbury s’en souviennent encore.
D’un côté, un héros oublié, trop souvent mésestimé. De l’autre, une signature record à l’été 1976 en provenance de Newcastle (333 333£) et une réputation flatteuse à confirmer. Du temps de sa splendeur, le couple anglo-irlandais se partagera le titre du buteur le plus prolifique du Royaume. Une ribambelle de pions inscrits ensemble, notamment lors de l’exercice 1976-1977. Quarante-six réalisations plantées au total. Attaquant au sang-froid implacable devant les cages, Stapleton s’érige comme meilleur buteur les deux saisons suivantes et permet aux Canonniers de se hisser trois fois en finale de FA Cup, dont une remportée en 1979. Gravement touché au genou lors de leur dernière saison commune, Macdonald, lui, amorce son déclin et ne connaîtra plus jamais les sommets.
L’ivresse d’une finale. L’euphorie d’une victoire ancrée dans toutes les mémoires. Wembley qui, paré de rouge, succombe dans les tout derniers instants. En 1979, les Gunners s’adjugent la FA Cup au terme d’un scénario ébouriffant. Alors qu’ils font la course en tête grâce à Talbot et Stapleton, les Londoniens sont rejoints au score en toute fin de match. Mais, avec beaucoup de cœur et d’envie, Alan Sunderland se jette avec sa touffe à la 89e minute et fait chavirer les siens. Décisifs, les deux hommes l’ont souvent été ensemble et ont fini co-meilleurs buteurs d’Arsenal en championnat lors de la saison 1979-1980 avec quatorze caramels chacun. Finaliste également de la FA Cup l’année suivante, la formation de Terry Neill ne conserve pas son titre et tombe face à West Ham (1-0). Alan Sunderland était sur la pelouse. Frank Stapleton, lui, ne l’était pas cette fois. Un être vous manque et tout est dépeuplé.
Et aussi
Charlie Nicholas/Tony Woodcock (1983-1986, 90 buts), Paul Mariner/Tony Woodcock (1984-1986, 34 buts), Niall Quinn/Charlie Nicholas (1985-1988, 44 buts), Joe Baker/Geoff Strong (1962-1964, 114 buts), Ronnie Rooke/Reg Lewis (1946-1949, 131 buts), Peter Goring/Doug Lishman (1948-1956, 188 buts), Doug Lishman/Cliff Holton (1950-1956, 183 buts), David Herd/Jimmy Bloomfield (1954-1961, 172 buts), David Jack/Jack Lambert (1928-1933, 178 buts), Ray Bowden/Ted Drake (1934-1938, 148 buts), Ray Kennedy/John Radford (1969-1974, 151 buts).
Par Romain Duchâteau