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À Arsenal, Martin Ødegaard lance définitivement sa carrière
Transféré au Real Madrid alors qu'il n'était encore qu'un adolescent, Martin Ødegaard a bien failli rejoindre la catégorie des espoirs déchus. Après un parcours plus compliqué que prévu et grâce à d'autres qualités que sa technique, le Norvégien fait désormais le bonheur d'Arsenal qu'il compte bien ramener en Ligue des champions l'année prochaine.
À quelques journées du dénouement de la saison en cours, les Gunners, quatrièmes, pourraient bien s’offrir un ticket pour la prochaine Ligue des champions. Eux qui n’ont plus entendu résonner la musique de la coupe aux grandes oreilles depuis 2016. Si Mikel Arteta demeure l’architecte de ce renouveau des pensionnaires de l’Emirates Stadium, l’Espagnol dispose désormais d’un solide relais sur le terrain avec Martin Ødegaard. Longtemps catalogué comme le futur crack du football mondial avant de glisser dangereusement vers la page des espoirs éternels, le Norvégien enchaîne sa deuxième saison à Londres et semble enfin justifier toutes les attentes placées en lui. Pourtant le chemin aura été beaucoup plus tortueux que prévu pour le natif de Drammen.
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Si « la valeur n’attend point le nombre des années » pour les « âmes bien nées », aussi talentueux soit-il, Martin Ødegaard a pourtant dû faire preuve de patience. Après avoir rejoint le Real Madrid à tout juste seize ans en janvier 2015, en provenance de Strømsgodset, le Scandinave découvre la Liga quatre mois plus tard.
Ce qu’il ignore sans doute à ce moment-là, c’est qu’il devra patienter plus de quatre ans pour pouvoir à nouveau fouler les pelouses espagnoles. Entre-temps, il est cantonné pendant deux ans à la Castilla, la réserve de la Casa Blanca, avant d’être expédié en prêt ensuite. Dix-huit mois à Heerenveen, douze à Arnhem et encore douze de plus à la Real Sociedad. Problème, « c’est un joueur d’équipe », raconte Leif Gunnar Smerud, son coach chez les U21 norvégiens. « Je lui ai dit, il y a quelques années, que c’était dommage qu’un joueur comme lui, aussi collectif, n’ait pas plus de temps pour montrer qui il était vraiment. » Hormis son passage au SC Heerenveen, le jeune Martin parvient tout de même à se faire remarquer aux Pays-Bas et lors de son retour en Espagne dans des conditions pas forcément idéales pour progresser selon le technicien de 45 ans : « Martin doit développer ses relations sur et en dehors du terrain avec ses coéquipiers ou ses coachs. Cela prend du temps, mais c’est nécessaire, sa progression n’en sera que meilleure. Il est très bon individuellement, mais il sera toujours dépendant de son équipe. Pour briller, il a besoin de faire briller les autres. » Une mission plutôt ardue quand on change de club chaque année.
Durant cette même période, le Norvégien se voit également rétrograder en sélection. D’abord appelé avec les seniors en 2014, Ødegaard retrouve ensuite les Espoirs entre mai 2016 et novembre 2017. Un nouveau coup dur pour le jeune prodige qui ne fait pourtant pas d’état d’âme, de même que pour sa carrière en club, comme le confirme celui qui est toujours à la tête des U21 : « Martin est très professionnel, il ne dira jamais qu’il n’était pas heureux de sa situation. Il tentera toujours de faire de son mieux sans jamais se plaindre. » Même son de cloche du côté d’Haitam Aleesami, son coéquipier en sélection : « C’est vraiment un gars super, humble et toujours avec le sourire. » Celui qui évolue aujourd’hui à l’Apollon Limassol précise ensuite que ces prêts l’ont sans doute aidé à se construire : « Il a eu la possibilité d’apprendre et d’exploiter au mieux son potentiel. À Madrid, il y avait beaucoup plus de concurrence, notamment avec Kroos et Modrić qui ont été des joueurs de classe mondiale ces dix dernières années. Pour lui, descendre d’un niveau dans des clubs plus petits que Madrid lui a permis d’acquérir plus d’expérience et de grandir. » Grâce à sa patience et à sa maturité, le jeune Norvégien a su faire de ces périodes difficiles une force pour la suite.
Ødegaard le cap
Son dernier prêt va même lui permettre de reprendre le fil de sa carrière. Débarqué du côté d’Arsenal, à l’été 2020, Ødegaard va enfin trouver ce qu’il lui manquait. « Il nous a toujours fait comprendre qu’il avait besoin de plus de stabilité, confie Smerud en se rappelant de l’époque où il l’avait sous ses ordres. Quand il venait en sélection, il était heureux parce qu’il jouait avec ses amis, des coéquipiers qu’il connaissait parfaitement. » Un côté qu’il va pouvoir développer en Angleterre. Plutôt satisfaits de ses performances, les dirigeants londoniens le font signer définitivement un an plus tard contre 35 millions d’euros, une somme qui pourrait apparaître prochainement comme dérisoire compte tenu des performances du fils de l’ancien footballeur pro Hans Erik Ødegaard. Pour la première fois depuis 2017, le Norvégien va enchaîner deux saisons consécutives dans la même équipe.
Un véritable luxe pour celui qui ne tardera pas à justifier l’investissement réalisé par les Gunners, ce qui ne surprend pas le coach des Espoirs norvégiens : « Même si on ne peut jamais être sûr de rien dans le football, j’ai toujours senti qu’il avait la personnalité et les capacités pour aller très haut. » Aleesami, qui l’a côtoyé pour la première fois en novembre 2015, va lui aussi dans ce sens : « Ce qu’il fait à Arsenal, il le faisait déjà en Norvège quand il avait 16 ans. Il joue sans crainte comme s’il était là depuis des années. Sauf que maintenant, il est plus complet et plus expérimenté. » En plus de qualités techniques indéniables, le numéro 8 peut aussi compter sur un entourage solide. « Ses parents et ses proches sont très matures et très patients. Ils savaient qu’en se concentrant sur ce qu’ils pouvaient contrôler, tout irait du mieux possible », se rappelle l’entraîneur. Autant d’éléments non négligeables qui lui ont permis de ne pas baisser les bras.
« Un gars qui rend meilleurs ceux qui sont autour de lui »
D’autant plus que ces temps plus troubles semblent désormais associés au passé. Alors que l’habituel capitaine, Alexandre Lacazette, squatte le banc depuis trois matchs, Ødegaard s’affiche lui fièrement avec le brassard solidement fixé à son bras gauche. « Martin est un véritable leader, reconnaît son coéquipier en sélection. Cela se voit dans la façon qu’il a de communiquer sur le terrain avec les autres, il cherche toujours à guider et à mener son équipe. C’est tout simplement un gars qui rend meilleurs ceux qui sont autour de lui. » Son ancien coach complète : « Ce n’est pas le genre à crier très fort. Il peut donner des ordres ou placer ses coéquipiers, mais il comprend le jeu et sait où l’équipe doit aller et ce qu’elle doit faire pour y arriver. » Des qualités qui ont poussé Mikel Arteta à placer le Norvégien au cœur de cet Arsenal nouveau. Une évolution qui permet à Ødegaard d’enfin pouvoir prouver sa véritable valeur, lui qui avait sans doute, en bien comme en mal, été un peu trop vite jugé à ses débuts. « Je pense que les gens ont oublié à quel point il était jeune, rappelle Smerud. Avec de plus en plus de confiance, Martin va prendre plus de risques dans son jeu. Et c’est là qu’il est le meilleur, quand il se montre créatif. » De quoi justifier pleinement les nouvelles responsabilités que lui confie son coach. Bien accompagné par Bukayo Saka et Gabriel Martinelli, Ødegaard emmène dans son sillage des Gunners plutôt séduisants ces derniers mois et plus que jamais dans la course au top 4. Après tout, quelle occasion plus belle que celle de retrouver la Ligue des champions pour prouver que cette fois, la carrière du Norvégien est définitivement lancée ?
Par Florian Porta
Tous propos recueillis par FP.