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- Billet d'humeur
À 20 sans péril, on triomphe sans gloire
Il aura fallu une énième réunion et un vote mardi à la LFP, qui devrait être suivis ce vendredi d'un dernier coup de grâce de la FFF, pour que le sort d'Amiens, Toulouse et de tous les autres clubs pénalisés par l'arrêt intempestif des compétitions soit scellé. Un feuilleton qui aura surtout démontré que ce sont toujours les intérêts personnels qui priment dans le football. Monde d'avant ou monde d'après compris.
Cette fois, Emmanuel Bourgaud n’y pourra rien. Même lui, le héros qui avait catapulté Amiens en Ligue 1 le 19 mai 2017, ne pourra rien faire pour changer le destin du club picard. Le 9 juin, le Conseil d’État avait remis sur le tapis l’idée d’une Ligue 1 à 22 clubs et donc du maintien du dix-neuvième du championnat. Mais l’assemblée générale de la Ligue de football professionnel (LFP), réunie mardi, a préféré ranger les cas d’Amiens et de Toulouse sous la carpette. Ce vendredi, la Fédération française de football devra à son tour se prononcer sur la question. Et les chances d’un retournement de situation sont infimes, même si le président Joannin se garde encore la possibilité de faire appel. N’est pas Bourgaud qui veut.
Toulouse et Amiens relégués, Nîmes exempté de barrage, Lens et Lorient promus, une promo à 20 têtes… Voilà qui ressemble donc à l’épilogue de plusieurs mois de bordel. La fin d’une bataille juridique, guidée par les nécessités économiques et égotiques, et qui a vu l’équité être sacrifiée sur l’autel du pragmatisme. Aujourd’hui, on peut donc déplorer cette situation, qui est autant la conséquence d’une crise sanitaire imprévisible que d’une gestion à la petite semaine des instances. On peut aussi se désoler pour Amiens, qui méritait de se battre avec ses armes sur le terrain pour les dix matchs restants. On peut même penser que le Téfécé avait le droit de rêver – soyons fous, ça n’engage pas à grand-chose – qu’une remontée folle était dans ses cordes. Pourtant, il n’y aura pas de repêchage. Tout ça parce qu’une écrasante majorité des clubs pros l’ont exprimé à travers leur vote : « Le foot c’était mieux à vingt. »
22, v’là les bleus
C’est peut-être d’ailleurs tout ce qu’il faut retenir de cet épisode. Mardi, 74,47% des voix exprimées se sont donc opposées à une Ligue 1 à 22 bolides et on peut deviner, à travers l’anonymat du scrutin, que les partisans d’un tel changement étaient les clubs qui se sentaient lésés par les décisions du printemps. Soit Lyon, Amiens, Toulouse, Le Mans, Orléans, Troyes, Clermont et Ajaccio, pour ne pas les nommer. L’idée d’un foot français solidaire a déjà fait son chemin, et celui-ci, se voulant responsable et exemplaire, a bien stoppé ses championnats (tout en ayant pris l’assurance que cela ne lui coûterait pas trop d’argent). Mais il n’a pas fallu longtemps pour comprendre que ces belles résolutions devaient s’évaporer aux premières chaleurs.
Dans cette histoire, le naturel est vite revenu au galop : l’instinct de survie des clubs a poussé ceux qui s’en tiraient très bien comme ça à faire corps, au détriment des derniers de cordée : 74,47%, c’est autant de clubs qui envisagent la saison prochaine sans plus de casse-tête. Autant qui sont finalement rentrés dans leurs objectifs de départ. Autant qui ne veulent pas surcharger la saison prochaine leur calendrier, malgré le fait que la disparition de la Coupe de la Ligue l’ait déjà allégé. Autant qui ne veulent pas voir augmenter la probabilité d’être relégué la saison prochaine*. Mais surtout autant qui devraient se mettre dans le même état que les Amiénois, les Lyonnais ou les Toulousains, s’ils se retrouvent dans un futur plus ou moins proche dans la même panade.
Par Mathieu Rollinger
* À 22, selon le texte de la Ligue, 4 clubs de Ligue 1 seraient dans la charette, ce qui ferait passer les chances de descente de 15% à 16,67%.