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À 18 ans, la première sélection de Diego Simeone
Un 14 juillet 1988, Diego Simeone fête sa première cape en sélection, au Football Stadium de Sidney. Il n'a alors que 18 ans, mais est déjà fort comme un homme.
C’est un étrange tournoi. En 1988, l’Australie fête le bicentenaire de sa découverte et invite pour l’occasion le Brésil, l’Argentine et l’Arabie saoudite à taper dans la balle. Le genre de compétition propice aux expérimentations, ce que ne se priva pas de faire le sélectionneur de l’Albiceleste, Carlos Bilardo. El Narigón emmène donc au bout du monde une bande d’espoirs encadrés par quelques champions du monde, dont Oscar Ruggeri, Sergio Batista, et Oscar Garre. Le plus jeune de la troupe a encore de l’acné. Mais ce qui fait figure de stigmate juvénile pour la plupart donne une rugosité à son visage, et la sensation qu’il est plus vieux que ce que sa carte d’identité indique. À 18 ans, Diego Simeone est déjà la grande révélation du tournoi argentin, où il multiplie les kilomètres et les tacles rugueux sous le maillot de Vélez Sársfield.
Un entraînement en jean et T-shirt
« C’était un joueur jeune, mais dont la personnalité sur le terrain en imposait déjà » , se souvient le milieu de terrain José Luis Rodríguez, qui faisait partie de l’expédition australienne. « C’était quelqu’un d’extraverti, poursuit-il, mais qui montrait un grand respect pour les joueurs plus expérimentés. »
Un sens de la hiérarchie qui fait obéir El Cholo au doigt à l’œil, quitte à être la risée de ses coéquipiers. « En Australie, s’est rappelé Simeone dans les colonnes d’El Grafico, Bilardo m’a fait m’entraîner en jean et tee-shirt. Les anciens étaient partis se promener et comme le responsable, de la logistique n’était pas là, nos tenues n’étaient pas à portée de main. « Peu importe », me dit Bilardo, « on va s’entraîner comme ça. Tu fais comme si j’étais Batista et Giusti(ses coéquipiers au sein de l’entrejeu). » Au bout d’un moment, les anciens sont arrivés, et quand ils m’ont vu, ils étaient morts de rire. » Pour Bilardo, cette séance en jean-tee-shirt n’a pourtant rien d’un bizutage, mais est plutôt à mettre sur le compte de son caractère obsessionnel.
En Australie, l’Albiceleste va être laborieuse. Son tournoi, elle l’entame par un nul face à l’Arabie saoudite (2-2), avant un match plus prometteur face au Brésil de Valdo, Romário, et Taffarel, mais sans victoire au bout (0-0). Blessé, Simeone ne participe pas aux deux premiers matchs. « Ce fut un tournoi étrange, se souvient Simeone. Lors de la première séance, je me suis tordu la cheville, et Bilardo venait me voir dans la chambre avec le masseur. Moi, je lui demandais d’y aller doucement pour ne pas raviver la douleur, mais Bilardo lui disait : « Masse le plus fort » et il me demandait : « Ça te fait mal ? » Évidemment, je le niais. » Finalement, Simeone sera titularisé pour le troisième match face à l’Australie, alors que Giusti, le titulaire habituel, est suspendu.
Indigne correction
« Bilardo savait clairement ce que Simeone pouvait lui apporter, se rappelle José Luis Rodríguez, il voulait qu’il participe activement à la récupération, mais qu’il attaque aussi, et il a tout de suite montré qu’il avait déjà le niveau pour la sélection. » Cette première d’El Cholo au Football Stadium de Sidney sera toutefois sanctionnée d’une indigne correction (4-1) infligée par le pays hôte, dont le seul joueur un brin connu était Frank Farina. « Le problème n’était pas la motivation, nous assure Rodríguez, on était tous fiers de porter ce maillot, mais on a sans doute mis un peu de temps à assimiler les idées de Bilardo. »
Cette claque reçue chez les Socceroos marque le début d’une grande histoire avec l’Albiceleste pour Simeone. El Cholo disputera trois Coupes du monde (1994, 1998, 2002) et deviendra même, un temps, le joueur le plus capé de l’histoire argentine (106 sélections). Son premier but, il l’inscrit deux jours après ses débuts. L’Argentine dispute alors, à Canberra, un match pour la troisième place face à l’Arabie saoudite (2-0). Dès la 4e minute, Simeone frappe. « Je ne suis pas du genre à me laisser abattre, confia-t-il à El Grafico, la preuve c’est que que le match suivant, j’ai marqué un but et on a gagné. »
Indiscutable titulaire
Aussi forte soit l’impression qu’il donne, le jeune Simeone ne sera toutefois pas de la Coupe du monde 1990. Mais ce qui ne tue pas El Cholo le rend évidemment plus fort. « J’ai compris comment ne pas être retenu en sélection pouvait t’affecter, et à partir de là, j’ai abordé chaque sélection comme s’il s’agissait de la dernière. » Avec l’Albiceleste, Simeone remportera la Copa América (1991 et 1993), mais échouera toutefois à soulever la Coupe du monde. Une fois le Mondial 90 passé, il devient un indiscutable titulaire pour tous ses sélectionneurs, de Basile à Bielsa. Une immense carrière internationale peut donc bien débuter en Océanie.
Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin