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8°6 Crew : « Au Red Star, les supporters aiment vraiment le ballon »

Propos recueillis par Nicolas Ksiss-Martov
6 minutes
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À chaque grand club, son groupe de zik. Le Red Star peut donc compter sur le soutien du « 8°6 crew », combo de ska et de reggae, tendance skinhead originel, dont la plupart des membres hantent les gradins de Bauer depuis deux décennies, sans faiblir, même pendant la traversée du désert en CFA. Son chanteur Charly nous raconte une passion à l'anglaise en Banlieue rouge.

Avec un statut de groupe « skinhead reggae » , le foot relève un peu de la panoplie obligatoire, non ?

Bien sûr, si on se réfère à l’Angleterre, le boot boy et le skinhead restent des images fortes de la culture tribune. Toutefois, ils ne furent pas les seuls. Tous les mouvements populaires de jeunes issus de la classe ouvrière sont passés par les tribunes. Il y avait des mods, des fans de Glam, de David Bowie, de Sweet, avec leur plateforme boots, dans la Red Army, ou des soul boys, des bikers à Bristol, et des punks à Leeds ou Huddersfield. Toutefois, les skins sont les plus représentatifs et démonstratifs, peut-être parce qu’il ont été portés par la période reggae puis la oi!. Cependant, la passion ne peut pas se réduire à une tenue. Je connais un skin adepte de la plongée sous-marine en Loire-Atlantique… Chacun son truc!

Quels sont à vos yeux les groupes qui incarnent le mieux la relation entre foot et musique ? Les Cockney Rejects, Cock Sparrer, the Jam, Sherwood Pogo

Je ne sais pas trop. Les Cockney l’ont revendiquée d’une telle force que ça a quasiment causé leur perte. Cock Sparrer et The Jam sont comme des dizaines de groupes anglais, ils font référence au football. Quant à Sherwood, ils prirent à contre-pied tout le reste de la scène punk française, pour qui foot égale « beauf » ; ce qui n’est pas toujours faux… Mais trop dans la caricature.

Et pour ce qui vous concerne, c’est le Red Star !

Oui, certains membres du groupe se sont rencontrés au Red Star voici une vingtaine d’années. On aime se retrouver au stade, pas tous bien sûr (on est neuf), une majorité en tout cas, parce que c’est sympa, pas cher, et on peut y emmener les enfants. Il persiste toujours un truc spécial à Bauer, il n’y a pas de poseurs, les supporters aiment vraiment le ballon.

S’appeler les « Perry Boys » dans les travées de Bauer, c’était un hommage à la firm de Manchester ?

Pour être franc, quand nous avons adopté ce nom en 1993, je ne connaissais pas l’existence des « vrais » Perry Boys de Manchester. Je les ai découverts plusieurs années plus tard. Hélas individuellement, on ne représente plus grand-chose… Il reste les bâches et les glorieux souvenirs. Nous nous retrouvons tous dans les Red Star Fans qui englobent aussi le Gang Green.

Il existe un parallèle entre soutenir un club en National et votre démarche artistique (style de zik, label indépendant, scène alternative, etc).

Oui, quelque part, ça colle bien avec notre état d’esprit. Rien de calculé, je supportais déjà l’Étoile avant de monter le groupe.

Vous tournez depuis longtemps à travers la France et en Europe, votre identité de club vous a-t-elle déjà ramené des ennuis ?

Non, on n’a jamais été confrontés à ce genre de problèmes. On s’est déjà battus, mais pas pour cette raison. Des ultras de différents clubs viennent régulièrement à nos concerts, ça se passe bien. En général, ils mettent l’ambiance, les ultras savent faire la fête. Les gens sont d’abord là pour passer du bon temps. Le 8°6 crew dédicace souvent une chanson pour les amis du Red Star, sans que cela signifie qu’on emmerde les autres. Nous avons une passion commune et c’est un plus, une ouverture, nous ne faisons pas de prosélytisme. On rencontre des gars de partout et c’est là que tu te rends compte qu’ils se ressemblent davantage qu’ils ne s’opposent.

Ils vous arrivent de parler directement ballon dans vos chansons ?

Oui, on a une chanson sur les fans anglais, les Jibbers, et quelques allusions par-ci par-là…
Ici, si tu fais plaisir aux uns, tu fais chier les autres

Vous semblez aussi nourrir une affection pour Marseille, ce n’est pas contradictoire quand on connaît la rivalité entre Paris et la cité phocéenne ?

C’est plutôt personnel, des souvenirs de famille… Aucun rapport avec des histoires de foot. Étant de Paname et réel amateur de foot, nous avons aussi logiquement dans le 8°6 des vrais fans du club parisien, même s’ils n’ont jamais appartenu à aucune asso ultra. J’ai passé de super moments avec de bons amis marseillais en Angleterre, et ailleurs. Je comprends la rivalité. Juste, personnellement, ça ne me touche pas trop, d’un côté comme de l’autre.

Vous avez des contacts avec des groupes similaires ? Autour du Celtic ou de St-Pauli par exemple ?

Pas spécialement. Forcément, nous croisons parfois des formations de punk ou de ska, qui aiment le foot comme nous. C’est l’occasion de balancer quelques chants de supporters, par exemple la dernière fois à Berlin avec les Italiens de Joker Face. On s’est également produit à Hambourg pour les quinze ans des « St Pauli Skinheads » , qui nous avaient déjà invités il y a quelques années. Sinon, en France, nous évitons de jouer pour des assos ultras, malheureusement. On veut éviter les polémiques. Même si c’est agréable qu’on pense à nous, autant de ne pas être rangé dans une case. Ici, si tu fais plaisir aux uns, tu fais chier les autres, et tu tombes vite dans des polémiques à deux balles, véhiculées par des anonymes…

Sur votre dernier album se trouve un cliché du stade Bauer, comment vous positionnez-vous quant au projet de déménagement ?

C’est clair que pour rien au monde on ne veut partir. Le Red Star, c’est Bauer depuis 1909, point barre ! Il existe une forte mobilisation en ce sens. Les gars du collectif ont réalisé un énorme travail et espérons que les dirigeants, qui vantent toujours le côté populaire et l’atmosphère unique des travées de Bauer, ne vont pas détruire ce stade et avec lui l’âme du club. Pour la pochette, dans le genre classique, nous recherchions un visuel noir et blanc, à l’anglaise, donc notre bon vieux stade Bauer s’y prêtait bien. C’est aussi évidemment un hommage : sur le rond central, tu peux observer le début de démolition du toit centenaire d’une des tribunes.

Quelle serait la bande son idéale pour aller voir un match ?

Houla, ça serait bien long… Dorris Day, Que Sera sera.

Quel fut votre meilleur souvenir au stade ? Le pire ?

Je ne sais pas trop. Les montées en CFA, puis en national, la rencontre avec mes deux complices Jo et Pancho, les déplacements en RER le dimanche et les petites villes de province. Il s’agit surtout d’un feeling. Je retrouve encore la même excitation qu’il y a 20 ans quand je vais au stade… Le pire : quand nous nous sommes fait arrêter par la BAC à Villemomble, les 70 heures de GAV, les procès et l’interdiction de stade…

Dernier mot ?

Notre tribune est antiraciste, c’est notre ADN. Pas besoin d’éléments extérieurs pour le revendiquer à notre place. Un grand « Mes Respects » à tous les Red Star Fans et au 8°6 Crew.
Gasperini-Retegui : l’amour ouf

Propos recueillis par Nicolas Ksiss-Martov

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