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622 millions d’euros pour sauver la L1, sinon…
622 millions d’euros : c’est le prix espéré par la LFP pour sauver le soldat Ligue 1. 622 millions, c’est 46% de moins par rapport au montant qui avait été négocié en 2018. C’est la catastrophe, les clubs sont au bord du dépôt de bilan et ça risque de durer. Mais que se passe-t-il, concrètement ?
Le président de Dijon, Olivier Delcourt, prévient : « Si rien n’est fait, on ne pourra pas repartir l’été prochain. » Interrogé par la chaîne Eurosport, le dirigeant assure avoir « mangé toutes les réserves et l’ensemble des fonds propres cumulés depuis 7 ans. » La faillite est proche, et une solution doit rapidement être trouvée. Ce n’est pas un cas à part. Mis à part Dijon, un tiers des clubs professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 seraient dans une situation inquiétante, selon la DNCG, victimes, depuis maintenant 10 mois, de la crise sanitaire et économique, de l’arrêt prématuré de la saison dernière et du fiasco de Mediapro. Mardi dernier, lors de la réunion entre les représentants des clubs et l’UNFP (le syndicat des joueurs), la question de la faillite avait d’ailleurs été soulevée.
De rebondissement en rebondissement
Plusieurs sources affirment en effet que l’argument d’un arrêt définitif du championnat a été posé, notamment par l’un des dirigeants présents au rendez-vous, que si la situation se maintenait en l’état, sans droits TV et sans accord sur la baisse des salaires des joueurs, « on ne pourra pas continuer et on sera contraint d’arrêter la saison.[…]Si deux ou trois équipes ferment boutique, le championnat devra être stoppé prématurément. » Le soir même, alors qu’un principe d’une baisse des salaires négociée à échelle des clubs et en accord avec les joueurs avait été décidée, nouveau rebondissement : Maxime Saada, président du groupe Canal+, annonçait renoncer aux droits du lot 3 et appelait à un nouvel appel d’offres global. Le but était clairement financier, il refusait de payer 2 matchs à une valeur fixée en 2018, 330 millions d’euros, et voulait récupérer les droits sur les 8 autres matchs, à une valeur réajustée en 2021, post-Covid19 et post-crise économique.
Jeudi, la LFP, à la suite des déclarations de Saada, rassemble alors son conseil d’administration, et décide, après deux heures de discussions sur Zoom, le principe d’un nouvel appel d’offres sur les lots détenus jusqu’ici par Mediapro. Initialement, ils avaient imaginé une vente de gré à gré, et avaient jeté leur dévolu sur Canal+, vu à l’époque comme le grand sauveur. La demande de Saada a eu le mérite de refroidir toutes leurs espérances. Vincent Labrune, président de la LFP, aurait ensuite déterminé des objectifs largement revus à la baisse : tout en conservant la valorisation du lot 3, récupéré par beIN Sport, après la volte-face de Canal+, à 330 millions d’euros, les lots lâchés par Mediapro devront être vendus 250 millions d’euros minimum. Des chiffres immédiatement démentis par la LFP… Faut comprendre la réaction de la Ligue : 250 millions, c’est très loin des 790 promis par le groupe sino-espagnol en 2018 ! À cela se rajoutent les 42 millions d’euros déboursés par Free pour les droits digitaux. Soit un total de 622 millions d’euros.
La grande braderie
622 millions d’euros, c’est 48% en moins par rapport au prix initial, qui était de 1,153 milliard d’euros. La chute est sévère, lourde, douloureuse, difficile. Mais au moins, les clubs pourront regonfler leurs finances exsangues et récupérer des liquidités, certes en quantités plus faibles, mais présentes. Sauf que l’histoire n’est pas finie… Vendredi, alors qu’on se dirigeait tranquillement vers un nouvel appel d’offres, organisé rapidement, en moins de 22 jours, afin de stabiliser quelque peu la situation, beIN Sport annonçait à son tour renoncer à son lot 3 et demandait à ce que celui-ci intègre l’appel d’offres dans les plus brefs délais. Seulement, si ce lot venait à son tour à être renégocié, on devrait s’attendre à une importante dévalorisation et à tirer le prix total vers le bas, peut-être en deçà des 500 millions d’euros. Dans le même temps, la LFP communiquait et annonçait, sans faillir, que la 24e journée, soit le week-end du 7 février, avec le Classico OM-PSG, allait être diffusée sur Téléfoot et Canal+. Résumons calmement : Mediapro ne paye plus rien, Canal renonce à son lot, la Ligue ne touche plus un sou, mais tous les matchs restent diffusés sur ces antennes. Bon, bon, bon… Pourtant, le même jour, vendredi, on apprenait coup sur coup que M6, TF1 et France Télévision se proposaient de diffuser les matchs gratuitement et en clair le temps du nouvel appel d’offres et de trouver une échappatoire. On n’y comprend plus rien. Alors, concrètement, que va-t-il se passer ? Ce dont on est sûr, c’est que le football français ne fera pas écran noir au moins jusqu’au 7 février, que le Classico sera diffusé sur Téléfoot, toujours gratuitement (sauf pour les abonnés qui payent tous les mois, évidemment…) et sans aucun gain pour les clubs. En revanche, en ce qui concerne aussi bien l’appel d’offres global ou seulement condensé sur les matchs de Mediapro, que le prix réel de la Ligue 1 et la survie des clubs, on est dans l’inconnu le plus total, sans aucune perspective ni précédent. L’heure est grave, et les choses ne semblent malheureusement pas aller en s’améliorant. Et rien ne dit que le prochain rebondissement améliorera la situation.
Par Pierre Rondeau