- Coupe du monde 2014
- 1/2 finales
- Brésil/Allemagne (1-7)
5 raisons pour essayer d’expliquer la faillite du Brésil
Expliquer l'inexplicable – 5 buts en 20 minutes dans le buffet du quintuple champion du monde - c'est toujours compliqué. Mais il faut bien s'y coller, histoire de donner de bonnes raisons à la Seleção de se remettre debout et de redevenir favori du Mondial dans quatre ans. Parce que l'histoire est un éternel recommencement, et que Hulk jouera à domicile en 2018.
1. Une génération médiocre
Les statistiques ne mentent pas. La moyenne d’âge du 11 brésilien aligné en demies est de 27,5 ans, celle de l’Allemagne est de… 27 ans ! Si les Allemands paraissent vieux et les Brésiliens jeunes, ce n’est pas seulement à cause du nombre de dermatos ayant pignon sur rue à Rio : quand on parle sélection, et Scolari l’a évoqué en conférence de presse, ce n’est plus la même chanson. 31 sélections en moyenne côté brésilien, 59 côté allemand. Où les moins expérimentés (Hummels, Höwedes, voire Kroos) deviennent tranquillement des cadres à l’ombre des tauliers (Lahm, Schweinsteiger). Même si des cadres brésiliens sont titulaires à Munich, Paris, Chelsea, Barcelone et Madrid, d’autres le sont au Canada, en Russie ou en Ukraine. Au final, Oscar et Neymar ont 22 ans et ils ont été les seules satisfactions brésiliennes (avec la défense centrale, jusqu’à ce mardi soir). C’est bon pour l’avenir.
2. Trop de pression, trop d’émotion(s)
« Avec le recul, une demi-finale c’est déjà très bien » , glisse Gustavo, 27 ans, dépité, dans le bus qui le ramène de la fan fest de Copacabana. Et il n’a pas tort, d’un point de vue émotionnel. Les 12 derniers mois du Brésil ont confirmé la suprématie de la jeune nation sur l’univers de la telenovela en livrant un scénario à tiroirs fantastique. Des retards abyssaux dans l’organisation, la défiance d’un peuple dont on attendait tout sauf ça à l’heure d’accueillir sa Copa ; une équipe décriée qui se hisse en demies avec des matchs au couteau contre les faire-valoir continentaux (Mexique, Chili, Colombie) ; des larmes (Júlio César) au milieu du match contre le Chili. Des larmes (Neymar) au milieu du match contre la Colombie. Des larmes (Dilma dans sa lettre à Neymar) avant le match contre l’Allemagne, et des larmes (David Luiz demandant pardon) après, enfin. Le Brésil Actors Studio fait de nous des ménagères devant Globo, et on aime ça. Jouer avec son cœur c’est beau, mais c’est usant. « Les pauvres, c’est beaucoup de pression, quand même » , console Marcia, 45 ans, émue par les larmes du capitaine d’un soir. Elle a raison : pour survivre face à la bande à Neuer, il faut des collectionneurs d’oreilles qui refroidissent dans des baignoires, pas des émotifs anonymes.
3. Le gouvernement a plombé la sélection
Mise en danger par la rue aux yeux de la presse internationale, Dilma Roussef n’a pas osé s’en tenir à sa stratégie initiale : faire le distinguo nécessaire, mais salutaire entre le gouvernement et sa sélection. Elle assénait pourtant encore quelques semaines avant l’événement : « Être en désaccord avec l’organisation de la Coupe du monde n’a rien à voir avec le fait de soutenir son équipe. Moi, j’étais en prison en 1970, opposante à la dictature. Ça ne m’a pas empêchée de soutenir Pelé de tout mon cœur pour votre troisième étoile. » Un appel à la raison qu’elle a elle-même bafoué il y a trois jours avec ses lettres publiques aux joueurs brésiliens, à la commission technique et à Neymar, dont la blessure lui « a brisé le cœur » . Trop d’émotion, qu’on vous dit. Enfin, connectés et étonnamment sensibles à la chose politique (voir les déclarations de Marcelo et Felipão durant la Coupe des confédérations), les joueurs et leur coach ont bien vu que la ferveur n’était pas aussi intense qu’ils l’espéraient et que le mouvement de juin 2013 avait laissé des traces profondes. Et si les footballeurs brésiliens étaient de gauche ?
4. La future banque des BRICS a été perçue comme une menace pour l’équilibre mondial
Angela Merkel n’est pas du genre à tergiverser : « Si les émergents commencent à créer leur propre banque mondiale, on ne va pas s’en sortir. On est les seuls à respecter les injonctions économiques en Europe, et ils vont mettre 200 milliards de côté sans nous consulter ? Das ist unmöglich. » En trois froides étapes, le tour est joué la veille du match de la Colombie. D’abord, Zúñiga reçoit son poids en Wurst, un bon pour une nuit avec Conchita et un billet en éco premium direction le Best Western de Limburg am Main. Neymar ist weg. Ensuite, HBO reçoit l’ordre de diffuser La guerre des Rose la veille du match de la Colombie. Dans la chambre des centraux brésiliens, à Fortaleza, la dispute est inévitable. David Luiz est en larmes, déstabilisé pour plusieurs jours. Thiago Silva n’a toujours pas calmé ses nerfs à l’heure d’entrer sur le terrain, il prendra un second jaune stupide. Dernière étape du plan machiavélique, Bernard Laporte est envoyé par David Cameron pour lire aux Brésiliens la lettre de Guy Moquet dans le vestiaire. Trop d’émotion, toujours.
5. La germanophonie a décidé d’en finir avec les lusophones
Une leçon contre le Portugal d’entrée de jeu. Puis du laxisme avec les Ghanéens, de la courtoisie envers les États-Unis, de l’indiscipline avec l’Algérie et enfin du minimalisme avec la France. Contre le Brésil, l’Allemagne se réveille et rate de peu le Fanny sous le baby. La machine de guerre serait-elle allergique à la bossa nova et au fado ? Pour le comprendre, un seul moyen, se rendre au Complexo do Alemão, une des plus grandes favelas de Rio. Cet infini agrégat de communautés populaires du Nord de Rio est certes connu pour son téléphérique (qui n’a rien de bavarois, puisque construit par le Français Poma), mais surtout pour la violence et la pauvreté qui y règnent. D’où vient ce complexe ? « Le sens du rythme » , propose Angelina, prof de danse. Caroline, qui a souvent illuminé les bals du réveillon de Vienne, en Autriche, nuance : « La Valse, ce n’est pas si facile. Mais quand c’est bien exécuté, c’est très beau. » Un but toutes les trois passes, c’est vrai que c’est impressionnant. Pour contrer la diabolique machine de Goëthe, Neymar et Thiago Silva auraient été inutiles. Il fallait de l’amour, mais du rythme. Il fallait Vagner Love.
NDLR : Certains faits ne sont que pure fiction. Toute ressemblance avec des évènements qui s’avéreraient réels ne serait que pure coïncidence.
Par David Robert, à Rio