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30 choses à savoir sur Patrice Évra
À trente-cinq piges au compteur, Patrice Évra est un homme qui a déjà connu plusieurs vies. Un itinéraire singulier que le taulier des Bleus a écrit de Dakar à Turin en passant par les Ulis ou Manchester.
1. Racines africaines
S’il a grandi aux Ulis et est devenu peut-être la plus grande fierté de la ville, l’international tricolore a vu le jour au Sénégal, à Dakar. Un pays et une ville que celui, issu d’une union entre un père sénégalais et une mère capverdienne, a toutefois très peu connus. Conseiller culturel à l’ambassade sénégalaise, son paternel a emmené sa famille à Bruxelles avant de s’installer dans l’Hexagone.
2. Famille nombreuse
Au quartier des Hautes Pleines, Évra a grandi au sein d’une famille nombreuse. Très nombreuse, même. « On était vingt-quatre frères et sœurs, on dormait dans le même lit, expliquait-il dans les colonnes de L’Équipe en 2011. Pas de la même mère, hein. Vous croyez quoi ? Mon père, il ne regardait pas la télé, hein ! »
3. Polyglotte
Français. Italien. Anglais. Portugais. Wolof. Espagnol. Au gré de ses voyages, le latéral gauche a eu l’occasion de prouver qu’il n’était pas embêté avec l’apprentissage des langues. Il parle six langues couramment et a même quelques notions de coréen. L’influence de Park Ji-sung, son ancien compère et très proche de lui à Manchester United, n’est sans doute pas étrangère à cela.
4. Détermination
« Il n’hésitait pas à tacler sur les stabilisés. Je me rappelle, une fois, on avait fait un match contre les féminines de Juvisy, qui étaient régulièrement championnes de France, nous racontait Didier Brillant, son éducateur en U15 à Brétigny, en 2015. C’était une rencontre amicale, comme on avait souvent l’habitude d’en faire avec elles chaque année. Et Patrice était vraiment rentré dedans…(rires) Une joueuse qui l’avait affronté ce jour-là doit d’ailleurs s’en souvenir. Il n’avait pas laissé sa part au chien, mais c’est tout à son honneur. Il a montré qu’il respectait son adversaire » . Il est comme ça Patrice, il ne sait pas faire semblant.
5. Refus
À l’époque en partenariat avec le Stade rennais, l’enfant de Dakar part effectuer quatre essais en Bretagne. Pour malheureusement autant de refus. « Quatre années de suite, la réponse a été : « On verra à Noël ». Ils devaient me rappeler, j’attends toujours. Je n’étais pas assez costaud, paraît-il » , racontera-t-il des années plus tard.
6. Détente
En dépit d’une taille modeste (Évra mesure aujourd’hui 1m75), le Français possède depuis petit une bonne détente. « C’était l’un des plus petits joueurs que j’avais, il prenait déjà beaucoup de ballons de la tête et avait une détente phénoménale » , assure Didier Brillant. Ses quelques coups de casque claqués avec les Red Devils en sont de belles illustrations.
7. Exil
Accroché à son rêve de devenir footballeur, malgré l’impossibilité de percer en France, Patrice saisit l’occasion de partir en Sicile, à dix-sept piges, pour évoluer au sein d’une formation de Serie C italienne. Un exil périlleux et audacieux pour un gamin qui ne parle alors pas un seul mot d’italien et perçoit seulement 120 euros par mois (environ 236 000 lires à l’époque).
8. Racisme
À Marsala et Monza, les clubs transalpins qu’il a fréquentés, le défenseur fait l’apprentissage du racisme. Ou de « l’ignorance » , comme il rappellera plus tard. « Les gens voulaient prendre des photos avec moi, non pas parce que j’étais un joueur professionnel, mais parce que j’étais le seul noir de tout le championnat » , révèlera bien des années après celui qui était surnommé « cioccolatino azzurro » ou « gazzella nera » par certains de ses coéquipiers.
9. Reconversion
Arrivé à Nice en 2000, c’est sur la Côte d’Azur que la trajectoire d’Évra bascule. Ailier en terre italienne, l’entraîneur des Aiglons, Sandro Salvioni, le repositionne en tant que latéral gauche malgré son refus. « Patrice était alors attaquant, mais je voulais qu’il joue sur le côté gauche et qu’il apprenne à défendre, raconte le coach italien dans le So Foot n°136. Lui, refusait. La première saison, je l’ai envoyé en CFA. » Le début de l’humilité et du déclic.
10. Révélation
L’apprentissage en tant latéral gauche s’avère être une réussite. Et au terme de l’exercice 2001-2002, le tricolore est élu meilleur joueur à son poste avec l’OGC Nice. C’est aussi la première distinction individuelle de sa carrière.
11. Guerrier
Un soir de C1 contre Chelsea, en mai 2004, Patrice poursuit la partie en dépit d’une jambe en compote. « On voyait la chair, l’os, tout, nous assurait récemment Édouard Cissé, présent sur la pelouse sur ce jour-là. À la mi-temps, le docteur lui dit qu’il doit recoudre, et qu’il ne pourra pas reprendre le match. Évra lui dit alors : « Écoute, ce n’est pas comme ça qu’on va faire. Tu vas me recoudre, tu ne dis rien au coach, et je repars sur le terrain. » »
11. Apprentissage
En janvier 2006, après trois ans et demi sur le Rocher, Évra embarque pour Manchester United. Le début de l’envol du gamin des Ulis, même si l’apprentissage outre-Manche se montre extrêmement compliqué. Premier match à l’occasion d’un derby de Manchester et une sortie à la pause : « Je m’en souviens très, très bien. Un moment, lorsque le ballon venait de sortir en corner, je me suis dit : « Pat, mais qu’est-ce que tu fais ici ? » J’avais été surpris par l’intensité et l’engagement, c’était parti à trois mille à l’heure. Après la première période, le manager m’a sorti, m’a dit de m’asseoir, de regarder le football anglais et d’apprendre. »
12. L’héritier de Cantona
Le 8 décembre 2009, en Ligue des champions, face à Wolfsburg (3-1), le Red Devil devient le premier joueur français depuis Éric Cantona à arborer le brassard de capitaine à Manchester United. Le 28 février 2010, le latéral devient le second joueur tricolore après le « King » à porter le brassard durant une victoire en compétition majeure lors de la finale de League Cup remportée face à Aston Villa (2-1).
13. La reconnaissance
La consécration personnelle intervient en décembre 2009. Au terme d’une nouvelle saison fructueuse avec l’escouade mancunienne (Premier League, League Cup et finaliste de la C1), Évra reçoit la distinction honorifique de meilleur latéral gauche au monde en figurant dans l’équipe type FIFA/FIFAPRO World XI, aux côtés de ses partenaires Cristiano Ronaldo et Nemanja Vidić. Au pays de Sa Majesté, il a figuré à trois reprises dans l’équipe type de l’année (2007, 2009 et 2010).
14. Le faux-départ de MU
À l’été 2010, Captain Pat’ a songé à quitter la brume de Manchester pour le climat plus clément de Milan à l’Inter ou de Madrid au Real. Mais le paternel Ferguson a rapidement balayé cette hypothèse en se déplaçant en personne chez Évra pour lui remettre les idées à l’endroit. « J’avais songé à quitter Manchester United pour des raisons familiales et je pensais être sûr de mon choix, mais quelque chose a changé dans mon esprit assez tardivement, expliquait-il en mai 2011 au Guardian. Il y avait d’autres clubs intéressés, comme l’Inter et le Real Madrid, mais le manager m’a rendu visite chez moi à Manchester pour me persuader de rester. Je sais que mon cœur a vraiment pris la bonne décision. Lorsque Sir Alex Ferguson parle, c’est une bonne idée de l’écouter ! »
15. Le Mancunien convaincu
En sept ans et demi passés à Old Trafford, Évra a eu le temps de faire succomber tout un peuple. En devenant notamment le joueur français comptant le plus d’apparitions avec 379 matchs au compteur. Soit environ entre quarante-cinq et cinquante chaque saison. À titre de comparaison, Éric Cantona n’a lui « seulement » porté la tunique mancunienne qu’à 167 reprises.
16. Le clash avec El Pistolero
Outre-Manche, le Frenchy demeure un joueur respecté et à l’aura intacte. Aucune casserole à mettre à son actif, si ce n’est un clash avec Luis Suárez. Une joute verbale avec soupçon de racisme qui tourne mal le 16 octobre 2011 avant le round 2, un peu plus d’un an plus tard, quand l’Uruguyen refuse de serrer la pince du défenseur durant la traditionnel poignée de mains d’avant-match. Revanchard, Patoche viendra fêter la victoire des siens (2-1) en haranguant le public mancunien juste devant le Sud-Américain.
17. Contre-attaquant de choix
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Plus réputé pour être un formidable contre-attaquant à ses plus belles heures, l’ex-Monégasque a fait étalage de toutes ses qualités sous la tunique de Manchester. 40 assists données au total et dix buts. Dont un dernier splendide, avec une chiche monumentale envoyée à Manuel Neuer en quarts de finale de Ligue des champions en 2014.
18. Francese à Turin
La romance mancunienne arrivée à son terme, Évra rejoint la Juventus Turin à l’été 2014. Devenant ainsi par la même occasion le dix-huitième joueur français à représenter les Bianconeri après une longue liste de compatriotes (Zidane, Thuram, Trezeguet, Kapo, Henry, Deschamps, Boumsong, Platini, Combin, Péricard, Blanchard, Bonnefoi, Vieira, Anelka, Zebina, Pogba et Coman).
19. La dure loi italienne
Fort de certitudes acquises en Premier League, le Bleu pensait avoir tout connu en Angleterre. Pourtant, lors de son arrivée à Turin, il fait face à la préparation d’avant-saison qui n’a rien d’une légende. « Didier (Deschamps), c’est un amoureux de la Juve. Il m’a dit : « Fonce, tu verras la Juve c’est énorme ». Et la seule chose que Didier ne m’avait pas dit, c’est la préparation, expliquait-il l’année dernière à Canal +. T’as entendu Zidane parler de la préparation, tu vomis, mais tu continues quand même à t’entraîner. C’est incroyable, je ne me suis jamais entraîné comme ça de toute ma carrière. À Manchester, c’était les vacances, mais tu gagnes donc c’était des belles vacances. En fait, t’as l’impression que tu es comme une bouteille de vin ici. Plus tu prends de l’âge et plus le goût est meilleur. »
20. Des trophées à la pelle
Loin d’être repu de trophées, le latéral chevronné a continué de garnir son palmarès en Italie. Depuis sa venue, c’est deux Scudetti, une Coupe d’Italie et une Supercoupe d’Italie. Au total, l’ex-Mancunien compte vingt et un titres dans son armoire. Ce qui fait de lui l’un des joueurs tricolores les plus récompensés de l’histoire.
21. Le goût de l’Europe
En novembre 2015, il a atteint la barre des cent rencontres en Ligue des champions. Aujourd’hui deuxième joueur le plus capé dans la prestigieuse compétition européenne, Patrice n’est plus qu’à treize longueurs du record détenu par Thierry Henry (115 apparitions).
22. Finaliste malheureux
Si Évra a le goût de la scène européenne, il a en revanche plus connu la défaite en Ligue des champions que la saveur de la victoire. Hormis celle soulevée en 2008 avec les Red Devils, il a essuyé quatre déconvenues en finale (2004, 2009, 2011, 2015).
23. Uncle Pat’
Considéré comme l’un des cadres en club comme en sélection, il s’est vu affubler avec le temps de surnoms faisant référence à son âge comme « le vieux » ou « le dinosaure » . Paul Pogba, avec lequel il est notamment proche, préfère lui l’appeler « Tonton Pat’ » .
24. Profession punchliner
C’est une constante depuis quelques années, Évra est peut-être le plus gros punchliner du foot français. À Manchester, il a descendu Arsenal en les qualifiant d’ « enfants » et de « centre de formation » . En novembre 2013, il s’est payé une flopée de consultants et les a désossés un par un, rebaptisant certains de « Michel Fernandel » et « Rolland Tournevis » . Mais sa plus belle, il l’a sans doute offert à Lilian Thuram dans la foulée du Mondial 2010 : « Il ne suffit pas de se balader avec des livres sur l’esclavage, des lunettes et un chapeau pour devenir Malcolm X. »
25. Capitaine éphémère
Très souvent capitaine à Manchester United, Patrice espérait également jouir du même statut en équipe de France. Malheureusement, le privilège a été fugace. Première fois capitaine à l’occasion d’une rencontre amicale face à la Tunisie en 2010, il le sera encore à deux reprises lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Mais l’expérience tournera court en raison du fiasco que l’on connaît et, pour beaucoup, le joueur en portera l’unique responsabilité.
26. Maître Zen
Longtemps considéré comme un homme source de polémiques, le Bianconero s’est depuis assagi. Une quiétude retrouvée due en partie à la méditation qu’il pratique depuis 2014. « J’ai commencé en 2014 après avoir lu le livre de Phil Jackson (l’entraîneur aux 11 titres NBA y raconte sa méthode zen, ndlr). Je m’y suis mis tout seul, s’épanchait-il récemment au JDD. Paul Pogba se fout de moi quand il entend le son de petites cloches dans ma chambre ! Avant, en équipe de France, j’absorbais les problèmes de tout le monde et ça me pompait de l’énergie. Je n’avais pas assez de sagesse en moi pour comprendre. J’étais frustré, énervé. Ça nuisait à mes performances. Aujourd’hui, parler avec les gens et comprendre me donne au contraire de l’énergie. La méditation m’a transformé. »
27. Fidélité
Toujours très attaché à ses racines, Évra ne manque pas une occasion de venir aux Ulis à chaque rassemblement des Bleus. Au club de ses débuts, le CO des Ulis, il a reversé une somme de 38 000 euros, correspondant à une partie de ses primes du Mondial 2010, et aide activement à fournir le matériel nécessaire (chasubles, maillots, ballons, etc.). Fin mai, la commune de l’Essonne lui a d’ailleurs rendu hommage à l’occasion d’une journée particulière, organisée par l’un de ses amis d’enfance.
28. MC Patoche
On connaissait les talents d’orateurs de Patoche à travers son aisance en conférence de presse et ses innombrables punchlines. On ne savait toutefois pas qu’il était capable de remixer un morceau de rap à sa sauce. Booba et Kaaris ont sans doute dû apprécier de voir leur titre Kalash réinterprété par Tonton Pat’.
29. Roi de la sape
Parce que si la jeune génération parvient toujours à se réinventer en ce qui concerne la mode, Patrice n’est pas totalement largué dans ce domaine. Et montre, lui aussi, qu’il peut être sapé comme jamais.
30. Futur coach ?
Son crépuscule arrivant à grands pas, Évra pense déjà à l’après. S’il n’a pas encore confirmé que c’était certain, il envisage très sérieusement de se tourner vers une carrière de coach. « Il y a des sensations bizarres qui viennent, et qu’au début je n’avais pas. Ferguson, avant qu’il ne parte, m’avait convoqué dans son bureau, confiait-il à Canal + en avril 2015. Il me fait : « Pat, je vais te dire quelque chose de très important. Il y a deux joueurs qui seront de grands entraîneurs dans cette équipe, c’est Ryan Giggs et toi. »(…)J’ai passé quelques-uns de mes diplômes en tant qu’entraîneur à Manchester, je fais tous les trucs en douce. J’ai envie de l’avoir ce diplôme d’entraîneur et après on verra. »
Par Romain Duchâteau