ACTU MERCATO
222 millions sur Neymar, une affaire rentable ?
Ce qui n'était encore qu'une rumeur improbable il y a quelques jours est en train de devenir concret : Neymar pourrait bien signer au Paris Saint-Germain contre une somme de 222 millions d'euros. Un chiffre totalement fou qui laisse perplexe quant à la possibilité pour le PSG de rentabiliser ce transfert. Et pourtant, personne ne semble inquiet à ce sujet du côté du Qatar.
« Ahurissant » , « Choquant » , « Honteux » , « C’est le football moderne » , « Si Lukaku a coûté 85 millions, Neymar en vaut bien 222 » . Voici un petit condensé des commentaires que l’on peut lire sur les réseaux sociaux à la suite de la publication des sommes avancées dans le transfert de Neymar au PSG. 222 millions d’euros. Soit 100 millions de plus que Paul Pogba, recordman du monde pour encore quelques jours. À la lecture de ce chiffre astronomique, auquel il faut ajouter une prime à la signature de 100 millions d’euros selon ESPN et un salaire annuel de 40 millions, il est difficilement concevable de penser que le Paris Saint-Germain puisse rentabiliser ces coûts. Pourtant, tout laisse à croire que le PSG est gagnant dans cette histoire.
La vente de maillots ? « Une utopie »
À chaque gros transfert, le même refrain revient en boucle : « Avec le nombre de maillots qu’il va vendre, son transfert sera remboursé en quelques mois. » Or, la réalité est tout autre, croire en cela serait même « une utopie » pour l’économiste du sport Christophe Lepetit : « On a voulu faire croire aux gens que l’on pouvait rembourser un transfert avec la vente des maillots, mais c’est faux. Sur un maillot vendu 110€, le PSG ne touchera pas 110€. La somme que reçoit le PSG par maillot dépend des négociations établies avec l’équipementier, Nike dans le cas de Paris. Cela peut être une quote-part reçue sur chaque maillot vendu, ou encore un pourcentage en fonction du chiffre d’affaires. » De manière générale, les clubs touchent 10 à 15%, au maximum, sur chaque maillot.
Prenons un maillot à 110€ – le prix du maillot du PSG étant à 85€ pour le replica et 140€ pour la tenue « vapor match » -, il faudrait donc que les Parisiens vendent 20 millions d’exemplaires pour ne serait-ce que rembourser le prix du transfert. Sachant que, d’après une étude de l’agence Euromericas Sport Marketing, le PSG aurait vendu 2,212 millions de maillots lors de la saison 2015-2016, le cap des 20 millions paraît difficilement atteignable en quelques mois. Et ce, même si, à lui seul, Neymar vendait près d’un million de tuniques blaugrana chaque année. Bien que dérisoires par rapport au montant investi, les revenus liés aux ventes de maillots restent tout de même non négligeables. D’autant plus que le merchandising ne se limite pas à la liquette floquée au nom du Brésilien comme le rappelle Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport : « Le PSG bosse à fond sur le merchandising. Ils ont doublé leurs revenus marketing. Et, si l’arrivée de Neymar se concrétise, ça va être de la folie : il y aura toutes sortes de gadgets à son effigie et cela va être une source de revenu en plus. »
L’effet Neymar
Heureusement pour le PSG, Neymar ne leur rapportera pas uniquement de l’argent sur les ventes de maillots et de goodies. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs du monde, le Brésilien va donc pouvoir rapporter des billets à travers ses performances sportives, comme l’explique Christophe Lepetit : « Avec l’arrivée de Neymar, le PSG peut enfin espérer atteindre les demies, la finale, voire même gagner la Ligue des champions. Un trophée qui permettrait à QSI d’atteindre son but et en plus de récupérer les récompenses financières de l’UEFA. » Soit 80 millions d’euros pour le Real Madrid, après sa victoire en 2016 par exemple. Trois C1 remportées en trois ans et le prix du transfert est donc oublié. En cas de difficulté à être sacré champion d’Europe, le PSG peut toujours se consoler avec les sponsors qui vont frapper à sa porte au lendemain de l’arrivée du Brésilien : « Neymar va attirer d’autres sponsors au Paris Saint-Germain qui mettront plus d’argent que ceux en place actuellement. Pour le PSG, c’est donc le jackpot, car c’est le meilleur moyen pour eux d’augmenter leur chiffre d’affaires » , détaille Jean-Baptiste Guégan.
Une autre source de revenus – et pas des moindres – reste en suspens, celle du droit à l’image. D’après les dernières informations, le père de Neymar, qui aime énormément l’argent, aurait réussi à obtenir du Paris Saint-Germain 100% du droit à l’image de son fils, contre 50% au Barça. Un joli jackpot donc pour la famille Neymar quand on sait que le Brésilien toucherait rien qu’avec Nike 12 millions d’euros par saison. Pour Christophe Lepetit, cela ne fait aucun doute, si Paris laisse l’intégralité du droit à l’image au capitaine de la Seleção, il sera dans l’incapacité de rentabiliser ce transfert : « Il ne faut pas céder sur les droits à l’image. Si le PSG lâche sur les droits du joueur, je ne vois pas comment ce transfert pourrait être un tantinet amorti. » Préférant voir le verre à moitié plein, Jean-Baptiste Guégan insiste, lui, sur l’impact de son arrivée sur le rayonnement du Paris Saint-Germain à travers le monde : « Neymar aujourd’hui dans le football, c’est l’équivalent des plus grands joueurs de NBA, type Stephen Curry ou Kevin Durant. C’est aussi l’un des sportifs avec le plus de followers et la tête d’affiche de Nike, devant Cristiano Ronaldo. De plus, avec Neymar, tu gagnes toute l’Amérique du Sud, une partie de l’Asie et tu peux être en mesure de concurrencer le Real Madrid, Barcelone ou Manchester United en matière de renommée et de puissance financière. »
L’argent ? Pas un problème pour le Qatar
Et puis finalement, en réussissant à contourner le fair-play financier – à travers un versement du Qatar à Neymar pour qu’il paye lui-même sa clause, comme a pu le faire l’Atlético de Madrid avec Vitolo – le Paris Saint-Germain aura réussi son coup. Et ce, qu’importe la somme dépensée et les revenus perçus en retour. Auteur du livre Géopolitique du sport, Jean-Baptiste Guégan déclare même que ce transfert est une affaire d’État pour le Qatar : « Pour le Qatar, le seul moyen de sortir de la crise régionale qui est la sienne, c’est d’aligner l’argent. 100 millions d’euros pour eux, c’est rien du tout. S’ils doivent mettre 500 millions sur la table pour avoir une médiatisation mondiale et un rayonnement planétaire sur une année entière, ils le feront. » Les propriétaires du Paris Saint-Germain ont donc d’autres prérogatives que de savoir si oui ou non ils vont pouvoir rembourser le transfert de Neymar. Depuis qu’ils ont trouvé la parade pour esquiver les sanctions de l’UEFA, Antero Henrique s’amuse à découvrir les montants de la clause libératoire des footballeurs. Messi ? 300 millions ? À l’année prochaine.
Par Steven Oliveira
Tous propos recueillis par SO.