- Coupe des confédérations
- France
- Rétro
2001, odyssée des Bleus
Lors de l'édition 2001 de la Coupe des Confédérations, l'invincible équipe de France du début des années 2000 empoche un trophée supplémentaire avec une drôle d'équipée, à mi-chemin entre les A et les A'. Mais contrairement aux apparences, pour Roger Lemerre, l'heure n'était pas à la préparation au mondial 2002.
Quand Roger Lemerre embarque pour la Corée du Sud en mai 2001, il a des têtes inhabituelles autour de lui. Avec les Bleus, les champions du monde et champions d’Europe en titre, pas de Zinédine Zidane, pas de Barthez, pas de duo Henry-Trezeguet. À un an de la Coupe du monde, la meilleure équipe de football du moment ne se présente pas avec toutes ses meilleures armes pour disputer un tournoi qui, sur le papier, n’excite pas vraiment les médias, ni certains joueurs. C’est somme toute logique. Ce n’est que la Coupe des confédérations qui s’annonce, à un an de la deuxième étoile brodée d’avance par Adidas sur le maillot tricolore. Une broutille.
Testeurs par défaut
Si l’équipe ressemble à un beta-test d’avant 2002, pour voir de près les aspirants Bleus, ce n’est pas tellement l’objectif du sélectionneur. Roger Lemerre agit sous la contrainte, comme se remémore aujourd’hui Nicolas Gillet : « Les joueurs qu’il a pris, si ce n’était pas des habitués, ce n’était pas un choix délibéré de sa part. Certains joueurs étaient bloqués par les clubs à cause des championnats, qui n’étaient pas encore terminés. Et il y a eu des blessures en plus… » Pour le Canari, l’heure n’est alors pas à la Coupe du monde un an plus tard. La joie de la première sélection lui suffit amplement. Pour Laurent Robert, qui agite déjà sa patte gauche pour Newcastle, ce n’est pas tout à fait le même son de cloche. L’espoir de vivre un Mondial l’anime : « Avant cela, j’avais loupé l’Euro… Là, la logique était de faire le Mondial ensuite. » À leurs côtés, Desailly, Karembeu, Vieira ou encore Djorkaeff composent l’héritage de 1998.
Une France qui gagne
Si le groupe n’est pas le meilleur possible à l’époque, et que la motivation n’est pas à son comble non plus, les réticences sont oubliées dès l’arrivée sur le tarmac en Corée du Sud. « J’ai vu des compétiteurs en fait, lance Nicolas Gillet. Ce n’était pas la Coupe du monde ou le championnat d’Europe, c’est sûr. Mais ils voulaient gagner coûte que coûte. Les joueurs ne sont pas toujours très motivés au moment d’y aller, mais une fois dedans, ils ne se posent plus la question, ils sont à fond. » Robert confirme avoir « ressenti cette concentration chez les autres aussi » . La France est à bloc. Le pays hôte en fait les frais et encaisse un sévère 5-0 d’entrée. Gillet n’apparaît sur le terrain qu’au deuxième match, pour une défaite face à l’Australie. Un souvenir logiquement mitigé. « Même si je peux me dire que je ne suis pas passé à côté, c’est un gros point noir quand même d’avoir perdu contre l’Australie. Ça manque de saveur quand il n’y a pas la victoire collective pour aller avec sa première sélection. » Pour autant, l’échec a le mérite de mobiliser tout le monde pour de bon. Roger Lemerre y va de sa colère à la pause contre le Mexique, lors du troisième match. Les Bleus retrouvent leur magie. Éric Carrière plante deux buts au retour des vestiaires. La France veut un titre de plus, et ni le Brésil, ni le Japon en finale ne peuvent l’en empêcher. L’équipe est imbattable. Mieux, les jeunes s’intègrent aisément et sont mis à l’aise par les anciens. Gillet se souvient en particulier de la mi-temps du Mexique, après l’intervention de Lemerre. « Marcel(Desailly, ndlr) s’est tourné vers moi pour avoir mon avis, savoir ce que je pensais de leur performance en défense. Moi je trouvais que tout allait bien, et qu’il me demande à moi… alors qu’il est champion du monde ! »
Avant la France qui perd
Sur le papier, l’opération est donc parfaitement réussie pour Roger Lemerre, qui sait désormais qu’il a quelques remplaçants en cas de pépin. Cependant, rares sont les élus un an plus tard. De 2001, il ne reste personne en dehors de Sagnol pour 2002. Laurent Robert en garde une certaine déception : « J’ai été très surpris de ne pas faire le Mondial, alors que j’étais en forme avec Newcastle. » Roger Lemerre en a préféré d’autres, plus routiniers chez les Bleus. « C’est surtout dommage pour moi. J’avais sûrement ma place. » Le choix est d’autant plus regrettable que la France ne tourne pas rond sur ce Mondial. Le relais avec 2001 n’est pas passé. Pour Laurent Robert, cela ne fait aucun doute, « certains joueurs étaient en fin de cycle et il aurait fallu plus de fraîcheur » , celle qui a permis de gagner l’année précédente, même s’il nuance en admettant que c’est « facile à dire maintenant » . En fait, selon Gillet, l’aventure n’a pas été un bon thermomètre sur tous les plans. « Pour l’intendance, c’était bien de voir les lieux avant. Sportivement en revanche, ce n’est pas tellement une bonne préparation à cause des absents. Le groupe n’allait pas être le même l’année suivante… » Alors Coupe des confédérations, piège à cons ? Si aucune équipe n’a encore réussi à enchaîner le trophée avec une victoire au Mondial, ceux de 2001 ne regrettent pas l’aventure. Gillet toujours : « C’est toujours mieux que jouer des amicaux. Et gagner un titre avec l’équipe de France, c’est énorme. Encore aujourd’hui, je ne me rends pas bien compte. Évidemment, cela va faire marrer ceux qui ont pu avoir une Coupe du monde, ou qui jouent la Ligue des champions régulièrement, mais c’est quelque chose de super important dans ma carrière, c’est un souvenir génial. » Laurent Robert ne dit pas autre chose : « C’est merveilleux ce trophée, c’est le premier que j’ai gagné. C’était magnifique. » Un trophée comme un autre. Et une victoire qui vaut toujours mieux qu’une élimination sans saveur un an plus tard.
Par Côme Tessier
Tous propos recueillis par CT