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Il y a 25 ans, le RC Lens devenait champion de France
Quelques mois avant la victoire de la France en Coupe du monde 1998, le RC Lens, au bout d'une formidable aventure, est parvenu à décrocher le seul titre de champion de France de son histoire. Pour la plus grande fierté de toute une région.
Il est plus d’une heure du matin lorsque l’avion des Lensois se pose à l’aéroport de Lille-Lesquin. Les bras chargés d’un titre de champion de France décroché grâce à un nul contre Auxerre (1-1), les partenaires de Frédéric Déhu pénètrent dans le hall. Qui, malgré l’horaire, affiche salle comble : « Il y avait 5000, 6000 supporters qui nous attendaient et qui nous ont escortés avec leurs voitures jusqu’au stade. Quand vous arrivez la nuit dans Lens et que vous avez l’impression d’être entre midi et 14h tellement il y a de monde dans les rues… Ça marque les esprits. » À l’arrivée à Bollaert, ils sont même plus de 30 000 à accueillir les héros sang et or dans leur enceinte. Pour communier, encore, et rendre hommage à la saison historique des leurs.
Challenger sérieux et gros poissons
À l’époque, le RC Lens revient pourtant de loin. La saison précédant le sacre, le club flirte avec la relégation avant de finalement s’en sortir à la faveur de bons résultats dans la dernière ligne droite. Conscient qu’un changement est nécessaire, Gervais Martel installe sur le banc Daniel Leclercq, jusqu’alors membre de l’encadrement lensois, mais vierge de toute expérience d’entraîneur au plus haut niveau. D’entrée, le style du nouveau maître des lieux détonne : Au début de la saison, le président avait fait un discours en disant qu’une qualification en Coupe de l’UEFA serait très bien. Le coach attend que le président parte, et nous dit : “Voilà un discours auquel je ne peux pas adhérer. Tous les joueurs qui sont ici, je les ai choisis, j’ai confiance en mon groupe. Moi, je veux être champion” », se remémorent Wagneau Eloi et ses cheveux décolorés. « Avec Tony (Vairelles, NDLR), on s’est regardés et s’est dit : “Voilà un illuminé, il commence sa carrière et il s’enflamme ! » Si l’attaquant lensois en rigole aujourd’hui, c’est que les ambitions de Leclerq ne tardent pas à trouver écho dans les performances de l’équipe.
Lens s’affirme comme un challenger sérieux pour les places d’honneur et fait tomber quelques gros poissons, bien aidé par son avant-centre monténégrin, Anton Drobnjak : « Quand on est partis à Marseille, la semaine précédant le match, Courbis (alors entraîneur de l’OM, NDLR) avait dit à un journaliste un truc du genre : “Drobnjak, je ne connais pas. Il a les pieds carrés, ce n’est pas un footballeur.” Le coach a repris l’article dans le vestiaire, et Drobnjak a mis trois buts ! Cela avait galvanisé le groupe », détaille Eloi. D’autant plus qu’au-delà des résultats, Lens développe un jeu chatoyant et porté vers l’attaque. Une révolution pour une équipe réputée défensive auparavant. « Leclercq nous disait : “Moi, je veux gagner des matchs. Et pour gagner des matchs, il faut aller de l’avant, il faut prendre des risques, proposer des courses” », rapporte Mickaël Debève, milieu de terrain de l’armada sang et or, avant que Wagneau Eloi n’ose la référence : « On avait un système très simple, un 4-3-3 avec des joueurs polyvalents. Alors il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable, mais dans notre secteur offensif, on avait des joueurs qui étaient tous très polyvalents, un peu comme ce que propose le Barça aujourd’hui. »
Une benne tirée par un tracteur
En raison de contre-performances contre des écuries moins huppées, les « Blaugrana du Pas-de-Calais » ne pointent néanmoins qu’à la 5e place du classement à la mi-saison. Mais avec cinq points de retard sur le FC Metz, leader, le rêve de Daniel Leclercq est loin d’être inatteignable : « À la moitié du championnat, on est dans le vestiaire avant un entraînement, et il nous demande si on se sent capable d’aller chercher le titre, raconte Mickaël Debève. J’étais le premier à répondre, je dis oui. Derrière, Frédéric Déhu dit oui aussi, et tous les autres joueurs ont suivi. On sentait qu’on avait le potentiel. » Porté par le discours, le RC Lens bénéficie en outre d’une cohésion de groupe dont Déhu n’a rien oublié : « On avait pris pour principe que chaque mois, un joueur devait organiser un dîner pour l’ensemble de l’effectif, femmes et enfants compris. On a même passé le jour de l’an ensemble ! Tous ces moments partagés, ça soude. » Dès lors, les Sang et Or s’affirment comme une machine à gagner. Sur les 12 derniers matchs de la saison, Lens ne perd qu’une fois, l’emporte à dix reprises et termine sa folle chevauchée sur un nul contre Auxerre, suffisant pour conserver son avance sur Metz. Metz, un rival tenace, uniquement battu à la seule différence de but, et dont le terrain aura été le lieu du déclic selon Debève : « La clé du championnat, c’est lorsqu’on va chez eux à la 30e journée. Ils sont devant nous, il faut gagner, et encore une fois, avec cette force, on s’est dit : “On prend la première place, on va être champions.” » Et de fait, Lens gagne 2-0, et passe devant Metz pour la première fois. Pour ne plus jamais quitter le fauteuil de leader.
Sorti vainqueur au milieu de la foule de prétendants au sacre, le RC Lens n’a plus qu’à savourer. Et partager. Soutien indéfectible durant toute la saison, le public lensois est en effet ivre de joie à l’idée de retrouver le champion : « Il y a une scène apocalyptique. C’est le matin, boulevard Basly à Lens. Des supporters traînent, certains dorment par terre, c’est fabuleux ! On ne pourrait plus le voir aujourd’hui, d’avoir des supporters endormis sur les trottoirs à 7h du matin ! », s’émoustille Debève en rouvrant la boîte à souvenirs. La parade dans les rues de la ville du lendemain sera tout aussi folklorique. Calés dans une benne tirée par un tracteur dont Gervais Martel a pris le volant, les joueurs vont fendre la foule, comme s’en souvient encore Déhu : « C’était symbolique. On est dans une région où, économiquement, ce n’est pas facile. Les gens se privent de beaucoup de choses pour assister aux matchs ; et quelque part ; c’était une grande récompense pour eux. Et puis ; c’était à notre image, celle d’un club familial et simple. On n’allait pas défiler dans des cabriolets. » Pas le genre de la maison. À Lens, la star, c’est le club. Surtout lors de cet été magique de 1998.
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Par Paul Piquard et Raphael Gaftarnik / Article paru initialement dans SO FOOT CLUB
Quelques mois avant la victoire de la France en Coupe du monde 1998, le RC Lens, au bout d'une formidable aventure, est parvenu à décrocher le seul titre de champion de France de son histoire. Pour la plus grande fierté de toute une région.