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  • 30 ans de la victoire de l'OM en Ligue des champions (4/5)

OM-Milan 1993 : une finale gagnée à l'italienne

Par Chérif Ghemmour

Depuis Séville 1982, on doute toujours du football français lorsqu’il s’agit de savoir conserver un avantage au score jusqu’au bout. Afin de préserver le 1-0 durement acquis avant la mi-temps, l’OM va pourtant démontrer des qualités inouïes typiquement italiennes de maîtrise collective en seconde période. Jusqu’à la victoire. 

Fussball Champions League Finale Olympique Marseille - AC Mailand 1:0, Jubel Kapitaen Didier DESCHAMPS mit Pokal, 26.05.1993. | usage worldwide
Fussball Champions League Finale Olympique Marseille - AC Mailand 1:0, Jubel Kapitaen Didier DESCHAMPS mit Pokal, 26.05.1993. | usage worldwide Photo by Icon Sport

Alors que les deux équipes regagnent les vestiaires avec avantage aux Marseillais (1-0), la RAI, chaîne de TV italienne, repasse plusieurs fois au ralenti l’action entre Maldini et Pelé qui a conduit au corner victorieux : c’est bien Abedi qui a touché le ballon en dernier… « Le but de Basile ? Il n’y avait pas corner ! Moi et d’autres joueurs marseillais, on l’avait bien vu ! » en rigolait encore Franck Sauzée pour GQ.

Goethals : « Ne reculez pas ! »

Dans le vestiaire olympien, la confiance règne : « On baignait dans une grande sérénité… Pas un mot », se souvient Durand. Deschamps, qui confessera plus tard avoir été « en deçà lors de cette finale pour avoir trop joué ce match dans la tête auparavant », confirme : « À ce moment, dans le vestiaire, on en est convaincus : c’est notre jour. La boutique restera fermée. » Descendu parmi ses gars, Tapie serre Basile dans un coin : « Le coach venait de parler, et le boss vient à moi et me regarde dans les yeux : “Alors ? Tu veux sortir ?” Et moi je suis là, je sais plus quoi dire. » Jean-Jacques Eydelie conclut : « Avant d’y retourner, Goethals nous l’avait rabâché : “Surtout, vous ne reculez pas !” Et on est repartis pour continuer de rester haut et jouer le hors-jeu. » En revenant au direct, la RAI s’attarde à présent sur Jean-Pierre Papin se préparant à une entrée imminente. Une certaine anxiété se lit sur les visages milanais au moment d’engager… Mais ils attaquent fort, forçant d’entrée Barthez à un dégagement aux poings autoritaire sur corner ! L’OM se déjuge alors : son bloc recule de 30 mètres, plantant les barbelés aux abords de la surface et ne laissant plus que Völler et Bokšić en pointe ! À la 49e, sur un repli défensif marseillais de nouveau hasardeux, Rijkaard part seul aux 16 mètres, lancé par une tête milanaise en second ballon : hors-jeu ! Au ralenti TV, le off-side du Néerlandais est inexistant… Sur un centre d’Albertini, son compatriote Van Basten, seul au point de penalty, rate ensuite un contrôle qu’il ne manque pourtant jamais avant d’être contenu par Barthez ! Puis le bloc olympien remonte très haut à chaque récup en investissant à plusieurs le camp adverse au lieu de rester cantonné derrière. Boli prend un jaune à la 53e, à la suite d’un sale tacle par-derrière sur MvB. Du banc, Bernard Casoni apprécie : « Tu sais qu’il ne peut rien t’arriver. Moi, sincèrement, quand tu vois l’engagement qu’on mettait, on sentait l’impuissance des Milanais. »

Puis, l’ex-idole du Vélodrome, Jean-Pierre Papin, entre à la 54e à la place de Donadoni. JPP, Patator, P-A-P-1, Mister papinade, 300 matchs et 182 buts avec l’OM… Il est pourtant conspué aussitôt par la plupart des fans phocéens. Sous l’effet du stress, Capello est bizarrement passé à trois attaquants axiaux. Et il ne lui reste donc plus qu’un seul changement possible, comme le prévoit alors le règlement. « Si JPP joue, ce sera pour Éric Di Meco », avait-il été décidé avant la rencontre, selon Durand. « Et Di Meco survolté est allé balancer direct à Jean-Pierre : “Fais comme si t’étais pas là parce que cette finale, elle nous appartient !”, rapporte Boli. « Jean-Pierre, il m’avait allumé dans les médias et je sais comment lui faire péter les plombs, justifia Éric-la-Cisaille sur RMC Sport. Quand Jipé entre, son visage oscille entre méchant et inquiet, il était blanc. Jean-Pierre, c’était la pierre angulaire du projet OM de Bernard Tapie, le fils spirituel de Bernard… On le craignait, mais on savait comment le faire sortir de son match. »

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JPP et MvB, les maudits…

Et Milan pousse encore, et avec la fatigue, les replis olympiens laissent des espaces. Angloma, blessé, sort se faire soigner hors du terrain. L’OM joue à dix… Un pied haut de JPP sur Barthez rameute tous les défenseurs marseillais furax, prêts à lui tomber dessus ! Durand remplace enfin Angloma à la 60e. Plus que 30 interminables minutes à tenir. Les Olympiens défendent leur avantage avec acharnement, comme le louait sur RMC Sport Éric Di Meco, passé dans l’axe s’occuper de JPP, alors que Durand joue arrière gauche : « Dans cette équipe-là, je me suis senti invincible, parce qu’il y avait un esprit de combattant. À l’intérieur d’un match, on avait tous un duel, et chacun voulait le gagner, pour s’imposer collectivement. On aimait le défi physique, parce qu’on était forts physiquement, mais aussi intelligents tactiquement. » La ligne de front se stabilise encore au milieu, et la guerre des tranchées émaillée de tacles reprend. Rossi en est réduit à balancer loin devant ! Les courageux Bokšić et Völler font encore du pressing au-delà du rond central chez les Milanais. À la 69e, carton beurre pour Barthez qui voulait encore gagner du temps. Les Rossoneri ont bien la possession, mais le bloc OM est remonté comme en première : il défend carrément en avançant, couillu ! Sous une chaleur printanière (29°C), Milan manque d’un peu de tout : de fraîcheur, de technicité, de vitesse, au milieu et devant. Pire : Baresi, rampe de lancement milanaise, s’est éteint ! « Mais c’est parce qu’on avait mis au point un plan anti-Baresi ! triomphait Tapie en 2018 sur RMC Sport. Völler et Bokšić devaient faire des appels de balle systématiques. Ils en avaient effectué, je crois, 18 ou 19 chacun leur tour ! Résultat : le Baresi, il était complètement naze en deuxième mi-temps. Il avait fait 20 sprints, et comme Alen et Rudi en face de lui étaient très rapides… Enfin, on avait chargé Pelé de prendre Maldini pour l’empêcher de monter. » D’où la rareté des fameux déboulés ravageurs du beau Paolo ce soir-là. La saison d’après, Capello injectera du sang neuf et de la technicité avec Desailly, Boban et Savicevic…

Au courage, Bokšić jette ses dernières forces à nouveau à la 72e sur un raid solitaire qui rapporte un corner et des précieuses secondes de répit. Le bloc OM toujours haut piège un à un les Milanais à 30 mètres de son but en complétant sa grosse densité axiale avec des prises à deux sur les côtés. Fabio Capello ne voit toujours pas que Papin et Van Basten ne sont pas complémentaires. Sauf à la 78e où, en prolongement d’une tête de Marco, Jipé exécute une jolie reprise en extension croisée, mais à côté ! Le visage en détresse, JPP semble comprendre que c’est mort. Que son moment est passé : Lisbonne 1990, Bari 1991, Prague 1992. Jean-Pierre Papin incarne le passé malchanceux de l’OM et il ne sera jamais non plus un vrai Rossonero… Völler, laminé, cède sa place à Jean-Christophe Thomas à la 79e. Les supporters marseillais passent en mode mélodique ASSE en poussant des « Al-lez-l’O-M ! Al-lez-l’O-M ! » sur l’air du « Al-lez-les-Verts ! » À la 84e, Fabio Capello remplace trop tardivement Van Basten, blessé, par Eragno, un milieu, afin de rééquilibrer son équipe. On ne le sait pas encore, mais c’était le dernier match du grand Marco, à 28 ans seulement, avant deux années de blessures inguérissables et une retraite en août 1995…

Les premiers pour toujours !

« Je savais que Van Basten avait mal à une cheville, mais sans savoir laquelle exactement. Je suis allé le tacler sévèrement à la cheville, par-derrière, culpabilisait Basile Boli dans GQ. Un tacle très appuyé… C’est un de mes plus gros regrets, car il n’a plus rejoué après. Je me suis dit parfois que tout n’était pas de ma faute, car il était déjà sérieusement diminué durant cette fin de saison. Il avait déjà été opéré et toute l’année, il avait eu du mal à revenir. J’adorais le joueur, pour moi, c’était un buteur fantastique. » La fin du match approche, des travées phocéennes, les huées s’abattent sur l’arbitre : « Mais siffle ! SIIIIIFFLE ! », reprend intérieurement Basile. Là-haut, Bernard Tapie, figé, regarde sa montre. Silvio Berlusconi, pas loin, a le masque lui aussi. Mais il hoche négativement la tête… ET C’EST FINI ! Marseille est champion d’Europe ! Les joueurs marseillais lèvent les bras au ciel et se congratulent, avant d’être submergés par les copains remplaçants qui ont déboulé avec le vieux Raymond, soudain rajeuni de 30 ans ! Silvio, très classe, enlace Bernard, puis l’embrasse en le félicitant très sportivement, tandis que son épouse Dominique fait tournoyer au-dessus de sa tête une écharpe de supporter. Après sa femme, Bernard donne ensuite une chaude accolade à Fournet-Fayard, puis à Platini.

Alors que l’immense panneau électronique de l’Olympiastadion affiche en lettres de feu le logo de la coupe aux grandes oreilles sous-titrée des deux mots magiques OLYMPIQUE MARSEILLE, Di Meco, le minot qui a tout connu à l’OM, fond en larmes… Desailly veut prendre Boli dans ses bras, mais Baze se rue vers le virage marseillais pour lui montrer quatre fois (« Non !… Non !… Non !… Non ! ») qu’il ne pleure plus : « En 1991, après la finale perdue de Bari, j’avais éclaté en larmes. Les Africains avaient mal ressenti ces pleurs. Parce qu’en Afrique, on ne pleure que quand il y a un mort, pas pour un match de foot. » Au micro de Pascal Praud, Basile s’en va ensuite dédier la victoire et son but « à mon petit neveu qui porte mon nom, il est né avant-hier ! » Puis Bernard Tapie, ému aux larmes, livre en direct la clé du match : « Comme disait Michel Platini, ce serait pour celui qui le voudrait le plus. Et là, c’était nous qui le voulions le plus. » Didier Deschamps va aller faire son taf de souleveur de trophées : « J’étais le premier à lever cette Coupe. Et comme me l’avait recommandé Michel Platini, j’ai pris le temps, à chaque pas… » À jamais les premiers : c’est sans doute au moment où DD a brandi le trophée argenté qu’est née cette glorieuse apostrophe phocéenne devenue aussi célèbre que sa devise Droit au but. Alors que We are the champions de Queen aux paroles si justes (« But it’s been no bed of roses / No pleasure cruise », « Ce ne fut pas un lit de roses / Ni une croisière de plaisirs ») accompagne le tour d’honneur du Commando fada, une nuit de folie embrase Marseille, le Vieux-Port et bien au-delà…

Lire la partie 1 : Le rêve Bernard Tapie

Lire la partie 2 : L’affrontement tactique entre Capello et Goethals

Lire la partie 3 : Barthez et Boli, les héros de la première mi-temps

Lire la partie 5 : L’héritage de l’OM 93

Dans cet article :
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