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  • 30 ans de la victoire de l'OM en Ligue des champions (2/5)

OM-Milan 1993 : la bataille entre Fabio Capello et Raymond Goethals

Chérif Ghemmour
8 minutes

Deuxième volet de notre saga en cinq épisodes sur la victoire en C1 de l'OM en 93 : Dès qu’il s’agit de jouer les Italiens, on sort l’échiquier. La finale OM-Milan n’échappe pas à cette règle. Face à Fabio Capello, adepte global d’un 4-4-2 hérité d’Arrigo Sacchi, Raymond Goethals a opté pour un 5-2-3 capable de subir… mais aussi de piquer ! 

OM-Milan 1993 : la bataille entre Fabio Capello et Raymond Goethals

Le mercredi de la finale, le 26 mai au matin, les Olympiens se sont levés le plus tard possible. Le petit-déj’ est pris en commun à 10h30 avant une courte balade bucolique. On a intériorisé les infos de la veille en provenance du camp milanais… Les Rossoneri sont arrivés à Munich mardi en fin de matinée, escortés par des interrogations sur le cas Papin : jouera ou jouera pas ?

JPP, menace fantôme…

« C’était la plus grosse crainte de Bernard Tapie, avait révélé le milieu Jean-Philippe Durand sur RMC Sport. Il redoutait que Jean-Pierre joue et qu’il nous marque un but. » À l’aéroport, JPP avait déclaré aux journalistes français, la mine contrariée : « On est six attaquants étrangers qui pouvons jouer dans tous les meilleurs clubs du monde, mais pour trois places seulement, c’est ça le problème. » Jusqu’à l’Arrêt Bosman acté en 1996, les clubs européens ne peuvent aligner que trois étrangers en match. Fabio Capello, coach de l’AC Milan, leur avait aussi répondu ensuite dans un français plus que correct : « Jean-Pierre est important pour nous. Il connaît la mentalité et le jeu de l’équipe de Marseille. Il y a possibilité qu’il joue demain. Je déciderai. » À midi, Jipé avait appelé d’un antique téléphone cellulaire sa femme Florence, soulagé : il sera remplaçant ! Il craignait d’être en tribune… Marcel Desailly devra marquer l’immense buteur Marco van Basten. Il ne pense qu’à ça, comme il l’a confié la veille également, prêt au combat : « Ça peut faire peur, mais on est pro. C’est un challenge pour moi de marquer un des meilleurs joueurs du monde. » Après le déjeuner au soleil à 13h, les Phocéens remontent dans les chambres pour la sieste. Comme d’hab, Fabien Barthez n’a pas sommeil, alors il regarde Roland-Garros à la télé… À 16h30, collation et dernier briefing de Raymond Goethals. Puis c’est le départ au stade olympique à 17h.

Le car reste absolument silencieux jusqu’à l’arrivée au stade, deux heures avant le coup d’envoi. Le protocole a désigné l’OM comme l’équipe qui reçoit, alors Marseille occupe le vestiaire du Bayern et jouera sous ses couleurs, un magnifique kit complet blanc aux trois bandes Adidas bleu ciel, de l’épaule au bas du short. TF1 a vu très grand en lançant sa super soirée football avec le 20h de Patrick Poivre d’’Arvor en direct de l’Olympiastadion de Munich déjà comble. PPDA questionne Guy Roux pour un pronostic, mais le coach ajaïste préfère s’abstenir, sachant trop bien que, malgré le statut de favori du Milan, les deux équipes sont quasiment d’égale valeur. Les compos tombent ! Pour l’OM, Barthez dans les buts. À 22 ans à peine, Fabien de Lavelanet, à la chevelure épaisse, s’est imposé comme titulaire en palliant l’absence de Pascal Olmeta, victime d’une fracture du péroné un peu plus tôt dans la saison. C’est Tapie qui a tranché : « C’était trop compliqué pour moi, j’avais deux très bons gardiens. L’expérience d’un côté, et de l’autre, un talent incroyable. Un mois avant, des copains de Pascal m’avaient abordé (imitant un léger accent corse) : “Olmeta est notre ami. Ce serait normal lui qui joue.” Et moi, j’ai mis le petit. »

Raymond Goethals – 26.05.1993 – Marseille / AC Milan – Finale de la Ligue des champions 1993
Raymond Goethals – 26.05.1993 – Marseille / AC Milan – Finale de la Ligue des champions 1993

Goethals-Tapie-Ivic, ménage à trois…

Par contre, Boli est titulaire, ainsi qu’il l’avait raconté pour GQ : « Je ne voulais pas jouer le match contre Valenciennes à cause de mon genou douloureux. (Basile a subi une ponction trois jours avant la finale, NDLR.) Or, Tapie avait exigé que je sois là ! Il avait imposé que ceux qui joueraient contre Valenciennes joueraient aussi la finale de Munich. Et c’est Goethals qui a fait passer le message en me disant : “Non, on ne peut pas se passer de toi. Tout ce qu’il raconte, Tapie, c’est des bobards, hein !” En agissant ainsi, Goethals me remet en confiance : ça, c’est des moments personnels avec un entraîneur qui sont très importants. Tous les joueurs vous le diront» Basile va donc jouer la finale littéralement sur une jambe ! Face à l’impressionnante armada rossonera disposée en 4-4-2 sacchiste et conquérant, Raymond-la-Science oppose un 5-2-3 bien adapté au choc, avec sa défense axiale à trois Desailly-Boli-Angloma (« Ma garde noire. Im-pas-sable ! », selon les dires d’une autre époque de Goethals, tout fiérot) et ses deux latéraux, Di Meco à gauche et Eydelie à droite. Dans le cœur du jeu, une paire Deschamps-Sauzée qui blinde l’axe avec devant eux un trident offensif menaçant Völler-Bokšić-Pelé. Alen Bokšić et Rudi Völler, c’est quand même près de 50 buts à eux deux cette saison ! Durand confirmera ce que l’on savait déjà : « Goethals et Bernard Tapie : ils faisaient les équipes à deux. » « Et c’est pour ça que ça a marché ! », renchérit Di Meco sur RMC Sport. Pour ce match, Nanard avait été en fait bien rencardé par son ex-coach Tomislav Ivic qu’il avait missionné pour espionner l’AC Milan dans le dos de Goethals, rétif à se faire conseiller par son collègue croate… « Goethals avait son équipe type, toujours la même : en 1991, il n’y avait pas touché. À Bari, on était donc carbo, et les remplaçants, ils n’étaient pas dans le jus ! En 1993, Raymond avait un peu changé », précise Di Meco.

En face, la team de Capello impressionne : Rossi dans les buts, un back four Tassotti, Costacurta, Baresi (capitaine), Maldini de droite à gauche. Un milieu Donadoni, Albertini, Rijkaard, Lentini et devant, à côté de Van Basten, une petite surprise avec la titularisation du décrié Massaro (10 buts TCC seulement cette saison), préféré à JPP… La carte de visite du club lombard décline six finales de C1 pour cinq succès, dont les deux récents en 1989 et 1990. L’OM, elle, est l’héritière d’une tradition de lose bien franchouille en finales européennes : Reims 1956 et 1960, ASSE 1976, Bastia 1978, Marseille 1991 et AS Monaco 1992… Pour l’édition de C1 présente, les Rossoneri ont gagné leurs dix matchs et n’ont pris qu’un seul but. « On les redoutait sans les redouter parce qu’on les avait sortis, rappelait Di Meco, en souvenir du quart de C1 victorieux de 1991 (1-1 et 3-0 sur tapis vert)… Le Messi de l’époque, c’était Marco van Basten, mais il était diminué. On savait qu’il avait des pépins à la cheville. Les Milanais étaient aussi très fatigués par une énorme saison. » Outre Van Basten pas à 100%, Maldini se ressent encore d’une blessure à l’épaule…

L’oreillette de Nanard…

Dans le tunnel qui mène à la pelouse, les Marseillais bravaches soutiennent le regard de leurs adversaires, « mais intérieurement, on était vraiment impressionnés par leur taille et leurs carrures mastoc », en rigolait Deschamps en 2014. Un petit encouragement prémonitoire lui a été heureusement prodigué quelques instants auparavant : « Avant la finale, Platini qui était là m’a dit : “Didier, prends ton temps en montant les marches avant de soulever le trophée, savoure. Tu ne sais pas si tu auras l’occasion de les remonter à nouveau.” » Silvio Berlusconi, qui accompagne ses joueurs dans le tunnel, est blême de rage : il vient d’avoir une altercation orageuse avec Gullit, furax de ne même pas figurer sur la feuille de match et d’avoir appris que c’est JPP qui est remplaçant à sa place… Avant que les 22 acteurs ne pénètrent sur le terrain, Bernard et Silvio se sont donné l’accolade sur la pelouse pour la photo avant de monter en tribune VIP où siègent déjà Juan Antonio Samaranch, président du CIO, João Havelange, président de la FIFA, et Lennart Johansson, président de l’UEFA.

La délégation française composée de Michel Platini, Noël le Graët (LNF) et Jean Fournet-Fayard (FFF) entoure Bernard Tapie, regard fermé, talkie-walkie à la main, en train de réajuster son oreillette. Le boss codirigera l’Ohème avec Raymond-la-Science, mais du haut des gradins d’honneur. À quelques mètres, son épouse Dominique, splendide dans sa robe bleu ciel, le soutient du regard… Les équipes se présentent enfin au jour déclinant sous les clameurs des 65 000 spectateurs, dont 23 000 supporters de l’OM, répartis en deux virages. Celui de Milan expose un immense tifo aux bandes rouges et blanches plastifiées formant le mot « MILAN » en rouge. Côté marseillais, plusieurs milliers de pompons blancs aux frous-frous de cigales et des voiles forment le mot « VAINCRE ». Le coup d’envoi va être donné à 20h15 par l’arbitre suisse Kurt Röthlisberger. Le trophée paré des rubans des deux équipes capte l’attention et la convoitise de 16,5 millions de téléspectateurs français. Abedi Pelé a juste eu le temps de glisser à Boli : « Écoute, Baze. D’habitude, je centre toujours mes corners au deuxième poteau. Mais, là, p… ! Ils sont trop grands, les Milanais. Alors, cette fois-ci, je vais frapper mes corners plus courts. Essaye d’aller couper au premier poteau. » Baze l’a vaguement écouté, plus soucieux de tenir sa place avec un genou endolori que d’aller placer une tête sur corner…

Lire la partie 1 : Le rêve Bernard Tapie

Lire la partie 3 : Barthez et Boli, les héros de la première mi-temps

Lire la partie 4 : Une finale gagnée à l’italienne

Lire la partie 5 : L’héritage de l’OM 93

 

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