- Légende
1993, la première épopée capitale du PSG
Début des années 1990, Canal Plus s’offre le Paris SG. Et dès la saison 1992-1993, le PSG se paie une première campagne européenne et un premier match de légende contre le Real Madrid.
Article paru dans le numéro 70 de SO FOOT CLUB
Action folle, match fou. Le défenseur brésilien Ricardo allonge, Daniel Bravo remet pour Valdo qui trouve instantanément George Weah. Le Libérien contrôle, se lève le ballon et remise en cloche de l’extérieur à Bravo, au duel aérien à l’entrée de la surface. Le consultant beIn Sports remet de la tête, David Ginola envoie une demi-volée limpide sous la barre, pour l’un des plus beaux buts de l’histoire du PSG. Nous sommes le 18 mars 1993 au Parc des Princes. Le PSG retourne le Real Madrid 2-0 et se dirige vers les demi-finales de la Coupe de l’UEFA. À ce moment-là, déjà dingue, personne ne sait que le match a encore trois buts et deux rebondissements à offrir. Retour en arrière, pour prendre l’épopée à la source. Septembre 1992, le PSG « version Canal » lance sa première campagne européenne face au PAOK Salonique. Le club grec, entraîné par Ljubomir Petrović, vainqueur de la Coupe d’Europe avec l’Étoile rouge de Belgrade en mai 1991, a tout du piège. Ce sera une formalité : deux buts à l’aller au Parc, deux au retour à Salonique, match interrompu à la pause à cause des supporters grecs en colère.
Voir San Paolo et vivre
Les choses sérieuses commencent en seizièmes contre Naples. Entraînés par Claudio Ranieri, emmenés par Gianfranco Zola, les Italiens ont tapé le Valence CF au tour précédent. Le PSG pose les bases de son épopée à San Paolo : au quart d’heure de jeu, Weah reprend du plat du pied droit un coup franc excentré de Valdo, 1-0. Dans les cages, Bernard Lama permet aux siens de tenir le 2-0, car Weah plante un second pion d’une tête piquée sur corner. Patrick Colleter, arrière gauche, se souvient d’une équipe « qui aime les affiches de coupe, sur le fil ». Et de joueurs qui ne se « posent pas de questions inutiles ». Au retour, Paris obtient un 0-0 costaud face à des Napolitains revanchards.
Au tour suivant, en huitièmes, Paris frôle la chute face à une solide équipe d’Anderlecht. À l’aller, tous les ingrédients du mauvais scénario : pas de but, et David Ginola exclu pour un double avertissement. Il faut serrer les dents et faire un peu de vice –Valdo s’écroule sur un tacle de Philippe Albert pour obtenir un rouge sur l’international belge– pour limiter les dégâts. Score nul et vierge, la qualification se jouera à Bruxelles, dans le brouillard et l’incertitude. Sur Canal Plus, le consultant vedette Michel Platini admet « ne pas savoir qui va gagner ». Sur un contre, Peter van Vossen envoie le cuir sur la tête de Johnny Bosman, 1-0. Il reste 40 minutes à Paris pour réagir. Lama évite le KO pendant que Platini entrevoit l’espoir sur coup de pied arrêté, « car les Parisiens ont montré qu’ils étaient meilleurs dans le domaine aérien ». Prémonitoire. À un quart d’heure de la fin, sur un corner de Valdo, Antoine Kombouaré détourne le ballon de l’arrière du crâne et égalise. Merci le but à l’extérieur…
Kombouaré Casque d’or
« On entre dans les foyers quand on donne une émotion et qu’on renverse une situation incroyable », expliquait vingt ans après les faits Michel Denisot, président du PSG en 1993. « Le PSG l’a fait au moins une fois avec PSG-Real. Ce match-là, tous les amateurs de foot s’en souviennent. » Une rencontre qui cristallise tout le sel des joutes européennes à l’ancienne : un score à renverser, puisque le PSG a perdu 3-1 à l’aller, une équipe parisienne attractive et un stade persuadé que l’exploit est possible. « Aujourd’hui encore, on me reparle de ce match, les dernières minutes sont irrationnelles », explique Patrick Colleter. Commentateur avec Thierry Gilardi ce soir-là, Charles Biétry admet que « c’est le seul match dans ma vie que j’ai commenté en me sentant supporter ».
Le déroulé est incroyable : une tête sur la barre de Ricardo, un but de Weah. À la pause, Paris a fait la moitié du chemin, et à dix minutes de la fin, il y a le chef-d’œuvre collectif conclu par Ginola. Pris par le match, Colleter ne se rend « même pas compte de ce qui vient d’arriver, de la beauté de l’action ». Surtout que sept minutes plus tard, Valdo semble donner un avantage définitif à Paris, avec une feinte de frappe restée dans les mémoires. « Il n’y a pas de frappe, et tout le monde est par terre », se souvient Denisot. Pourtant, le climax n’est pas encore atteint : après quatre minutes de temps additionnel, le Chilien Iván Zamorano marque le but du 3-1 à bout portant. La prolongation pend au nez des Parisiens, mais une centaine de secondes plus tard, Ginola s’arrache pour obtenir un dernier coup franc. Platini annonce la couleur, « quatrième but du PSG », Biétry nomme même le buteur, « Kombouaré, on en avait parlé dans la semaine ». Le sauveur du huitième contre Anderlecht remet le couvert d’une tête décroisée. Le défenseur vit son moment de gloire : « C’est ma Coupe du monde à moi. »
Roberto Baggio, beau et cruel
La belle histoire parisienne se termine abruptement en demi-finales, la faute au réalisme de la Juventus, futur vainqueur de l’épreuve, et de son maître à jouer Roberto Baggio qui plante trois buts au PSG sur les deux confrontations. « On ne peut pas dire qu’il ait manqué quoi que ce soit face à la Juventus, c’est juste qu’en face, il y avait du talent, notamment celui de Roberto Baggio », rembobine Biétry. Mais Paris apprendra et, surtout, enchaînera : quatre autres demi- finales européennes, dont une victoire en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes 1996. Une équipe « très différente du PSG de 2021 », estime Biétry, « avec des hommes pas seulement polarisés sur le football ». Et Colleter de conclure : « On avait peut-être ce qui manque au PSG d’aujourd’hui. Ils vont l’acquérir, tôt ou tard. »
Par Nicolas Jucha
Propos de Charles Biétry et Patrick Colleter recueillis par Nicolas Jucha. Propos de Michel Denisot et Antoine Kombouaré tirés d’un sujet de Canal Plus