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1991 : La finale des cartels

Par Marcelo Assaf, avec TG
4 minutes
1991 : La finale des cartels

Le 15 décembre 1991, le match décisif pour le championnat de Colombie oppose deux équipes tenues par deux des plus puissants cartels au monde. Retour sur le contexte sulfureux de ce match entre Atlético Nacional et América Cali.

D’un côté, il y avait Faustino Asprilla et Andrés Escobar. De l’autre, Freddy Rincón et son acolyte, Anthony « le schtroumpf » Avila, attaquant d’1,57m. En 1991, le match qui allait donner le verdict du championnat colombien opposait l’América Cali à l’Atlético Nacional. Un choc, puisqu’il opposait el Verdolaga, vainqueur de la Copa Libertadores 1989, aux Diables rouges, abonnés à la finale de la Ligue des champions américaines (1985, 1986, 1987), même s’ils ne l’ont jamais remportée. Autrement dit, deux des meilleures équipes d’Amérique du Sud. À la jonction entre années 80 et 90, le football colombien vivait son âge d’or, mais aussi un âge trouble, sulfureux et dangereux. La finale 1991 opposait ainsi également l’équipe des frères Orejuela Rodríguez, les capos du cartel de Cali, à celle de Pablo Escobar, le charismatique leader du cartel de Medellin. La production et vente de cocaïne aux États-Unis finançait ces clubs. Les capos n’avaient toutefois rien de mécènes désintéressés, puisqu’il s’agissait aussi de blanchir de l’argent et de s’acheter un certain statut social, comme dirigeants officieux de grands clubs.

100% Colombie

Ces relations dangereuses entre football et narcos ont directement touché l’Atlético Nacional et l’América Cali. En 1991, après menaces et intimidations reçues par des arbitres, les stades colombiens avaient ainsi été suspendus de compétitions internationales. Atlético Nacional et América Cali, qui s’étaient curieusement retrouvés dans le même groupe en Copa Libertadores, avaient donc été contraints de jouer leurs face-à-face à San Cristobal, au Mexique, et à Miami. En exil… La sanction à l’encontre des représentants colombiens visait à éviter qu’un nouveau drame se produise, après l’assassinat, en 1989, de l’arbitre Alvaro Ortega. Son tort : avoir refusé un but à l’Atlético Nacional face à… l’América Cali. Des versions attribuaient le crime à des parieurs, mais selon John Jairo Velásquez Vásquez, alias « Popeye » , ex-lieutenant de Pablo Escobar, c’est bien son patron qui avait commandité l’exécution… Après ce crime, le championnat sera suspendu, mais le show finira par reprendre…

Asprilla, Valderrama ou Higuita s’irritent souvent quand on les interroge sur les liaisons dangereuses entre football et narcos, car leur talent ne devait finalement rien aux capos et qu’ils n’avaient pas de prises sur les circonstances de leur temps. Héros de la Copa Libertadores 1989, où il avait inscrit un coup franc en finale, René Higuita n’est ainsi plus là en 1991 pour défendre El Verdolaga, car le Real Valladolid l’a voulu. Quant à Asprilla, alors âgé de 22 ans, ses prestations avec l’Atlético Nacional et en sélection seront si remarquées qu’il terminera par flamber sur les terrains de Serie A. Témoin de cette nouvelle richesse du vivier cafetero, en 1991, l’Atlético Nacional présente ainsi un onze totalement colombien, loin de ses concurrents qui achetaient dans toute l’Amérique du Sud à grands coups de narco-dollars. L’América Cali, qui n’avait pas remporté un titre avant l’ère des frères Orejuela Rodríguez, a ainsi pu compter jusqu’à 150 joueurs sous contrat ! Reste que malgré la différence de culture entre El Verdolaga et les Diables rouges, certains joueurs de l’Atlético Nacional avaient profité de l’argent du narco dès leurs plus jeunes années. Mauricio « El Chicho » Serna, milieu de terrain qui donnera ses meilleures années à Boca Juniors, avait ainsi passé son enfance à s’entraîner sur les terrains de Medellin, construits ou modernisés par El Patrón.

Une rencontre sans heurt et sans reproche

Lors de ce cinquième match du tournoi quadrangulaire qui concluait le championnat colombien, l’Atlético Nacional, entraîné par Hernan « El Bolillo » Gómez, qui était aussi l’adjoint de Pacho Maturana en sélection, avait donc l’opportunité de devenir la première équipre 100% colombienne à remporter son championnat. 
Une occasion qu’El Verdolaga ne manquera pas. Malgré les craintes qui escortaient cet affrontement entre deux vitrines des deux cartels les plus puissants au monde, le match se déroulera finalement sans incident notoire. Surpris par « le schtroumph » Avila, l’Atlético Nacional égalisera sur un penalty indiscutable, sifflé par un arbitre difficilement serein dans un contexte où une erreur pouvait coûter la vie. Le club de Medellin prendra ensuite l’avantage en deuxième mi-temps (2-1). Un résultat qui lui donnait le titre, le cinquième de son histoire. Le premier pour Andrés Escobar, défenseur central d’exception âgé de 24 ans. L’autre Escobar finira sa vie un an après celle d’El Patrón, pour avoir inscrit un CSC en Coupe du monde. Tels étaient les risques à évoluer, à l’époque, dans un football colombien aux relations trop dangereuses.

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Par Marcelo Assaf, avec TG

Sources : El Tiempo, ABC

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