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1982, la dernière grande Pologne
Pour la première fois depuis 1982, la Pologne a l’occasion de se hisser en demi-finale d’une grande compétition internationale. Retour sur l’aventure espagnole de la bande à Zbigniew Boniek.
C’est l’histoire des Boniek, Lato, Lubański, Młynarczyk… Une génération dorée qui compose à elle seule l’histoire de son pays en matière de football. Championne olympique en 72 à Munich, troisième du Mondial allemand 74, finaliste olympique en 76 à Montréal, qualifiée au second tour du Mondial argentin en 78… En 1982, l’équipe nationale de Pologne débarque en Espagne pour achever une décennie épatante. Un âge d’or planté au milieu d’une longue traversée du désert : ni avant, ni après – au moins jusqu’en 2016 –, la Pologne n’a retrouvé pareille fortune en compétition internationale. Flash-back.
Interdiction de quitter le pays avant 30 piges
Moustache épaisse et coupe au bol, impossible de se tromper d’époque lorsque l’on se plonge dans l’album photo d’Andrzej Szarmach. À l’été 82, l’avant-centre de l’AJ Auxerre fait partie des quatre rescapés de l’épopée allemande, huit ans plus tard. Une équipe « dans la continuité des précédents tournois. À l’époque, la plupart des joueurs évoluaient dans les meilleurs clubs polonais » , situe Szarmach, l’un des meilleurs buteurs de son temps. Legia Varsovie, Widzew Łódź et Wisła Cracovie composent la moitié de la sélection. Seulement deux joueurs évoluent déjà à l’étranger. La raison ? Le régime communiste interdit aux Polonais de quitter le pays avant leur trente ans.
Trente ans, c’est exactement l’âge qu’aura attendu Szarmach pour rallier la Bourgogne en 1980, en provenance du Stal Mielec, tandis que l’autre expatrié, Grzegorz Lato, a rejoint la même année le KSC Lokeren, en Belgique. Pourtant, dès le Mondial 74, « toute l’équipe a eu des propositions à l’étranger, note Szarmach. C’était la décision du gouvernement de nous garder en Pologne. On a essayé de changer les choses après la Coupe du monde argentine, mais ça n’a pas abouti. Seul Robert Gadocha a obtenu l’autorisation de partir à 29 ans(au FC Nantes, en 1975, ndlr). C’était une exception. »
Et puis il y a Zbigniew Boniek. L’étoile montante du football polonais débarque au Mondial espagnol avec un nouveau contrat sous le coude dans la Botte, à l’âge de 26 ans. « Il savait déjà qu’il allait évoluer à la Juve la saison suivante, ça l’a complètement libéré » , explique son partenaire d’attaque. Révélé en Argentine en 78, Boniek l’ailier virevoltant se fait un malin plaisir d’enrhumer les défenses adverses. Le futur Juventino se révèle comme l’un des meilleurs joueurs du tournoi. Son chef-d’œuvre : planter un modèle de triplé – reprise de volée, tête placée, dribble du gardien – à la Belgique (3-0).
Une équipe moyenne et des parties de pêche
Mais Andrzej Szarmach l’assure : « Il n’y avait pas de vedette. On était un groupe homogène. » Celui qui évoluera plus tard à l’En Avant Guingamp avant de finir sa carrière à Clermont, parle même d’une équipe « moyenne » , loin des favoris italiens ou brésiliens. D’entrée, l’Italie de Paolo Rossi se trouve justement sur la route de la Pologne. Dominée par les Azzurri, la Pologne tient le choc (0-0). Un match nul face au Cameroun et une raclée contre le Pérou plus tard (5-1), les hommes d’Antoni Piechniczek se retrouvent au deuxième tour. Vient le fameux match contre la Belgique et un nouveau score nul et vierge contre l’URSS pour assurer la qualification dans le dernier carré.
« On était un vrai groupe, il n’y avait pas de place pour l’individualisme » , soutient Szarmach, qui a atterri à Auxerre grâce au culot de Guy Roux. Lors du deuxième tour, la sélection a pris ses quartiers à Barcelone. L’attaquant titulaire à six reprises durant la compétition se souvient des « après-midi à la piscine. Golf, ping-pong, chacun avait ses activités. Moi, j’allais à la pêche avec Lato » . Un duo de pêcheurs qui chiffre 17 réalisations au total en Coupe du monde (7 pour Szarmach, 10 pour Lato). Mais ni l’un ni l’autre ne trompera la vigilance italienne en demi-finales. 2-0 pour les futurs champions du monde, Rossi cale un doublé. Ce 8 juillet 1982, la Pologne finira la soirée à l’hôtel devant un certain France-RFA.
Après la tragédie de Séville, Michel Hidalgo fait jouer les remplaçants lors du match pour la 3e place. Servi par Boniek, Szarmach répond à René Girard d’un tir puissant en angle fermé, avant que Majewski ne donne l’avantage à la Pologne juste avant la mi-temps. C’en est trop pour les Bleus qui s’inclinent finalement 3-2. Huit ans après, les Polonais raflent une nouvelle troisième place en Coupe du monde. « C’est vrai qu’il y avait du monde pour nous accueillir à l’aéroport. Pendant trois jours, on a fait le tour des médias » , se remémore Szarmach. L’homme qui vit désormais en Charente, après avoir entraîné notamment la Berrichonne de Châteauroux, ne souhaite qu’une chose : que la Pologne de 2016 goûte à son tour au dernier carré. Le paradoxe, c’est que la génération dorée des années 70 et 80 n’est jamais parvenue à atteindre la phase finale d’un Euro.
Par Florian Lefèvre
Propos de Andrzej Szarmach recueillis par FL