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1961 : Kiev, le Dégel et l’Ukraine qui s’éveille

Par Adrien Candau
1961 : Kiev, le Dégel et l’Ukraine qui s’éveille

Invariablement remportée par des formations moscovites depuis sa création en 1936, la Vyschaïa Liga – le championnat d'URSS – entre dans une nouvelle ère en 1961 : cette année, le tsar du football soviétique trône à Kiev, alors que la période de dégel tolérée par le grand frère russe permet à l'identité et à la culture ukrainiennes de s'afficher un peu plus au grand jour.

Il existe peu d’archives de ces héros-là. D’abord des chiffres, et surtout un classement. On peut y lire : 1er, Dynamo Kiev. 2e, Torpedo Moscou. 3e, Spartak Moscou. 4e, CSKA Moscou. 5e, Lokomotiv Moscou. Moscou partout, sauf au sommet. Pour la première fois depuis la création du championnat d’URSS en 1936, un club non moscovite a remporté le gros lot. Pour l’éternité, l’année 1961 est celle du Dynamo Kiev, dans le sillage d’une Ukraine qui retrouve depuis quelques années de maigres élans de liberté.

Dynamite Kiev

Paradoxalement, tout aurait débuté en 1959 avec un Russe. Le Dynamo s’offre alors les services de l’entraîneur moscovite Vyacheslav Solovyov. Cet ancien joueur du CSKA Moscou convainc vite son monde, notamment grâce à des techniques de préparation physique qui s’avèrent en avance sur leur temps. Les joueurs, en revanche, sont bien ukrainiens, alors que le club s’appuie sur une génération dorée de talents locaux. Parmi eux, les milieux József Szabó et Viktor Serebryanikov, qui deviendront des piliers de la sélection soviétique dans les années 1960. Mais ce sont surtout deux noms qui marqueront à jamais les mémoires. D’abord celui du cérébral ailier Valeri Lobanovski. Formidable sur son côté gauche, le bonhomme connaîtra une destinée de coach encore plus glorieuse, en faisant notamment du Dynamo Kiev l’une des toutes meilleures équipes d’Europe dans les années 1970. Puis il y a l’attaquant Viktor Kanevskyi, qui reste encore à ce jour le huitième meilleur buteur de l’histoire des Blanc et Bleu. Il plantera notamment 18 buts lors de la phase finale du championnat, cette saison-là.

À l’époque, le Dynamo Kiev n’avance déjà plus masqué : second du championnat d’URSS en 1960, il est identifié comme une menace montante par les géants russes de la ligue soviétique. La compétition se divise alors en deux phases bien distinctes. Dans un premier temps, les formations sont réparties en deux poules, les cinq premiers de chaque groupe étant ensuite sélectionnés pour un second championnat, disputé entre les dix meilleures écuries du pays. Le Dynamo finit second du groupe B, en étant seulement dominé à la différence de buts par le CSKA Moscou, et en devançant le Spartak Moscou. La seconde ligue est évidemment encore plus relevée : le Dynamo y retrouve notamment le champion en titre, le Torpedo Moscou. Insuffisant pour freiner la course folle des Ukrainiens : 18 victoires, 9 matchs nuls et seulement 3 défaites plus tard, Kiev devance de 4 unités le Torpedo et domine pour la toute première fois la Vyschaïa Liga.

La grande Ukraine

Historique, un peu comme ce qui se trame discrètement en Ukraine depuis quelques années. Alors que Joseph Staline a rendu l’âme en 1953, l’URSS se réchauffe. Nikita Khrouchtchev est arrivé aux manettes du mastodonte soviétique et a approuvé ce qu’on nommera le dégel, à savoir un assouplissement du contrôle du parti communiste sur la publication et la diffusion des contenus culturels, linguistiques et intellectuels. Depuis 1957, certains films sont ainsi autorisés à être projeté dans les cinémas en langue ukrainienne, plus seulement russe. L’idiome ukrainien a aussi repris ses droits à l’université, alors que les écrits d’un certain nombre d’auteurs du cru, un temps marginalisés pour « déviation nationaliste », sont réhabilités. En 1956, Moscou tolère notamment la publication du roman L’Homme ne vit pas seulement de pain de Vladimir Doudintsev, une œuvre frontalement politique et critique de la bureaucratie soviétique.

Coïncidence ou non, le football ukrainien se sera donc lui aussi émancipé de l’étouffante domination du grand frère russe pendant ces années de légère libéralisation culturelle. Si le dégel prend fin à la suite de la destitution de Khrouchtchev par ses rivaux politiques en octobre 1964, le football ukrainien, lui, ne descendra plus de son piédestal. Le Dynamo Kiev sera ainsi la première formation du bloc de l’Est à remporter une Coupe d’Europe (la C2) en 1975, mais aussi celle qui aura à jamais remporté le plus de championnats soviétiques (à 13 reprises) à la suite de l’effondrement de la république socialiste, en 1991. Mieux encore : 13 des 20 joueurs qui ont emmené l’URSS en finale de l’Euro 1988 – une sélection chapeautée par Valeri Lobanovski – étaient ukrainiens. Moralité ? Si Vladimir Poutine s’évertue contre toute logique à nier l’existence de l’Ukraine, il aura peut-être encore plus de mal à démentir sa grandeur footballistique. Une grandeur que même Moscou et ses clubs n’auront pas su lui contester.

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Par Adrien Candau

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