- International – Le jour où – 10 juillet 1960
1960, les Soviets premiers maîtres de l’Europe
Il y a 55 ans au Parc des Princes, l'URSS de Lev Yachine remportait le premier Euro de l'histoire en dominant en finale les cousins yougoslaves. La première compétition continentale des nations de l'histoire était alors en modèle réduit : quatre sélections seulement pour le tournoi final, avec des Français diminués par les absences de Kopa et de Fontaine, qui n'ont pas pu défendre leurs chances à domicile comme ils l'auraient souhaité…
La première Copa América de l’histoire ? 1916. Le premier Euro ? 1960. Le Vieux Continent a mis beaucoup de temps à s’organiser pour mettre en place une compétition continentale des nations. Dès 1927 pourtant, un Français visionnaire, Henri Delaunay, avait émis l’idée d’organiser un tel événement, mais les différentes fédérations nationales d’Europe étaient alors désorganisées et l’idée soumise par le premier président de la FFF de l’histoire n’avait pas abouti. Pas grave, un an plus tard, son ami Jules Rimet et lui créeront la Coupe du monde, dont la première édition aura lieu en Uruguay en 1930. Pour ce qui est de l’Euro, la mise en sommeil du projet durera plusieurs décennies, la faute toujours aux guéguerres entre fédérations nationales et puis bien sûr au grand conflit mondial. Dans les années 50 néanmoins, resurgit l’envie d’enfin voir s’affronter les sélections européennes entre elles. D’autant plus que l’instance européenne de football, l’UEFA, voit le jour en 1954, mettant un peu d’ordre dans le concert des nations du continent. Pas assez néanmoins pour les convaincre toutes de se lancer dans ce grand défi de participer à ce qui est alors appelée la « Coupe d’Europe des nations » . L’Angleterre et l’ensemble des sélections britanniques boycottent l’événement, tout comme la RFA, l’Italie ou encore les Pays-Bas.
Di Stéfano et l’Espagne éliminés sur ordre de Franco
Ils ne sont que 17 pays finalement à débuter la campagne de qualification, avec un premier tour préliminaire disputé au printemps 1959 entre l’Irlande et la Tchécoslovaquie – remporté par les premiers. Ensuite, c’est du classique : des 8es de finale, puis des quarts, avec à chaque fois un système de matchs aller-retour dans les pays concernés. En effet, la phase finale de cet Euro inaugural ne doit concerner que les demi-finales, le match pour la troisième place et la finale. Un incident diplomatique vient ternir la tenue des quarts de finale : l’Espagne de Di Stéfano, dont le tirage au sort a désigné l’URSS pour adversaire, refuse de se rendre à Moscou, sur ordre de Franco. Les Soviétiques se qualifient ainsi sur tapis vert et sans jouer pour cette phase finale organisée en France. Il était à l’époque prévu que les quatre nations concernées s’entendent pour savoir laquelle allait accueillir l’événement. La France est toute désignée, d’autant que le quotidien L’Équipe a beaucoup poussé pour que ce premier Euro soit enfin organisé. La sélection tricolore, brillamment qualifiée en écrasant la Grèce et l’Autriche aux tours précédents, reçoit trois sélections d’Europe de l’Est : l’URSS donc, mais aussi la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Joli plateau.
La France sans Kopa et Fontaine
À domicile, la France peut afficher de belles ambitions, d’autant plus qu’elle sort d’un Mondial 1958 magnifique, terminé à la troisième place. Sa campagne de qualification laisse également augurer de belles choses, mais le début d’année 1960 est catastrophique, avec la mise sur la touche de ses deux meilleurs joueurs : le buteur Just Fontaine d’abord, dont la double fracture subie en mars 1960 contre Sochaux ne lui permettra d’ailleurs plus jamais de retrouver son niveau ; et le maître à jouer Raymond Kopa ensuite, qui commence à cumuler les pépins physiques et qui est sur le flanc ce coup-ci pour des douleurs aux chevilles. Sans ces deux-là, les Bleus d’Albert Batteux subissent la loi des Yougoslaves en demi-finale le 6 juillet au Parc des Princes. Un match fou, avec la France qui menait 4-2 à un quart d’heure de la fin, mais qui prend trois buts en 4 minutes (75e, 78e, 79e), pour finalement perdre 4-5. Ce même 6 juillet, la Tchécoslovaquie du récemment disparu Josef Masopust est sortie 0-2 par l’URSS au Vélodrome à Marseille, avec un Lev Yachine infranchissable dans les buts adverses. Les Tchécoslovaques parviennent néanmoins à prendre la troisième place en dominant une France démobilisée, 2-0 lors d’un match de classement également disputé à Marseille devant une petite assemblée d’à peine 10 000 spectateurs, le 9 juillet.
Yachine, l’homme de ce premier Euro
Le lendemain, 10 juillet 1960, ils sont 18 000 personnes à assister à la finale au Parc des Princes entre l’URSS et la Yougoslavie. L’issue de la rencontre est indécise et le match va effectivement être serré pour durer 120 minutes. Ce sont les Yougoslaves qui ouvrent la marque juste avant la mi-temps : un but marqué sur une déviation de Galic. Les Soviétiques n’ont pas le temps de douter et égalisent dès le retour des vestiaires par l’intermédiaire de Metreveli, qui profite d’un ballon mal capté par le gardien yougoslave. Puis ce n’est qu’à la 113e qu’ils finissent par prendre un avantage définitif, grâce au but de la tête du joueur de Rostov Viktor Ponedelnik. Mais l’homme du match est encore une fois Lev Yachine, auteur de multiples arrêts et qui offre à l’URSS son premier vrai titre international, quatre ans tout de même après l’or olympique (la Yougoslavie se vengera quelques semaines plus tard en lui succédant aux JO de Rome). Un titre mérité pour une équipe en excellente forme physique, disciplinée, déterminée et peut-être plus motivée que la concurrence. Le football est à l’époque en plein boom au pays de Nikita Khrouchtchev : le 8e de finale aller au stade Lénine de Moscou face à la Hongrie avait attiré plus de 100 000 spectateurs, de loin la plus belle affluence de cette Coupe d’Europe des nations première du nom, une compétition qui mettra du temps à grandir : de quatre nations seulement participant à la phase finale, la formule est passée à huit nations seulement à partir de 1980, 16 nations à partir de 1996 et désormais 24 à compter de l’an prochain.
Par Régis Delanoë