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17 novembre 1993, le soir du crime

Par Vincent Ruellan
4 minutes
17 novembre 1993, le soir du crime

Du 17 novembre 1993, la France ne va pas à la World Cup 1994 américaine. La faute à un but à la 90e minute de Kostadinov et à une équipe incapable de prendre un point en deux matches. On retient aussi le célèbre « c’est la faute de Ginola » de Gérard Houllier. Ou la preuve que le foot est un sport individuel qui se joue en équipe.

En ce 17 novembre 1993, la France doit décrocher un match nul face à la Bulgarie pour se qualifier pour le Mondial 94. Et ne pas louper une deuxième Coupe du monde consécutive. A domicile. Easy. Sauf que. Un mois plus tôt, les Bleus ont cramé leur joker face à Israël, dernier du groupe de qualif’, déjà à la maison. Autant dire que c’était plié, les enceintes crachant du « L’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurais… » de Joe Dassin. Las. Contre toute attente, pas de Grand Pardon pour des Bleus qui se font punir 2-3 au Parc, après avoir menés 2 à 1 à sept minutes de la fin.

Deuxième chance contre la Bulgarie donc. A l’époque, TF1 utilise le minitel pour organiser ses jeux-concours, pas encore d’arrêt Bosman et la France est deuxième à l’indice UEFA des clubs. L’équipe de France est favorite. Tout roule. A part qu’en face, ce sont des types avec des têtes de tueurs d’enfants, remember Trifon Ivanov. Si le site de la FIFA, dans un compte rendu du match parle de « conditions climatiques idéales » , Stoitchkov se souvient « d’un froid glacial, le terrain était complètement gelé » . Tout commence bien, Cantona ouvrant le score à la 32e. Mais à partir de là, la machine, déjà pas bien brillante, se grippe. Les Bleus deviennent fébriles, et les Bulgares en profitent pour égaliser cinq minutes plus tard par…Kostadinov. Désormais complètement tétanisés, les Bleus déjouent, paralysés par la peur. A la 69e, Papin, souffrant de crampes, est remplacé par Ginola. L’EdF joue profil bas, ne veut pas se découvrir. A la 89e, elle est qualifiée. Une minute plus tard, Ginola obtient un coup-franc près du poteau de corner. Il centre. Dans le vide. La suite, c’est Kostadinov qui en parle le mieux : « Kremenliev à Balakov, puis Penev qui me fait la passe décisive au millimètre, comme il me l’a répété plusieurs fois après le match. Moi, j’étais totalement conscient de ce qui était en train de se passer. J’ai accéléré, je savais que la victoire était au bout de mon pied. J’ai visé en une seconde, armé et frappé comme une mule. Puis, cela été le bonheur » . Kostadinov fait le doublé. Son but envoie la France en enfer et la Bulgarie au septième ciel, au pays du soccer.

Houllier, loin de déclarer par la suite « Kostadinov m’a tuer » préférera accabler Ginola, « ce salaud » coupable d’avoir « envoyé un exocet à travers le cœur du football français. Il a commis un crime contre l’équipe. Je le répète, un crime contre l’équipe » . Stoitchkov, fidèle à lui-même dira après le match que « les Français avaient si peur qu’ils ont joué les fesses serrées. Ils n’ont pas cherché à gagner, ils ne méritaient pas de se qualifier » . Dix ans plus tard, Hristo ajoutera, sadique, avoir « vu des joueurs français pleurer. Les supporters français aussi étaient en larmes. Cela reste une de mes plus grandes joies de footballeur ! » . Avant de remuer le couteau dans la plaie : « Avant le match, je me souviens de ces Français, tous très souriants, qui rigolaient dans les couloirs… Mais à la fin du match, ils n’étaient pas aussi joyeux » . Deschamps, déjà laconique, lâchera « Nous sommes des ânes… » . Pour Trifon Ivanov, si les Bulgares n’ont pas fait dans le yaourt ce soir là c’est qu’ils ont « remporté ce match parce qu’(ils) avaient plus faim que les Français et n’avaient pas d’autre choix que de gagner » . Huit mois plus tard, au Mondial US, les deux qualifiés du groupe de la France, la Suède et la Bulgarie, laquelle « a montré qu’elle n’était pas une petite équipe de merde » dixit Hristo, seront demi-finalistes. Parmi les onze Français sur le terrain, cinq seront champions du monde en 1998 plus Aimé Jacquet, alors adjoint, et Djorkaeff, sur le banc. Ginola dira plusieurs années après au Parisien, que « d’une certaine manière, j’ai l’impression d’avoir été le seul à assumer nos faiblesse. J’ai l’impression d’avoir laissé tomber les copains et ils me le rendront bien après » . D’ailleurs, le 14 novembre 2011, la cicatrice n’est pas refermée : David Ginola poursuit Gérard Houllier pour « injures publiques et diffamation » devant le tribunal correctionnel de Toulon. Gégé a la bonne idée, dans le livre Secrets de coachs, de remettre le couvert à gros coup de « salaud » . En attendant, ce 17 novembre, c’est aussi le jour de sortie du Beaujolais nouveau. Du vin de merde pour une date de merde. Santé.

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