ACTU MERCATO
145 millions d’euros pour Bale, sérieusement ?
« Gareth Bale au Real Madrid » : c’est le feuilleton de l’été. Le club madrilène veut tout faire pour récupérer le joueur gallois, mais les dirigeants de Tottenham ont fixé le prix : 145 millions d’euros, avec éventuellement une ristourne de 20 millions. C’est carrément de la folie, là, non ?
145 millions d’euros. C’est la folle somme annoncée par les dirigeants de Tottenham pour Gareth Bale. 145 millions. C’était le budget de l’Olympique lyonnais lors de la saison 2012/13. C’est aussi la somme déboursée par le PSG pour recruter Thiago Silva, Zlatan, Cavani, Verratti et Matuidi. C’est aussi 50 millions de plus que le transfert record de l’histoire : Cristiano Ronaldo au Real Madrid en 2009. Bref, c’est complètement dingue. Et surtout, complètement démesuré. Or, le prix annoncé choque tout le monde, même les joueurs eux-mêmes. « Je ne sais pas s’il vaut ce qu’il vaut. Honnêtement, je ne l’ai jamais vu jouer pendant 90 minutes » , a déclaré Xavi, le milieu de terrain du Barça, lors d’une conférence de presse. Il faut dire que ce prix dépasse l’entendement. Du moins, si on le regarde selon un certain point de vue. Car jusqu’ici, les plus gros transferts de l’histoire justifiaient toujours leur prix par un passé.
Quand Cristiano Ronaldo a été engagé par le Real Madrid, il vantait déjà à son palmarès une Ligue des champions, trois titres de champion d’Angleterre, un Mondial des clubs, une FA Cup, deux Coupes de la Ligue, deux Community Shield et même une Supercoupe du Portugal. Idem pour Zidane, champion du monde et d’Europe avec la France, et vainqueur de plusieurs Scudetti, d’une Coupe intercontinentale et d’une Supercoupe UEFA avec la Juve… Là, pour Bale, c’est une tout autre affaire. Le joueur n’a remporté dans sa carrière qu’une Coupe de la Ligue en 2008, compétition où, qui plus est, il n’a disputé que le premier tour, face à Middlesbrough. Alors, 145 millions d’euros, n’est-ce pas un peu too much, messieurs les Spurs ?
Et pourquoi pas Benteke à 145 millions, hein ?
Attention : Bale est bourré de talent. Ça, cela ne fait aucun doute. Il fait même partie des meilleurs au monde, comme il l’a prouvé depuis son explosion à Tottenham. Ce n’est pas pour rien qu’il a été élu Joueur de l’année en Premier League en 2011 et 2013, et qu’il a fait partie de l’équipe type de la Premier League en 2011, 2012 et 2013. Cette saison, il a même pété ses statistiques, en inscrivant 21 buts en championnat, troisième meilleur buteur de Premier League derrière Van Persie (26) et Suárez (23). Mais bon. Benteke a planté 19 pions, Michu 18, et ils ne valent pas 145 millions pour autant. Alors, qu’est-ce qui justifie un tel prix ? Qu’est-ce qui justifie que Bale soit estimé à près du triple de Falcao, un mec qui a gagné deux Europa League pratiquement à lui seul ? Parce que l’excuse : « Oui, mais Bale n’a encore rien gagné parce qu’il ne joue pas dans un grand club » , c’est bien beau. Mais un type qui est estimé à 145 millions d’euros devrait justement être capable de transcender son équipe et d’aller gagner des trophées.
Maradona l’avait fait à Naples (il aurait valu combien selon les critères actuels ? 250 millions ?) et, plus récemment, un brave gaillard comme Olivier Giroud a pratiquement raflé un titre de champion de France au nez et à la barbe du PSG made in Qatar. Car en réalité, qu’a fait Bale à Tottenham ? Il a mis la misère à Maicon et à toute la défense de l’Inter championne d’Europe. D’accord. Il a qualifié son club pour la C1, mais a finalement dû se contenter de la C3 parce que Chelsea a gagné la C1. OK. Il a mis deux coups francs contre Lyon. Il a mis quelques buts complètement dingues (celui-ci en 2010, et celui-là en 2013, notamment) et a rendu fous la plupart des défenseurs anglais. Il a souvent abattu des équipes à lui seul, comme en février dernier, lorsqu’à grands coups de doublés, il a anéanti Newcastle, Lyon et West Ham.
Une sacrée pression sur les épaules
Décisif, il l’est. Génial et talentueux, il l’est aussi. Bah alors, pourquoi on chipote ? On chipote parce que 145 millions d’euros, sans jouer aux vieux réac’, ça fait 1 milliard de francs. 145 millions d’euros pour Messi, oui. Mais pour Bale, le Real a vraiment intérêt à être sûr de son coup. Car le club merengue ne pourra pas faire de plus-value sur une éventuelle revente dans quelques années. De plus, il y a encore un élément à prendre en compte : s’il signe au Real Madrid, Gareth Bale va changer de pays et changer de championnat. Rien ne dit que son style de jeu va être compatible avec celui du football espagnol, ni que la mentalité ibérique va lui convenir. Michael Owen, qui a lui aussi évolué au Real Madrid (lors de la saison 2004-05), a d’ailleurs mis en garde le Gallois sur ce point. « D’un point de vue footballistique, tout ira bien pour Bale, mais l’Espagne pourrait bien ne pas être comme il se l’imagine. En dehors du terrain, tout est plus compliqué, la mentalité espagnole est différente, les gens voient la vie de manière plus légère et ont un rythme beaucoup plus lent. Quand je suis arrivé en Espagne, je voulais immédiatement acheter une maison pour vivre avec ma famille. Au final, j’ai été contraint de vivre cinq mois à l’hôtel » , avertit le Ballon d’or 2001 qui, en son temps, avait été transféré au Real pour… 11 millions d’euros.
Or, aujourd’hui, avec 145 millions d’euros, est-on vraiment sûr que le champion d’Espagne 2012 ne peut pas recruter mieux ? Avec une telle somme à investir, Florentino Pérez pourrait choper Rooney, Lewandowski, Thomas Müller, et il resterait encore du rab… Après, il y a aussi la possibilité que Bale devienne monstrueux sous le maillot madrilène, qu’il devienne lui aussi un cyborg à 40 buts par saison, et que son investissement soit rapidement remboursé par les ventes de maillots. Après tout, le transfert de Cristiano Ronaldo avait été remboursé en neuf mois grâce aux 1,2 million de maillots floqués à son nom vendus, pour une recette totale de 112,8 millions d’euros. Mais bon. N’empêche que 145 millions, c’est beaucoup. Beaucoup trop. D’autant que, quand un club paye une telle somme pour vous recruter, vous n’avez pas intérêt à vous planter. Ni à vous blesser, d’ailleurs.
Eric Maggiori