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115 ans de Milan, la moitié de décadence
Le Milan AC fête aujourd'hui ses 115 ans tout en traversant une période compliquée de son existence. Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive dans sa glorieuse histoire. Retour sur les principaux coups de mou des Rossoneri.
On peut être considéré comme l’un des plus grands clubs de l’histoire du football et connaître régulièrement des périodes d’abstinence. C’est d’ailleurs ce qui distingue le Milan AC des autres équipes légendaires qui ont écrit les plus belles pages de ce sport. Le Real, le Barça, Manchester, Liverpool, l’Inter, la Juve, le Bayern et compagnie ont toujours trusté le haut de tableau de leurs ligues nationales tout en s’illustrant parallèlement sur la scène continentale. Ils ont eux aussi connu des baisses de régime, mais sûrement moins violentes que celles qu’a vécues le Milan. Car aux cycles dorés de Rocco, Sacchi, Capello et Ancelotti ont alterné des périodes très difficiles.
1907-1951 : la longue traversée du désert
À peine fondé que le Milan s’impose comme l’un des clubs phares de la Botte. Il est même la seule équipe à tenir tête au Genoa qui remporte 6 des 7 premiers Scudetti de 1898 à 1904. Les Rossoneri de Kilpin sont eux sacrés en 1901, 1906 et 1907, mais également finalistes en 1902. Ajoutez la Juventus, et vous avez là les trois pionniers du Calcio. Toutefois, le Milan est le seul membre de ce trio à baisser de régime et disparaître du haut de tableau, étant notamment vite éclipsé par l’Inter. Les raisons de la naissance du cousin résument très bien le plus gros défaut du Diavolo lors des premières décennies du XXe siècle : son conservatisme et son incapacité à suivre l’évolution du football.
Les années passent, mais les Rossoneri se morfondent dans leur amateurisme, se fermant notamment aux joueurs étrangers. Jamais dans le coup lors des phases éliminatoires du championnat, mais aussi lors des premières éditions de la toute nouvelle Serie A née en 1929, le Milan est une équipe de milieu de tableau et voit la Juventus et l’Inter enchaîner les titres. Au mieux, deux troisièmes places en 1938 et 1941. Rien non plus concernant la Coupe d’Italie. C’est au sortir du second conflit mondial que la situation s’améliore grâce à l’apport du GreNoLi, ce trio de Suédois composé de Gren, Nordahl et Liedholm, fondamental dans la conquête du Scudetto en 1950-51. Le quatrième de l’histoire du club, le premier depuis 44 ans. À ce moment, le Milan est loin dans la hiérarchie, derrière le Genoa et ses 9 titres, la Juve à 8, la Pro Vercelli à 7, le Torino et Bologna à 6 et l’Inter à 5.
1980-86 : les deux relégations en Serie B
Le Milan a rattrapé son retard au cours des trois décennies qui ont suivi. L’immense Gianni Rivera vient de prendre sa retraite sur un dernier titre, le Scudetto « della stella » . Le 10e de l’histoire du club qui permet de broder la fameuse étoile dorée. Ce qui nous amène à une expression italienne parfaite pour la transition : « Des étoiles aux étables » . Un an plus tard, le club est embourbé dans le Totonero, célèbre affaire de matchs arrangés. Et son président Colombo est au premier rang du banc des accusés. Verdict : relégation administrative après une bonne 3e place. Le Milan goûte à la Serie B pour la première fois de son histoire. La remontée est immédiate, mais la chute l’est tout autant, ce qui débouchera sur un célèbre proverbe pour chambrer le peuple rossonero : « Le Milan est allé deux fois en Serie B : la première en payant, la seconde gratuitement. »
Entre-temps, le club finit entre les mains de Giussy Farina. Entrepreneur aux dents longues qui a fait des miracles à Vicenza (vice-champion en 1978), mais en mettant à feu et à sang les finances du club, le moustachu refait le coup à Milan. Après falsification des bilans comptables et fraude fiscale, il abandonne le Diable à son propre sort en décembre 1985 et file en Afrique du Sud d’où il ne peut être extradé ! Toutefois, les résultats sont potables avec une présence constante dans la première partie de tableau et la base de joueurs du cru prêts à former l’ossature du Milan de Sacchi. Mais sans l’arrivée d’un certain Berlusconi, c’était la faillite assurée.
1996-2002 : les dégâts de l’arrêt Bosman
Silvio, justement, fête ses 10 ans de Milan par un nouveau Scudetto en 1996, le 15e du club, son 5e personnel. Capello s’en va sur ce nouveau titre après cinq très belles années et ayant fait au moins tout aussi bien que Sacchi. Le Milan vient de se gaver avec 5 Scudetti et 5 finales de Champions League en 8 ans. Quelques mois plus tôt, le fameux arrêt Bosman a été appliqué, et Galliani tombe en plein dans le piège. Après s’être distingué par un quasi-sans-faute sur le recrutement des étrangers (le trio de Néerlandais, Savićević-Boban, Papin-Desailly et Weah), les mauvais choix s’enchaînent. Été 96 : Reiziger, Davids, Dugarry et Blomquist. Été 97 : Bogarde, Nilsen, Smoje, Ziege, Ba, Andersson, Kluivert et Beloufa. Comment plomber un effectif en seulement un an. Les résultats sont catastrophiques, 11e malgré le retour de Sacchi, puis 10e malgré le retour de Capello.
Le Scudetto inespéré de la bande à Zaccheroni en 1998/99 est une « fausse alerte » . Le massacre reprend. Lehmann, Ayala, N’Gotty, Chamot, Collocini, West, Roque Jr, Brnčić, Pablo Garcia, Contra, Sarr, Júlio César, Umit Davala, Javi Moreno, Kutuzov, et on pourrait continuer longtemps. Côté italien, ce n’est pas mieux avec Sala, Giunti, Orlandoni, Donati, Comandini, Graffiedi et De Ascentis, indignes de leurs prédécesseurs. Des millions d’euros jetés par les fenêtres avec pour résultat un seul Scudetto remporté, principalement grâce à l’orgueil de la vieille garde. Hormis cette exception donc, de 1996 à 2002, le Milan ne se mêle dans la course à aucun titre malgré les gros investissements et joue les figurants en Europe.
2012-aujourd’hui : les dégâts du Fair-play financier
Comme pratiquement toutes les équipes italiennes, le Milan a vécu au-dessus de ses moyens pendant des années. Il n’a certes jamais été une société au bord de la faillite, mais les bilans comptables négatifs se sont enchaînés des années durant. Les comptes de la Fininvest, la holding de zio Silvio, battant également de l’aile, les robinets ont été coupés depuis quelques années. Résultat, le Scudetto remporté en 2010/11 et la place de dauphin l’année suivante sont les derniers barouds d’honneur. Les résultats en Champions League ne suivant plus (un 1/4 et cinq 8es depuis 2007), les entrées d’argent ont chuté.
Thiago Silva et Ibrahimović sont vendus au PSG l’été 2012 pour renflouer les caisses, les sénateurs qui composaient la garde prétorienne d’Ancelotti s’en vont un à un. Ne restent que des joueurs de seconde zone achetés gratuitement et donc grassement rémunérés. Le budget mercato restreint étant lui mal dépensé, la mauvaise gestion du cas Seeedorf enfonce le clou. À ce redimensionnement purement technique s’ajoute une dégradation de l’image du club. On est passé des joueurs charismatiques et classes à la Maldini, Nesta, Pirlo, à Taraabt, Ménez et Balotelli. Et c’est peut-être cela le plus inquiétant.
Par Valentin Pauluzzi