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0+0 = la tête à l’Euro
C'est l'histoire d'un groupe de joueuses, d'un coach, d'une fédération et d'une chaîne de télé. C'est l'histoire d'un fiasco, aussi. C'était l'Euro 2017 aux Pays-Bas avec l'équipe de France, la FFF et France TV. Voici ces histoires.
Six vases sur une table et un vrai problème : plus de pinard pour le diner. C’est le chapitre 2 de l’Évangile selon Jean, et Jésus, de bon poil, décide de transformer l’eau en vin. C’est son premier miracle et force est de constater que du côté de la Fédération Française de Football, on a décidé d’y croire. Le calendrier indique la date du 9 septembre 2016, c’est l’Evangile selon Noël, et sur le boulevard de Grenelle, on se prépare au miracle : transformer un entraîneur moyen de Ligue 2 en homme qui fera gagner la Coupe du monde 2019 aux filles de l’équipe de France. Un peu moins d’un an plus tard, le résultat est sans appel : la FFF a transformé Olivier Echouafni en Olivier Echouafni. Et là, pas besoin d’être croyant, il suffit juste d’être supporter de Sochaux pour savoir que la récolte allait être mauvaise. Qui dit mauvais vin dit mauvaise ivresse et ce n’est pas la gueule de bois pénible de ceux qui ont suivi les péripéties bataves d’Abily et sa bande qui diront le contraire. Oui, les filles de l’équipe de France ont été mauvaises. Très mauvaises même, mais pas seules responsables puisque ce fiasco est à partager entre elles, leur coach, la FFF donc, et même France Télévisions.
Une histoire sans fond
Il y a José Mourinho et Marcelo Bielsa. Il y a ceux qui gagnent peu importe la manière et ceux à qui la manière importe plus que le résultat. Dans les deux cas, il y a un parti pris, une philosophie et un but après lequel on court : l’efficacité ou l’esthétisme, la victoire ou le frisson. Les deux se respectent. Mais il y a aussi le vide. Ou quand l’absence de concepts tactiques ajoutée à l’incapacité à créer dessine les contours pourtant imperceptibles du néant. C’est dans ce vide angoissant que les Bleues ont emmené leurs supporters. La faute à un plan de jeu flou, d’abord. Si certains parlent de « profondeur de banc » et de « richesse » quand les compositions évoluent, on peut légitimement y voir des incertitudes et un manque de taulières. Olivier Echouafni dira certainement que s’il n’avait touché à rien, la presse aurait dit qu’il ne cherchait pas de solution, mais plus que les joueuses, c’est bien le fond de jeu qui a plombé les Françaises. Un fond de jeu Knorr, chimique et sans amour, au lieu d’un fond de jeu qui a reposé de longues heures dans une marmite et où les automatismes, notamment à la relance, seraient un délice pour le palais. Responsable, le coach l’est comme les gens qui l’ont nommé à ce poste, pensant qu’on pouvait faire d’un technicien moyen chez les hommes un bon coach chez les filles. Erreur. Mais celui-ci n’a pas été aidé par ses joueuses.
Du mal à palper la réalité
Outre Amandine Henry, qui a prouvé – si elle en avait encore besoin – qu’elle était une immense joueuse, les cadres françaises n’ont pas répondu présent. Renard fébrile à la relance, Le Sommer isolée en pointe, Delie en difficulté, comme Karchaoui et Bouhaddi. Née en 1997, Geyoro a fait ce qu’elle a pu – à savoir beaucoup – comme Diani – née en 1995 – mais il semblait évident que ces jeunes filles pleines d’avenir ne porteraient pas les Bleues sur leurs épaules. Placée dans une poule abordable composée de l’Islande, de l’Autriche et de la Suisse, l’équipe de France n’a jamais donné de motif d’espérer. Elle termine la compétition avec trois buts en quatre rencontres dont aucun inscrit dans le jeu : un pénalty d’Eugénie Le Sommer ou encore un coup franc de Camille Abily détourné dans son propre but par la gardienne suisse. Un « coup de patte magique » pour France Télévisions qui s’est trompé de combat depuis le début de la compétition, en préférant le chauvinisme au réalisme. Mettre en avant le football féminin et plus particulièrement le football féminin français, c’est avant tout traiter ce sport comme n’importe quel sport et les sportives comme toutes les sportives. Comment ? En acceptant le niveau de jeu de nos ressortissantes, à savoir du médiocre. Et c’est là l’autre grand problème de cette équipe de France : l’apparente incapacité à jauger ses prestations. Que ce soit Echouafni ou les joueuses interrogées, on a entendu en vrac les termes « match référence » après la Suisse, « bon niveau technique face à l’Angleterre » et d’autres affirmations qui insinuaient que cet amas d’individualités censées former un collectif méritait mieux sur la compétition : ce n’est pas le cas. Puisqu’un peu d’optimisme n’a jamais tué personne, deux raisons d’espérer demeurent. La première est le réservoir de talents dont dispose la France, qui va devoir tourner la page Camille Abily avec brio. La seconde, c’est que pour la Coupe du monde 2019 en France, il n’y aura pas besoin de contredire l’Évangile selon Luc qui veut qu’aucun prophète ne soit bien accueilli dans son pays : Olivier Echouafni n’a rien d’un faiseur de miracles.
Par Swann Borsellino