- Ligue 1
- 2e journée
- Bordeaux/Monaco
0 + 0 = la tête à Bordeaux
Désigné ces dernières saisons comme le partenaire idéal des siestes de tous les fans de foot français, le jeu pratiqué par Bordeaux s'inspire d'une longue tradition de culture défensive en Gironde. Heureusement, Willy Sagnol est là pour briser tout ça.
10% des 0-0 de toute l’histoire de la première division française ont été joués par Bordeaux. La statistique est tombée le 3 août dernier dans le Journal du Dimanche. Et bien sûr, elle a fait sourire, tant l’équipe girondine cristallise depuis quelques saisons, aux yeux du public, l’ennui qui gagne trop souvent le téléspectateur les soirs de championnat de France. Et ce, peu importe si la saison passée, sous les ordres du pas vraiment funky Francis Gillot, les Bordelais ont inscrit plus de buts que quatorze autres équipes de Ligue 1. Oui mais voilà, la statistique est là, implacable. Et même si elle se doit d’être pondérée par le nombre de rencontres disputées par Bordeaux parmi l’élite, 2250, seuls Sochaux (2368) et Marseille (2284) ayant fait mieux, elle est le fruit d’une longue tradition de football défensif pratiqué en marine et blanc.
« Si on ne prend pas de buts, on en mettra bien un »
S’il n’était pas au courant de cette statistique, Didier Couécou s’en est amusé en l’apprenant. Sans pour autant se montrer surpris. L’homme qui goûte une retraite paisible dans le Pays basque s’est démené durant huit saisons à la pointe de l’attaque bordelaise, de 1963 à 1969, puis de 1974 à 1976, avant d’en devenir le directeur sportif sous la présidence de Claude Bez. Aujourd’hui, celui qui vient de fêter ses 70 ans se remémore que son premier passage aux Girondins s’est fait sous les ordres de l’Espagnol Salvador Artigas, « un entraîneur fanatique du catenaccio » . « Nous, les attaquants, on ne voyait pas souvent le ballon, c’est sûr » , évoque, amusé, l’éphémère international, au compteur bloqué à une sélection. Parti ensuite s’encanailler à Marseille, puis à Nantes, son deuxième passage aux Girondins ne sera pas plus sexy. Au milieu des 70s, les Girondins gambadent sous la houlette de Luis Carniglia, le technicien argentin tout en rouflaquettes, que Couécou décrit comme « un entraîneur de la vieille école, très défensif également » . « Si on ne prend pas de buts, on en mettra bien un. » Cette phrase un peu triste, les joueurs ayant évolué aux Girondins avant la période faste des 80s l’ont tous entendue.
Une philosophie pas vraiment aguichante que Couécou explique assez simplement : « Bordeaux voyait toujours à moyen terme, parce que ce n’était pas une grande équipe. Quand vous n’avez pas de bons joueurs, vous n’attaquez pas trop. Vous essayez de ne pas prendre de buts avant d’essayer d’en marquer. Partir à l’aventure, c’est le meilleur moyen de prendre des raclées. Si Bordeaux comptabilise autant de saisons en première division, je pense que c’est grâce à cette sécurité défensive. » Au poste de directeur sportif, avec Aimé Jacquet aux manettes de l’équipe, Couécou s’est évertué à perpétuer la tradition. « Je m’appliquais en priorité à construire une défense, parce que je savais que la meilleure défense finissait toujours dans le trio de tête, ce qui n’était pas forcément le cas de l’attaque. » Durant la période, les Girondins remportent trois titres de champion et terminent trois fois deuxièmes. De quoi le conforter dans ses convictions.
Les promesses de Sagnol
Cette tradition de jeu défensif en Gironde, Willy Sagnol ne l’a pas connue. Et il ne compte pas s’en inspirer, si l’on se fie à ses récentes déclarations dans les colonnes deL’Équipe ( « Je sais ce que je veux : du mouvement, du jeu vers l’avant. (…) Je ne pourrai pas, demain, prendre une équipe et lui répéter tous les jours : on fait un gros bloc défensif, tout le monde reste bien organisé derrière » ). Après trois saisons compliquées au niveau du spectacle sous l’ère Francis Gillot, le public exigeant de Chaban-Delmas espère vérifier rapidement les propos pleins de promesses de son nouvel entraîneur. Premier test ce soir, face à l’AS Monaco. Facile.
Mathias Edwards