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Antoine Griezmann face à Diego Simeone, la guerre du titre
À l’aube d’une rencontre entre le Barça et l’Atlético ultra décisive dans la course au titre, Antoine Griezmann, qui porte une estime incommensurable à son ancien coach Diego Simeone, n’aura d’autre choix que de bousiller les espoirs de son père spirituel en virant les Colchoneros de la place de leader. Parce que tuer le père est le meilleur moyen de lui montrer qu’on a grandi, non ?
Le 15 juillet 2018, Antoine Griezmann remporte la Coupe du monde avec l’équipe de France. Son premier message n’est pas destiné à sa femme, encore moins à ses parents. Mais plutôt à son autre père, rencontré des années après sa naissance et qui l’a éduqué footballistiquement : Diego Simeone. « Je lui envoie une photo de la coupe et je lui dis « Regarde comme elle est belle. Si je l’ai fait, c’est aussi grâce à toi. Cette coupe, elle est aussi pour toi. » » Cette anecdote, racontée par le Français à France Football, résume la relation particulière qui unit El Cholo et Grizou depuis 2014. Pourtant, Antoine compte se montrer sans pitié pour son père spirituel ce samedi, où sa mission est de terrasser l’Atlético de Madrid. Tel Œdipe, il serait alors reconnu coupable de parricide. Sauf qu’à la différence du héros de la mythologie grecque, l’assassinat sera prémédité.
L’idylle parfaite
D’un jeune garçon arrivé en provenance de la Real Sociedad, Diego Simeone fait un homme, un vrai. À son effigie, il lui apprend à laisser ses tripes sur le terrain et à ne jamais rien lâcher. « Nous avons beaucoup travaillé ensemble, notamment sur le plan physique, et nous avons développé tout ce qu’il y avait de bien en lui », se rappelait le coach en 2018, dans les colonnes de France Football. Les débuts sont difficiles pour le Français et El Cholo est toujours plus exigeant, bien conscient qu’il a entre ses mains un diamant à polir.
« Je me suis retrouvé avec un entraîneur tout le temps sur mon dos, avouait l’ancien Txuri-urdin au site de l’UEFA. Il ne me faisait pas faire ce que je faisais à la Real, il y avait toujours sa voix, son exigence qui résonnaient en moi. Il m’a aussi demandé de faire des choses que je ne pensais pas savoir faire. J’ai dû travailler très dur pour le collectif. » Grizi met alors du temps à peser sur le jeu des Matelassiers, mais sa relation avec son entraîneur est de plus en plus fusionnelle. Buteur, Griezmann le restera et se montrera même encore plus redoutable dans l’exercice avec ses 133 réalisations en 257 matchs sous les couleurs des Rojiblancos. Pourtant, c’est surtout le goût de l’effort, le sens du sacrifice et l’esprit du collectif que Simeone va inculquer à son petit protégé. La générosité que le plus espagnol des Français démontre sur la pelouse, il la doit ainsi à son ancien coach. L’idylle va durer cinq merveilleuses années, avec une Ligue Europa remportée et deux Supercoupes, une d’Espagne et l’autre d’Europe. Pas assez, pour l’ambitieux Français.
Antoine Grise Mine
Car comme toutes les belles histoires, il y a une fin. En 2019, Diego Simeone doit se résigner quand le fils veut prendre son envol et rejoindre un plus gros club dans sa quête de trophées majeurs. Problème, le séjour du blondinet au Barça n’est pas loin d’être une catastrophe industrielle. Cantonné sur l’aile gauche par Ernesto Valverde, un coach qui ne le comprend définitivement pas comme El Cholo, les médias ne facilitent pas son adaptation en polluant son esprit de rumeurs contant sa mauvaise entente avec le grand chef des Blaugrana, Lionel Messi.
Ses contre-performances ont de quoi lui faire regretter son départ, faisant même de la peine à son ancien coach. Lors du match opposant les deux équipes l’année dernière, Antoine Griezmann prend place sur le banc comme trop souvent. L’éphémère coach Quique Setién décide de ne le faire entrer qu’à la 91e minute, tel un remplaçant banal qu’on utilise pour que le temps s’écoule plus vite. Diego Simeone hallucine, dépité de voir ce qu’est devenu son ancien poulain. À plusieurs reprises, il regarde d’ailleurs le panneau du quatrième arbitre. Comme s’il ne pouvait pas y croire, avant de bouger la tête de gauche à droite en signe de désapprobation.
Mettre à terre le Cholo
Depuis, Ronald Koeman est passé par là, et cet épisode semble se transformer en lointain souvenir : Antoine est devenu l’homme providentiel du Barça, en cette fin de saison haletante. Les pions du Petit Prince, décisif contre Valence et double buteur sur la pelouse de Villarreal, maintiennent sa formation à portée de tir du leader madrilène. Si bien que les Colchoneros n’ont plus que deux points d’avance sur leurs deux poursuivants, contre onze à l’issue de la 21e journée. La défaite leur est donc interdite sur la pelouse du Camp Nou ce samedi, au risque de ne plus être maître de leur destin.
Alors qu’il rêve de remporter un second championnat depuis 2014, l’entraîneur argentin en vient à douter de son fils spirituel. Celui qu’il a pris sous son aile dès son arrivée, le monstre qu’il a façonné. Avec une confiance retrouvée dans le onze concocté par son coach batave, Antoine Griezmann affiche désormais un niveau similaire à celui qu’il démontrait tous les week-ends sous les directives de Diego Simeone. Et si, avant la rencontre, le père et le fils vont sans doute se faire un grand abrazo en se rappelant la bonne époque, le champion du monde aura une nouvelle arme en main : l’hypocrisie. Avec une idée en tête : détruire celui qui l’a créé, et mettre un terme aux espoirs de l’Atlético de Madrid.
Par Lilian Fermin