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Ángel Di María, la rédemption argentine

Par Georges Quirino-Chaves, à Buenos Aires
Ángel Di María, la rédemption argentine

Retrouvant ce week-end le PSG pour un Classique contre l'OM, Ángel Di María est rentré de son pays, l'Argentine, avec beaucoup de bonnes ondes dans ses bagages. Enfin. En inscrivant le but de la victoire de l’Albiceleste en finale de la Copa América face au Brésil au Maracanã en juillet dernier, l’attaquant parisien de 33 ans a complètement retourné l’opinion publique de son pays. Cible privilégiée des critiques et des moqueries pendant des années, le Fideo a réussi à se débarrasser de son étiquette de loser. Les Argentins lui envoient désormais des cœurs avec les doigts.

La scène se répète désormais à chaque sortie de la sélection argentine devant son public. La première fois, c’était parce que son but en finale de la Copa América était diffusé sur l’écran géant de l’Estadio Monumental avant le match contre la Bolivie début septembre. La deuxième, il y a une dizaine de jours, pour réclamer son entrée en jeu en deuxième mi-temps d’une rencontre déjà pliée face à l’Uruguay. La dernière, cette semaine contre le Pérou, pour célébrer sa présence parmi les titulaires annoncés par la speakerine de l’enceinte de River Plate. À chacune de ces occasions, les mêmes « Fideeeeeeeeeo ! Fideeeeeeeo ! » descendent des tribunes. Comme un cri d’amour.

À chaque fois que j’entends « Fideo, Fideo », je repense à tout ce qu’on a fait. Il y a beaucoup de choses qui me passent par la tête, mais ce que je ressens, c’est de la joie. Mon cœur explose.

Toujours ému par l’attention, Ángel Di María, d’un geste, ne manque jamais de remercier la foule. C’est qu’à 33 ans, cette connexion avec ses concitoyens est toute nouvelle pour lui. « Entendre le public crier mon nom, j’en rêvais depuis très longtemps, pour moi et ma famille. C’est unique. J’en profite énormément », confiait l’attaquant parisien sur le site de l’AFA la semaine dernière. « À chaque fois que j’entends« Fideo, Fideo », je repense à tout ce qu’on a fait. Il y a beaucoup de choses qui me passent par la tête, mais ce que je ressens, c’est de la joie. Mon cœur explose. » L’aurait-il seulement imaginé il y a encore quelques mois ? Lorsque Toti Pasman, le provocateur présentateur de l’émission El show del fútbol sur América TV, demandait à genoux au sélectionneur Lionel Scaloni « de ne plus jamais » le mettre dans le onze de départ. C’était le 7 juin dernier au lendemain du match nul (2-2) concédé par l’Albiceleste en Colombie en éliminatoires du Mondial. « Qu’est-ce qu’on a fait pour vivre treize ans de suite de Di María titulaire ? » se lamentait le journaliste les mains en prière pendant qu’un synthé en bas de l’écran traitait le Parisien de « fraude ».

Plus récemment. Demi-finale de la Copa América face aux mêmes Colombiens. Alors que les deux équipes sont à égalité 1-1 à une vingtaine de minutes de la fin du temps réglementaire, le natif de Rosario a la mauvaise idée de rater une énorme occasion de but. En direct, le commentateur de la chaîne TYC Sports Rodolfo De Paoli déverse sa rage. « C’est une blague ! Avant c’était Pipa (Higuaín)et maintenant c’est toi ! Fideo, arrête de me casser les cou***** frérot ! » Roue libre totale.

Faites entrer l’accusé

Un tout petit pas de travers et une partie de la presse et des supporters n’allaient surtout pas le rater en Argentine. Pour eux, avant la victoire au Maracanã, Di María était, avant tout, l’un des derniers représentants, jugé coupable, d’une génération de perdants. Celle qui a échoué en finale de la Coupe du monde 2014 et à deux reprises dans le match pour le titre face au Chili en Copa América. De quoi, pour certains, faire oublier le but de l’or olympique pourtant marqué par le Fideo face au Nigeria à Pékin en 2008. Si ses performances en club hors des frontières sont saluées, elles agacent en même temps. Pourquoi ne fait-il pas la même chose avec le maillot bleu ciel et blanc, s’interrogent ses détracteurs ?

Il avait cette image tenace du joueur qui était important pendant la compétition, mais qui n’était pas là dans les moments fatidiques.

« Il avait cette image tenace du joueur qui était important pendant la compétition, mais qui n’était pas là dans les moments fatidiques pour des raisons physiques ou des blessures », se remémore Demián Meltzer, journaliste au quotidien sportif Olé. L’étiquette de « cagón », comprendre le mec qui se chie dessus quand ça compte, lui colle à la peau comme Higuaín pour ses occasions manquées lors des finales. Un bouc émissaire idéal dès que quelque chose ne fonctionne pas avec la sélection. Un bashing à grands coups de mèmes qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux. « Même si on ne s’en rend pas compte, ce sont des trucs qui te blessent et peuvent te faire très mal. Ce sont des choses qui, parfois, te font penser à arrêter », confessait le Rosarinoen 2018 sur TYC Sports. Le joueur ne supporte pas de voir sa famille souffrir de cet environnement hostile en Argentine. Il raconte alors consulter un psychologue. « Cela m’a beaucoup aidé », expliquera-t-il.

Le stade de sa vie

Di María n’a aucun problème à reconnaître qu’il est un joueur sensible. Et alors ? Oui, il a pleuré au téléphone avec Lionel Scaloni quand celui-ci ne l’appelait plus depuis un an alors que ses performances au PSG le rendaient incontournable la saison dernière. Au bout de fil, l’attaquant garantit être prêt à tout pour revenir. Même à cirer le banc. Le sélectionneur, lui aussi en larmes lors de cet échange, le réincorpore finalement pour en faire un élément majeur d’un vestiaire rajeuni à la Copa América. Pendant quasiment toute la compétition, l’ancien du Real Madrid et Manchester United se contente d’être la doublure de Nicolás González, le gaucher de 23 ans transféré à la Fiorentina cet été. Seulement titulaire contre le Paraguay (1-0) lors du troisième match de poules, le Fideo assure dans son rôle de supersub. Comme il l’avait promis. Il entre à chaque fois à 20 minutes de la fin. Sa vitesse, sa technique et surtout sa motivation donnent un second souffle à une Albiceleste qui peine alors à conclure ses matchs.

Le 11 juillet, jour de la finale contre le Brésil, à l’hôtel Windsor Barra de Rio de Janeiro, Lionel Scaloni invite celui qui est né dans la même province que lui, celle de Santa Fe, à discuter en tête à tête. « Est-ce que tu te sens prêt à commencer la finale ? » lui demande le sélectionneur. Réponse : « Si tu veux que je joue, je jouerai. Si je dois aller sur le banc, comme ça a été le cas jusqu’à maintenant, compte sur moi pour aider l’équipe à aller de l’avant. » Quelques heures plus tard, Di María soulève la Copa América sur la pelouse du Maracanã après avoir inscrit le seul but d’une finale qu’il a bien commencée comme titulaire. De quoi le convertir en héros pour l’éternité.

Ángel, c’est un gars d’une grande humilité issu d’une famille qui a dû faire beaucoup de sacrifices pour parvenir à être là où il est. Aujourd’hui, c’est un homme avec une grande maturité.

En Argentine, devant son téléviseur, Claudio Gugnali, 61 ans, a du mal à retenir son émotion en voyant l’image. Six ans auparavant, sur ce même terrain, c’est lui qui tentait de contenir Ángel, son « ami de toute la vie », inconsolable après la finale du Mondial perdue contre l’Allemagne. L’ancien adjoint d’Alejandro Sabella se remémore cette matinée du 13 juillet 2014. Quand le sélectionneur, récemment disparu, annonçait à celui qui avait été l’un des meilleurs joueurs de la compétition qu’il serait privé du plus beau match en raison de sa blessure. Di María accepte et sanglote dans les bras de Gugnali : « C’est peut-être la seule finale de Coupe du monde de ma vie ! » Repenser à cette scène et voir son protégé ivre de joie à l’endroit de son pire souvenir, c’est la plus belle revanche dont pouvait rêver le soixantenaire. « Il vit un moment qu’il mérite, confie l’ex-numéro 2 de la sélection qui a félicité son jeune ami par téléphone quand celui-ci était encore sur la pelouse carioca. Les gens ont été injustes avec tout ce groupe de joueurs qui n’a pas pu être champions du monde. Ángel, c’est un gars d’une grande humilité issu d’une famille qui a dû faire beaucoup de sacrifices pour parvenir à être là où il est. Aujourd’hui, c’est un homme avec une grande maturité. Il sait ce qu’il veut. Il a une belle famille. Il va pouvoir profiter autrement et arrêter de se tourner vers le passé. »

« Ceux qui le sous-estiment ne comprennent rien au foot »

L’attaquant parisien regarde devant lui désormais. Enfin libéré d’un poids qui, comme pour son ami Lionel Messi, commençait à devenir insupportable. « Gagner la Copa América est la meilleure chose qu’il me soit arrivé. Ce but en finale, c’est le plus beau de ma vie, expliquait-il la semaine dernière dans un entretien au site de l’AFA. J’espère qu’il y aura d’autres moments comme ça dans pas longtemps. » À 33 ans, le Fideo a maintenant les yeux tournés vers le Qatar et cette Ligue des champions qu’il rêve de remporter avec le PSG. Ses derniers défis avant une ultime pige rêvée à Rosario Central, le club de ses débuts et de son cœur.

Même s’il n’est plus assuré d’être constamment dans les onze de départ de l’Argentine et de Paris, l’attaquant jouera son rôle. « Parce qu’il y a des joueurs qui, même s’ils sont sur le banc, sont des titulaires dans l’équipe par leurs caractéristiques ou leurs qualités, assure Gugnali. Qu’il joue toute la rencontre, cinq ou dix minutes, Ángel doit se sentir comme un titulaire. Il a sa propre lumière. Comme Neymar, Mbappé ou Messi. Di María, c’est Di María. Le même de toujours. Avec sa vitesse, sa technique, sa volonté d’avoir le ballon, sa disponibilité, ses prises de responsabilité, sa faculté à combiner avec les autres. Ceux qui le sous-estiment ne comprennent rien au foot. » Pour l’ancien bras droit de Sabella, les observateurs doivent surtout garder en tête une grande qualité de son ami. Celle qui pourrait être un facteur X pour Pochettino ou Scaloni dans les moments clés. « Un jour, Dybala a dit que ce n’était pas si facile de jouer avec Messi. Parce qu’il faut avoir la vitesse mentale et physique pour comprendre ce que va faire Leo et savoir quand et comment il va avoir besoin de toi. Ángel a cette capacité à être le socio de Messi à n’importe quel moment du match. Et ça, c’est énorme. Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui peuvent être en symbiose avec le meilleur joueur du monde. »

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Tous propos recueillis par GQC sauf mention

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