- Ballon d’or 2022
Alexia Putellas : un doublé tout sauf au rabais
Nommée Ballon d’or pour la seconde fois, Alexia Putellas est devenue lundi soir la première joueuse à réaliser un tel exploit. Si les mauvaises langues s’interrogeront d’offrir une telle récompense à une athlète blessée depuis le 5 juillet dernier, ses performances rappellent qu’elle était tout simplement trop loin pour toutes les autres, même de Beth Mead et sa flopée de buts à l’Euro.
Si l’on remonte le temps, peu de monde aurait misé sur Alexia Putellas nommée de nouveau Ballon d’or ce lundi 17 octobre. Pas même la joueuse du Barça elle-même. « Pour être honnête, le 5 juillet, lorsque je me suis cassé le genou, je ne pensais pas que ce serait possible, car je pensais que l’on se souviendrait du dernier Euro », reconnaît-elle à la fin de son discours de nouvelle gagnante du précieux trophée, soulignant les bénéfices des changements de critères du Ballon d’or. Première Espagnole à le remporter depuis Luis Suárez en 1960, la milieu de terrain élève un peu plus les standards et est devenue la première à remporter deux fois ce Ballon d’or féminin, sur les quatre remis. Celle qui passait son temps à s’égratigner les genoux dans la cour en bas de chez elle est aujourd’hui officiellement la meilleure joueuse du monde, par deux fois. « Lorsque j’ai gagné le premier Ballon d’or, alors que c’était déjà un rêve d’être professionnelle, Luis Suárez m’a écrit et m’a dit une phrase qui est restée gravée au fond de moi :« Ce Ballon d’or n’est pas ton but, mais ta porte de sortie. »Je m’en suis inspirée pour essayer de m’améliorer et d’être plus performante », ajoute quelques minutes plus tard en conférence de presse celle que l’on nomme uniquement Alexia dans la péninsule ibérique.
Més que une joueuse
Car si les néophytes du football féminin s’attendaient davantage à voir une Anglaise sur l’estrade du théâtre du Châtelet, grâce notamment à leur victoire lors du dernier Euro à domicile, il restait tout de même difficile de faire abstraction de la folie Putellas qui affole les tribunes et les compteurs. La saison passée, Alexia Putellas avait été auréolée après une saison tonitruante : 49 matchs, 21 buts et 27 passes décisives. Un an plus tard, la native de Mollet del Vallès affiche des stats encore plus dingues, bien loin devant toutes celles qui étaient à ses côtés sur le podium : 55 matchs, 42 buts et 23 passes décisives. Alexia termine même l’exercice 2021-2022 avec le statut de meilleure buteuse de la Ligue des champions, compétition où le Barça s’est incliné en finale contre Lyon, capitaine d’un Barça champion d’Espagne en étant invaincu, avec 18 buts inscrits, et nommée à nouveau meilleure joueuse par l’UEFA. Là aussi la première à réaliser ce back to back. Le tout en étant milieu de terrain et en ayant manqué l’Euro, LA compétition censée faire la différence, en raison d’une rupture aux ligaments croisés juste avant le début de celui-ci. Depuis, celle qui fut projetée dans la lumière comme modèle ultime pour toutes les petites filles qui se rêvent en joueuse professionnelle se fait discrète, se contentant d’aller encourager ses coéquipières lors des matchs à domicile. Et affrontant ce qui est sans aucun doute la plus grosse épreuve de sa carrière, à 28 ans.
El año pasado cuando Alexia ganó el Balón de Oro hizo un temporadon con números de récords que parecía irrepetible. Esta temporada ella no solo igualó a la Alexia del año pasado sino que la superó por mucho. Alexia Putellas y su arte por superarse día a día pic.twitter.com/jFpbKHh2Sp
— ?le (@fcbele11) October 17, 2022
« J’espère que la prochaine fois que j’aurai à parler, ce sera à nouveau sur le terrain, pour gagner comme je l’aime », a-t-elle d’ailleurs conclu, les larmes aux yeux. Mais si elle aimerait « se sentir de nouveau footballeuse », Alexia fait aussi très bien avancer les choses loin des terrains. Toujours attachée au développement constant du football féminin, la Barcelonaise a profité de son discours pour saluer le travail de la fédération anglaise « pour l’organisation dont elle a fait preuve, pour avoir remporté le championnat d’Europe et pour l’impact qu’elle a sur le football féminin », petit tacle appuyé à sa propre fédération, toujours dans les tourments depuis la dernière trêve. Une situation qui la « rend triste », de son propre aveu, et dont elle ne voulait pas parler en ce jour de gloire, mais autant profiter de la visibilité offerte par l’évènement pour rappeler quelques fondamentaux : « Le sentiment était que nous avions besoin d’opportunités pour jouer. Et maintenant, nous avons besoin de structures professionnelles pour vraiment bien faire notre travail et pour que les fans en profitent. La voie a été trouvée, mais nous devons rattraper de nombreuses années de retard. » Prêchant pour sa paroisse dans son conflit avec la fédération, la désormais double Ballon d’or souhaite que son statut de « privilégiée » dans un club comme le Barça ne soit plus une exception, mais une banalité. Pour que la prochaine à lever cette récompense dorée dans le ciel de Paris n’ait plus à parler d’autre chose que de football.
Par Anna Carreau