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Alain Giresse : « Je suis désabusé »

Propos recueillis par Alexis Billebault
Alain Giresse : « Je suis désabusé »

Entre un voyage au Kosovo, dont il est le sélectionneur, et un autre au Gabon, où il le fut, Alain Giresse (69 ans) a pris de plein fouet la confirmation de la rétrogradation des Girondins de Bordeaux en National par la DNCG. Forcément affecté par la situation d’un club où il a effectué presque toute sa carrière (1970-1986) et dont il est le joueur le plus capé (592) et le meilleur buteur (181), l’ancien milieu de terrain international attend avec une anxiété non dissimulée la suite des évènements.

Avez-vous été surpris quand, le 5 juillet dernier, la DNCG a confirmé la rétrogradation des Girondins en National ?Hélas, pas vraiment. Je crois que beaucoup de gens s’y attendaient. La direction du club n’a pas réussi à convaincre la DNCG avec le dossier qu’elle a présenté. Je ne suis pas dans le secret, et si la DNCG, qui est composée d’experts, a pris cette décision, c’est que quelque chose n’allait pas. Ce sont des professionnels, ils connaissent parfaitement les chiffres. Le club dispose de plusieurs voies de recours, devant le CNOSF, puis le Tribunal administratif. Mais le championnat de Ligue 2 commence le 30 juillet prochain. Est-ce que tout sera réglé d’ici là ? Sincèrement, cela me semble très court.

Qu’avez-vous ressenti le 5 juillet dernier, sachant qu’un dépôt de bilan pourrait suivre et précipiter le club en National 3, ou même pire, en Régional 3 ?J’étais désabusé, et je le suis toujours, même si je m’étais préparé à cela depuis pas mal de temps. La mauvaise situation financière du club n’est pas nouvelle. Avant le premier passage devant la DNCG, nous savions tous que la situation était critique. Bien sûr qu’il y a beaucoup de tristesse, un peu de colère aussi. Moi, je suis originaire de Langoiran, une petite commune à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux, je suis né sportivement aux Girondins. J’y ai signé ma première licence, j’y ai été formé, j’ai signé professionnel, j’ai gagné des titres, disputé la Coupe d’Europe, c’est quand je jouais aux Girondins que j’ai été appelé en équipe de France, en 1974. Ce club, j’y ai fait quasiment toute ma carrière, hormis les deux dernières années, où j’ai joué à Marseille (1986-1988). Bordeaux, c’est tellement de souvenirs. Alors oui, voir le club dans cette situation, ce n’est pas facile à accepter. On ne sait pas où on va…

J’ai signé ma première licence aux Girondins, j’y ai été formé, j’ai signé professionnel, j’ai gagné des titres, disputé la Coupe d’Europe, c’est quand je jouais aux Girondins que j’ai été appelé en équipe de France, en 1974. Alors oui, voir le club dans cette situation, ce n’est pas facile à accepter.

Craignez-vous la mort des Girondins, en cas de dépôt de bilan et de redémarrage au plus bas niveau de l’échelon régional ?Les Girondins ne peuvent pas mourir. Si on descend aussi bas, il faudra reconstruire, sur de nouvelles bases, beaucoup plus saines j’espère. Je suis viscéralement attaché à ce club, j’espère vraiment que nous n’en arriverons pas là, ce serait catastrophique.

Est-ce que vous mesurez pleinement la gravité de la situation ?Peut-être pas totalement… Je pense que je réaliserai complètement le 30 juillet, si jamais les Girondins ne sont pas autorisés à jouer en Ligue 2. Je crois que c’est le cas pour beaucoup de supporters. Je vis à Toulouse, mais j’ai encore beaucoup de contacts à Bordeaux. La confirmation de la rétrogradation en National a été vécu comme une onde de choc. À Bordeaux, la dernière fois que l’équipe a évolué en Ligue 2, c’était en 1992-1993, et déjà pour des raisons économiques. La dernière relégation sportive remonte à 1962. J’ai parlé avec des supporters, qui ont organisé une marche au centre-ville samedi dernier. Il y avait du monde, c’est bien qu’ils se mobilisent. Mais que peuvent-ils faire ? Je suis comme eux, cette situation m’attriste vraiment.

Parvenez-vous à rester optimiste, et à croire que Bordeaux pourra effectivement évoluer en Ligue 2 en 2022-2023 ?J’essaie de l’être. Mais les derniers signaux ne sont pas très encourageants. La Fédération française de football (FFF) n’est pas obligée de suivre l’avis du CNOSF, si j’ai bien compris. Et quand celui-ci va-t-il se prononcer ? Et si la FFF confirme la décision de la DNCG, il ne restera plus que le Tribunal administratif de Bordeaux. En deux auditions devant la DNCG, la direction n’a pas réussi à se montrer suffisamment convaincante. J’ai entendu que les politiques voulaient se mobiliser. Mais comment ? Car le problème, c’est l’argent. Il manque des millions d’euros. Vous croyez que les collectivités territoriales, la ville de Bordeaux, vont donner de l’argent ? J’ai même entendu dire qu’on voulait solliciter l’État afin de sauver un monument du football français. Mais si nous sommes bien d’accord sur le fait que les Girondins soient effectivement un nom qui compte dans le football français, comment imaginer que l’État puisse intervenir ? Tout cela me semble flou. Imaginez que Bordeaux soit sauvé grâce à des interventions politiques et que dans trois ou quatre ans, un autre club soit confronté à des difficultés financières majeures, mais qu’il ne bénéficie pas de la même attention. Ce serait problématique.

Gérard Lopez, lui, ne semble pas douter une seule seconde que Bordeaux évoluera bien en L2…Moi, je suis pragmatique. C’est bien de dire qu’on y croit. Ok, mais il faut des actes. Que va-t-il pouvoir apporter de nouveau par rapport au dernier passage devant la DNCG ? Pour l’instant, personne ne le sait.

Il mise notamment sur 40 millions d’euros de ventes de joueurs…J’aimerais bien, mais je n’y crois pas vraiment. Le secteur sportif est tellement déficient depuis des années. Des mauvais choix à répétition, dans le recrutement, la politique salariale, tout cela cumulé avec une situation économique qui n’a cessé de se dégrader. Et en interne, d’après les informations que j’ai pu obtenir, le fonctionnement était… disons très particulier. Je crois que la saison dernière, le club n’a rien raté. Mais dans le mauvais sens du terme.

Le grand responsable de cette situation, c’est King Street !

À qui en voulez-vous le plus ?À King Street, sans hésiter !

Est-ce une surprise ? Les fonds de pension ne sont pas des philanthropes…Non, ce n’est pas une surprise. On savait très bien comment ces gens fonctionnent. Ils sont là pour faire de l’argent en peu de temps, misent tout ou presque sur le trading. De toute manière, lors du peu de temps où ils sont restés, ils ont accumulé les conneries, que ce soit au niveau sportif, sur le relationnel, notamment avec les supporters, avec qui la situation s’est vite dégradée, la communication… La liste est longue. Ils ont cogéré le club avec de pseudo-connaisseurs du football, GAPC, qui n’y connaissaient rien.

Y-a-t-il eu un manque de vigilance de M6, l’ancien propriétaire, de la municipalité et des collectivités territoriales au moment du rachat par le fonds de pension new-yorkais ?C’est facile à dire, mais quand vous avez une belle offre, que l’acheteur semble sérieux et qu’il présente des garanties, ou que Gérard Lopez n’avait pas mesuré toute l’ampleur du problème… Non, le grand responsable de cette situation, c’est King Street !

Dans cet article :
Gérard Lopez doit encore fournir des garanties et de l’argent pour sauver les Girondins
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Propos recueillis par Alexis Billebault

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