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Ahmet Schaefer : « Clermont, ce n’est pas une révolution mais une évolution »
Clermont Foot jouera pour la première fois de son histoire en Ligue 1 la saison prochaine. L’homme d’affaires suisse Ahmet Schaefer (39 ans), qui avait racheté le club en 2019, a atteint son premier objectif, avec le 11e budget de Ligue 2. À la fois heureux et pragmatique, le dirigeant s’est déjà projeté vers l’avenir, sans vouloir faire la révolution.
Vous avez versé quelques larmes, le 12 mai dernier, quand le match nul entre Toulouse et Pau (2-2) avait quasiment validé l’accession de Clermont en Ligue 1…Oui, et je suis encore un peu dans ma bulle. Je ne réalise pas complètement. Je n’étais pas à Caen samedi dernier. Car une autre équipe de notre groupe, Vendsyssel (Danemark, Ligue 2), jouait un match très important pour le maintien, et je me devais d’être aux côtés des joueurs, du staff. Je ne m’imaginais pas être à Caen à boire du champagne, alors que Vendsyssel lutte pour rester en L2. Mais je suis très heureux de cette accession, et j’aurai le temps de fêter cette performance extraordinaire. C’est le résultat de nombreuses années de travail. Quand nous avons racheté le club en 2019, il était déjà sur une bonne dynamique, il était très bien géré par Claude Michy.
La saison dernière, avant l’arrêt définitif du championnat pour cause de crise sanitaire, Clermont Foot occupait la 5e place. Et en 2020-2021, l’équipe a toujours fréquenté la première partie du classement, et définitivement accroché le top 5 en début d’année. Cette accession est-elle une suite logique à vos yeux ?
Quand nous sommes arrivés en 2019, nous avions dit, sans donner de date, que nous avions l’ambition de monter en L1. Cela aurait pu être le cas la saison dernière. On ne le saura jamais. Nous avons réussi cette fois-ci, car nous avons mis pas mal de chances de notre côté. Nous voulions conserver un effectif stable, qui se connaît. Il y a certes eu quelques départs importants, dont ceux de Maxime Dupé (Toulouse) et Adrian Grbić (Lorient), un transfert qui a rapporté 10 millions d’euros, un des plus importants de l’histoire de la L2, mais ces départs ont été compensés. Il y avait des automatismes, et l’équipe a rapidement eu des résultats. Quand on fréquente le top 5 pendant plusieurs mois, il y a des ambitions qui viennent. Les joueurs ont beaucoup donné ces dernières semaines, et je pense que si nous avions dû disputer les barrages, ça aurait été compliqué, car ils sont carbonisés.
Quels ont été pour vous les grands tournants de cette saison ?Il y a eu des matchs très importants. Je pense notamment à celui remporté contre Amiens (3-0, le 14 avril), qui a peut-être constitué un vrai déclic. Ou celui à Paris une semaine plus tard (1-0). On restait sur une série difficile, plusieurs joueurs avaient été infectés par la Covid-19 en mars. Il y a aussi eu des victoires contre Valenciennes (4-0), à Guingamp (5-0)… Souvent, cette saison, l’équipe a su proposer un football offensif, agréable à regarder. Cela a aussi été une vraie satisfaction. Et le mérite en revient aux joueurs, bien sûr, mais aussi à Pascal Gastien et à son staff. Si Clermont Foot s’apprête à évoluer en Ligue 1, c’est parce que nous avons un excellent entraîneur. Ce n’est pas pour rien qu’il vient d’être de nouveau élu meilleur coach de la Ligue 2 par ses pairs.
Le conserver, lors de votre arrivée en Auvergne, était visiblement une priorité…Oui. Pascal est non seulement un très bon entraîneur, un homme qui aime bien faire jouer ses équipes, mais c’est également un formateur. Juste avant le rachat du club, nous lui avons exposé notre projet, en lui proposant de prolonger son contrat. Il a demandé à réfléchir, à observer comment on travaillait. Et comme c’est un homme intelligent, il a vite compris que nous allions tenir nos promesses. Que nous n’étions pas venus à Clermont pour y faire la révolution, mais pour une évolution. Pascal Gastien est clairement un des hommes les plus importants de notre projet, et nous sommes vraiment très heureux de l’avoir avec nous.
La montée actée, il faut se tourner vers l’avenir. Avec quel budget Clermont Foot va-t-il commencer la saison ?En Ligue 2, nous avions un budget de 11 millions d’euros. Soit, je crois, le 11e du championnat. Aujourd’hui, vous dire avec précision quel sera notre budget en 2021-2022 est compliqué, tout simplement parce que nous ne connaissons pas, à ce jour, quel sera le montant des droits télé. Personne ne le sait, d’ailleurs. On entend des chiffres, ce sera peut-être 550 millions d’euros, peut-être plus, peut-être moins… Avec la crise sanitaire, on ne sait pas non plus si nous pourrons avoir du public toute la saison, et dans quelles proportions. Ce que je peux vous dire, c’est que nos finances sont saines. Mais on ne va pas faire de folies. Vous connaissez comme moi la situation économique du foot français. On ne va pas verser des salaires faramineux. Chez nous, le salaire mensuel le plus élevé en L2 était de 15 000 euros brut. Bien sûr, il y avait des clauses pour des revalorisations en cas d’accession, ou de prolongation. On restera raisonnables et cohérents.
Allez-vous recruter essentiellement en France ?Il est toujours préférable de recruter des joueurs qui connaissent bien la Ligue 1, qui ont l’expérience de jouer le maintien, ce qui sera notre objectif la saison prochaine. On cible 4 à 5 profils sur chaque poste où nous avons des besoins. Je vais peut-être vous surprendre, mais je pense que la crise économique que traverse le foot français pourrait favoriser un club comme Clermont pour le recrutement. Par exemple, on peut aller voir un club où un joueur, qui gagne 150 000 euros par mois, ne joue pas ou peu. Si on propose à son club de prendre en charge 20 000 ou 30 000 euros, ce qui va lui permettre de faire des économies, et d’inclure une option d’achat, cela peut être intéressant pour tout le monde.
Mais vous pourriez aussi être l’objet de sollicitations pour certains de vos joueurs : Bayo, Dossou, Berthomier, Allevinah, notamment…D’abord, il y aura des mouvements dans l’effectif, ce qui est normal. Nous allons procéder à des ajustements, mais l’idée, c’est de conserver une certaine stabilité. Pour répondre à votre question, je ne suis pas certain, dans le contexte actuel, que beaucoup de clubs, notamment français, se manifestent en nous faisant de folles propositions pour certains de nos joueurs. À l’étranger ? En Italie, en Espagne, le contexte n’est pas très favorable. L’Angleterre, en raison des conditions pour obtenir un permis de travail, ce n’est pas simple. Oui, il y a l’Allemagne, qui demeure un marché intéressant.
Parlons des structures : le stade Gabriel-Montpied (10 800 places) n’est pas aux normes pour accueillir des matchs de Ligue 1. Clermont Foot pourrait donc disputer un ou deux matchs à Saint-Étienne, en début de saison…D’abord, je tiens à rappeler qu’une subvention de 3 millions d’euros a été débloquée par Clermont Auvergne Métropole, afin de changer la pelouse et d’installer une tribune provisoire supplémentaire. Il y aura aussi des travaux réalisés pour l’éclairage, l’espace médias, la sécurité. Ces travaux vont démarrer rapidement. Nous avons pris contact avec Saint-Étienne, et les retours sont plutôt positifs. Oui, nous pourrions demander à la Ligue de football professionnel de jouer notre premier match de la saison à l’extérieur, et peut-être recevoir à Saint-Étienne pour la 2e journée. L’objectif, c’est que notre stade puisse accueillir le plus vite possible des matchs, avec nos supporters. Je suis confiant.
L’Auvergne, c’est aussi le rugby. Et notamment avec l’ASM. Un club du Top 14, qui fait partie des meilleurs d’Europe, et un de Ligue 1, peuvent-ils cohabiter facilement ? Le contexte économique n’est pas simple pour les sponsors…Les relations avec l’ASM sont bonnes. Il y a de la place pour tout le monde. L’Auvergne est un territoire de foot, Clermont-Ferrand une ville de rugby. Ou l’inverse… Peu importe, après tout. On peut aimer le foot et le rugby, et aller voir des matchs de l’un et de l’autre. Il y a des partenaires qui suivent l’ASM et qui s’intéressent à notre club. Le Top 14, la Ligue 1, ce sont de belles compétitions, de belles vitrines. Ils peuvent tout à fait être partenaires de l’un et de l’autre. Deux clubs de haut niveau dans la région, c’est parfaitement viable. Pour les gens qui aiment le sport, c’est une très bonne chose.
Propos recueillis par Alexis Billebault