Cela fait deux ans que ta fondation existe. Comme t’est venue l’idée de la créer ?
En fait, avec mon épouse, nous avons toujours formé un couple de personnes généreuses avec les personnes les moins favorisées. Ensuite, le fait d’être passé par le chemin de la maladie m’a fait réaliser ce que je voulais faire, à savoir aider les gens. C’est mieux de connaître le sujet lorsque l’on vient en aide à quelqu’un. En l’occurrence, je sais ce qu’est le cancer. L’idée m’est donc venue après la maladie, mais nous avons pris le temps de préparer le projet, pour faire les choses bien.
Ça a été difficile de se lancer ?
Oui, ça a été compliqué. D’abord, ça prend du temps, ce n’est pas quelque chose que l’on fait du jour au lendemain. Il a d’abord fallu trouver des locaux. On avait pensé commencer l’aventure à la maison, mais finalement, on a choisi de ne pas mélanger la vie privée et la vie professionnelle. Du coup, on a trouvé des locaux pas loin de chez nous et de l’école de mes filles. Ça me permet d’avoir une certaine stabilité au quotidien, car je viens au bureau le matin et le soir, je rentre chez moi, comme tout le monde !
Tu voyages beaucoup en Europe, afin d’être proche des enfants qui sont malades ?
Oui. C’est toujours important de pouvoir se rendre dans les hôpitaux pour voir les enfants, leur parler, passer un moment avec les familles et leur expliquer mon histoire et mon parcours. Cela permet de donner de l’espoir non seulement aux enfants, mais surtout aux parents. Le fait d’offrir un sourire à des gamins malades, c’est ce qui me touche le plus. Donner du bonheur, c’est la base de tout. Même si derrière, évidemment, il faut avoir des projets, et agir.
Comment fais-tu pour trouver des fonds ?
C’est simple, au départ, ce n’était que mon argent personnel (rires). Aujourd’hui, on va dire que j’apporte trois quarts du financement. J’ai eu la chance de pouvoir vivre de ma passion et gagner de l’argent. Aujourd’hui, cet argent m’aide à faire ce que j’ai envie de faire, comme aider les familles. On ne peut pas aider tout le monde, évidemment, donc on fait des projets, des conférences et c’est vrai qu’il y a beaucoup de personnes qui sont sensibles à la cause et qui participent, notamment avec des donations sur Internet.
Repartons au début de ta carrière. Tu n’as pas commencé comme défenseur…
Non, j’étais attaquant parce que je profitais de ma justesse technique et de ma vitesse. C’est vrai que quand tu es jeune, la vitesse fait la différence. En plus, il y a des entraîneurs qui arrivent à anticiper ton évolution et à savoir à quel poste tu seras le plus à l’aise plus tard. Moi, ils avaient compris qu’avec ma vitesse, je pourrais me transformer en défenseur. Donc ils m’ont fait reculer petit à petit…
Quels entraîneurs en particulier ?
Il y en a eu plusieurs. Dans mon cas, celui qui m’a apporté le plus au départ c’était Marc Bonneton, qui m’a beaucoup aidé quand j’avais 14, 15 ans. Avant lui, j’ai eu Yohann Guerin, un entraîneur qui aimait le spectacle, qui aimait chambrer, et avant lui, j’avais beaucoup appris avec Daniel Narbonnet, une référence dans le football amateur.
Après avoir presque tout gagné avec Lyon, tu es arrivé au Barça. Le fait d’avoir des coéquipiers francophones, ça t’a aidé au début ?
C’était évidemment un avantage. Il y avait Rafa Márquez, avec qui j’avais joué à Monaco, Thierry Henry, Yaya Touré et Samuel Eto’o. Mais c’est vrai aussi que cela aurait pu être un inconvénient, car j’aurais pu me contenter de parler tout le temps en français, et de ne pas apprendre l’espagnol ou le catalan. Mais j’ai su mixer les trois langues pour pouvoir parler avec tout le monde.
Donc tu parles catalan?
Una miqueta (un petit peu) (rires)
Qu’est-ce que tu penses de la possibilité que le Barça joue en Ligue 1 si la Catalogne devenait indépendante ?
Il ne faut pas penser comme ça, sinon on pourrait aussi imaginer que Monaco joue dans le championnat italien (rires). Après, je pense que si la population catalane se bat pour l’indépendance, c’est qu’elle doit avoir ses raisons, hein.
En parlant de Barcelone, l’un de tes plus grands moments, c’est lorsque Carles Puyol t’a fait soulever la Ligue des champions à Wembley, en 2011 ?
Oui, et c’était une grande surprise. À ce moment-là, je me suis dit que c’était un geste qui résume l’esprit du Barça à l’époque. Le côté humain de Carles Puyol et des autres joueurs de cette équipe reflétait l’identité et la philosophie de ce club où j’avais la chance de jouer. C’était aussi un prix pour ma famille, notamment pour mon père qui avait très mal vécu ma maladie. Même s’il n’était pas à Wembley ce soir-là, il était très fier de son fils.
À la fin de ton contrat, en 2013, tu n’as pas continué au Barça. Qu’est-ce qu’il s’est passé à ce moment-là ?
Ça, il faudrait le demander aux personnes qui étaient là pour prendre une décision. Mon contrat était terminé. Du coup, je me suis retrouvé entre une éventuelle prolongation et un « merci bye bye » . Bon, ils m’ont finalement dit « merci bye bye » , sans me donner les vraies raisons.
Le retour à Monaco, c’était comme rentrer à la maison ?
On attendait beaucoup de moi. J’ai fait le choix d’y aller parce que je voulais redonner à Monaco ce que Monaco m’avait permis d’avoir quand j’étais jeune. Et puis ça m’a fait vraiment plaisir de regoûter un peu à la Ligue 1.
En parlant de Ligue 1, tu penses que Ben Arfa mérite une opportunité en équipe de France depuis ses dernières performances ?
Pour moi, Hatem a toujours été un phénomène. Il n’a pas eu la carrière qu’il méritait, mais les choses qu’il fait maintenant avec Nice ne me surprennent pas, parce qu’il les faisait déjà à Lyon. Je crois qu’il peut rejoindre l’équipe de France et apporter son talent à ce collectif.
Donc Deschamps doit l’appeler…
Normalement, dans la logique, il doit l’appeler. Dans la logique. Maintenant, il y a qui meilleur à son poste ? Après, chacun a ses idées, mais moi personnellement, je le vois bien en équipe de France.
As-tu de bonnes sensations pour l’équipe de France en vue de l’Euro 2016 ?
C’est un peu trop tôt pour le dire. Les gars n’ont fait que des matchs amicaux. Mais je suis sûr qu’avec l’état d’esprit de l’entraîneur et l’expérience qu’il a, ils sont bien placés pour aller au bout dans cette compétition. Du moins je le souhaite.
Toi, tu n’as rien gagné avec les Bleus, mais tu as fait une finale de Coupe du monde. Et tu as même marqué lors de cette finale…
Oui, je ne sais pas si on peut dire ça, mais j’ai marqué mon tir au but, c’est vrai (rires). C’est dans ces moments-là qu’on voit les joueurs avec des cojones. C’est facile de tirer un penalty quand on mène 4-0 dans une finale de Ligue des champions, mais dans une session de tirs au but en finale de Coupe du monde, ce n’est la même. Dans ma carrière, j’ai raté des pénos, surtout en Ligue des champions, mais ce jour-là, j’étais déterminé. Et j’ai marqué.
Si Zidane n’avait pas été expulsé, la France aurait peut-être gagné cette finale…
J’aime bien ce mot, « peut-être » . Dans la vie, rien n’est sûr. Et si tu regardes bien, à 11 contre 10, les Italiens ne touchaient pas la balle. Et la frappe de Ribéry qui passe à ça (il montre avec les doigts la distance, ndlr), si elle rentre, c’est fini. Et si Zidane, avant le carton rouge, met son but de la tête, c’est fini aussi. Il y a trop de faits de jeu dans une finale de Coupe du monde. On est passés à deux doigts, mais le football, c’est comme ça. Après, on dit toujours que le meilleur gagne, mais je pense que cette fois-ci, ce n’est pas le meilleur qui a gagné.
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