Abdellah Zoubir, pas venu ici pour souffrir

MarseilleQarabağ

17/02/2022 à 21h

Ligue Europa Conférence

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« J’étais trop nul ! Je n’arrivais pas à rester en place toute la journée. Ça ne m’intéressait pas, et je n’y mettais pas du mien. J’ai été jusqu’au baccalauréat que je n’ai pas eu, car je n’allais pas souvent en cours. Sans réviser, je n’étais pas loin du rattrapage ! » Il y a quelques années, le jeune Abdellah Zoubir, alors joueur du RC Lens, se confiait sur le site des Sang et Or à propos de son parcours, loin d’être linéaire. Pas forcément le meilleur les fesses posées sur les bancs de l’école, c’est ballon au pied que le jeune homme décide de s’exprimer. Et en salle d’abord, pour être précis. Car avant de devenir joueur professionnel, c’est au futsal que le futur joueur de Qarabağ s’illustre, au point d’être sélectionné avec l’équipe de France U21. Une affaire de famille, puisque son frère, Tarek, a lui goûté à la sélection senior. Des qualités de dribbleur qu’il trimbale depuis plus de dix ans, de Grenoble à Istres en passant par l’Écosse, la Roumanie et désormais l’Azerbaïdjan.

« Niveau technique, c’était waouh »

« Je ne savais pas du tout que ce que j’allais faire de ma vie, mais j’ai toujours été un débrouillard. S’il y a bien quelque chose dont j’étais certain, c’est que je m’en sortirais. J’aurais pu trouver un job comme tout le monde. Mais finalement, le football est arrivé d’un coup », confiait-il encore au site du RCL. Issu d’une famille marocaine, le natif de Lille est finalement repéré par Grenoble, alors en pleine remontée vers le monde professionnel. C’est là qu’il s’adapte peu à peu au jeu à onze, à force d’heures supplémentaires sous les ordres d’Olivier Saragaglia. Avant que sa technique ne l’amène plus haut – et plus au sud, à Istres. « Avec Farid Boulaya, les deux étaient au-dessus techniquement. J’étais persuadé qu’ils n’allaient pas rester à ce niveau-là, resitue son compagnon de chambre en Provence, Grégory Sofikitis. À cette époque, il n’était pas trop buteur, même si maintenant il commence à l’être. » Une aisance technique qui ne passe pas inaperçue. « On s’entendait bien aussi avec Boulaya, on jouait souvent entre nous aux entraînements. Parfois, ça se sentait en match, on se cherchait souvent. Un jour, certains joueurs ont mis des affiches partout dans le vestiaire : « Sofikitis pour Boulaya, Boulaya pour Zoubir, Zoubir pour Sofikitis » » , raconte le n°6 de l’équipe.

« Abdellah faisait tout ce qui lui passait par la tête et vu qu’il avait beaucoup de chance, ça passait toujours. La technique, la percussion, le geste technique… C’était waouh, quoi », s’enthousiasme pour sa part Merlin Tandjigora, lui aussi membre de l’équipe provençale lors de la saison 2014-2015, et qui se souvient surtout d’un jeune homme discret : « C’est moi qui mettais de la musique dans le vestiaire. De temps en temps, il esquissait quelques pas, mais il était très réservé. »

Dépôt de bilan, Roumanie et kalash

Malheureusement à l’issue de la saison, Istres termine 17^e de National, avant de déposer le bilan. Abdellah Zoubir prend lui la direction de la Roumanie, pour se relancer à Petrolul. Avant de retrouver l’Hexagone dès l’année suivante, sous les couleurs de Lens. Retour au bercail ou presque pour celui qui avait eu du mal à quitter sa région natale. « J’avais un gros problème avec l’éloignement, reconnaît-il alors, toujours pour les médias des Sang et Or. Quand j’ai rejoint Grenoble, je rentrais après chaque match à Lille. Parfois, je voulais repartir après les entraînements. Même si c’était juste pour quelques heures, j’avais besoin de voir ma famille et mes amis. Ma mère me disait que j’étais fou de faire ça ! » Une habitude partiellement conservée une fois à Istres. Sofikitis : « Quand on avait des week-ends après avoir joué dans le nord, il passait par chez lui. On jouait le vendredi soir et on reprenait le lundi, il avait un peu de temps. »

Mais côté terrain, l’expérience dans le Pas-de-Calais tourne mal, le joueur quittant le club deux ans plus tard, en conflit avec les fans lensois. Zoubir se retrouve alors accusé de menace de mort par les Red Tigers, l’un des principaux groupes de supporters de Bollaert. « Si j’avais eu une kalash, je vous aurais tous allumés. J’ai un permis de port d’arme, s’il faut, je la sors de mon coffre.(…) Je m’en tape de Lens de toute façon, ce n’est qu’un tremplin pour ma carrière », aurait-il lancé lors d’une explication avec ces derniers à propos des mauvais résultats, à en croire leur communiqué.  » Des propos que le joueur nie avoir tenu. « Il m’avait dit que les supporters avaient grossi la chose », rejoue quatre ans plus tard Sofikitis, qui assure que « ce n’est pas par rapport à ça qu’il est parti ».

Le communiqué des Red Tigers ! pic.twitter.com/TG0n4ahhH5

— Le public lensois (@lepubliclensois) March 19, 2018

Et Zubir s’arrêta

Il n’empêche que quelques mois plus tard, le bonhomme est dans l’avion, direction Bakou. Sous les couleurs de Qarabağ, club exilé en raison du conflit avec l’Arménie, le Français découvre les joies des soirées européennes et d’une armoire à trophées qui se remplit petit à petit. Au fil des saisons, il s’impose même comme l’un des atouts majeurs du plus grand club d’Azerbaïdjan. Exemple en août dernier, au moment d’écarter Aberdeen pour s’ouvrir la voie de la phase de poules de la toute fraîche Ligue Europa Conférence : un but et deux passes décisives et une solide victoire (1-3). « Je pense que c’est l’atout majeur de l’équipe. Si on regarde ses anciens matchs contre Arsenal, ou d’autres top clubs européens, on voit qu’il est à l’aise, il fait de belles choses dans ces matchs-là, assure encore Grégory Sofikitis. Il est capable sur une action de faire quelque chose d’intéressant, même s’il n’est pas seul évidemment. »

Le garçon sera donc à suivre pour l’OM jeudi soir. Surtout quand on connaît la sérénité de l’intéressé, comme le raconte Merlin Tandjigora. « Je me souviens d’un match où on jouait notre survie, on était obligés de gagner pour espérer encore se sauver. En entrant sur le terrain, il nous dit : « Si vous voulez gagner, jouez tous les ballons avec moi. » À la mi-temps, on était menés 1-0, et il insiste : « Je vous ai dit quoi ? Jouez avec moi. » En deuxième mi-temps, il a mis deux buts et on a gagné. Il a beaucoup de confiance en lui, franchement. » Un bel atout au moment de défier la solide arrière-garde olympienne. « C’est un joueur imprévisible, il peut commencer à prendre le ballon et dribbler tout le monde, poursuit Tandjigora. Il revient en France, dans son pays, il aura forcément envie de se montrer. Donc Marseille devra faire attention, ça peut faire mal. » À quelques encablures d’un stade Parsemain qui l’a vu se révéler il y a quelques années, voilà peut-être une occasion en or pour celui qui a récemment fêté ses 30 ans de raviver quelques souvenirs. Le tout sans avoir à sortir sa kalash.