- Italie
- Salernitana
À Salerne, Franck Ribéry est en bonne Campanie
À 38 ans, Franck Ribéry s’est lancé dans une nouvelle mission aussi courageuse qu’inattendue : aider la Salernitana à se maintenir en Serie A. Un choix de carrière à l’image d’un homme qui s’est construit dans la difficulté et qui n’a jamais cessé d’aimer son sport.
Il y a 23 ans, Franck Ribéry était sur le point de se faire virer du centre de formation du LOSC. Dans le même temps, à 1800 kilomètres au sud, la Salernitana respirait l’air frais de l’élite italienne cinquante ans après sa dernière bouffée d’oxygène. Une époque où Delio Rossi entraînait le club de Salerne, avec sous ses ordres des gars comme Gennaro Gattuso, Marco Di Vaio ou encore Rigobert Song. Une époque où le stadio Arechi était un véritable enfer pour les fameuses « Sette Sorelle » : Inter, Roma, Lazio, Juventus, plus de la moitié sont reparties bredouilles de Campanie. Dans le même temps, Ribéry tapait le ballon dans son quartier du Chemin-Vert et pas sûr que revêtir un jour le maillot de la Salernitana faisait partie de ses plans. Vingt-trois ans plus tard pourtant, c’est une réalité : sur la pelouse du Torino ce dimanche à 15h, Ribéry aura ses fesses posées sur le banc du vice-champion de Serie B.
Francky goes to Hollywood
« Je suis content d’être ici avec vous, je vais donner le maximum pour contribuer à atteindre notre objectif : le maintien. » À peine posé le pied à Naples et parcouru en caisse les quarante minutes qui séparent la ville adoptive de Maradona de sa nouvelle famille d’accueil, Ch’ti Franck est déjà en mission. Audrey Pulvar, paire de lunettes en peau de crocodile posée sur le nez, n’est pas là pour l’accueillir. Le team manager Salvatore Avallone et l’agent Davide Lippi (fils de), eux, oui. Tant mieux : ce qui intéresse Franck, c’est ce nouveau contrat dans un grand championnat européen. Et rien d’autre. « Quand il n’y aura plus d’essence, je rentrerai à la maison. Mais ce n’est pas encore le moment.(…)Moi, je vis pour le football. Si je vivais pour l’argent, je ne serais pas ici. » Si c’était vraiment pour l’argent, il n’aurait pas non plus posé ses valises en 2019 à Florence. Deux années durant lesquelles Ribéry a tenté de rallumer la flamme d’une pâle Fiorentina avec, en prime, des stats dont il n’a pas à rougir (5 buts et 10 passes décisives en 50 matchs).
Da ora in poi abbiamo una strada da percorrere insieme, con tutti i miei nuovi compagni di squadra, tutte le persone responsabili e tutti i fan. Darò il 100% in ogni partita. Andiamo! @OfficialUSS1919 #R7FAMILY #ELHAMDOULILLAH#macteanimo #forzagranata #us1919 pic.twitter.com/gKQqMll2iN
— Franck Ribéry (@FranckRibery) September 6, 2021
Deux ans au cours desquels il a vu Federico Chiesa prendre son envol, Dusan Vlahović devenir une machine à marquer, en partie grâce à lui. Malgré ça, le gamin du Nord n’a pas été prolongé par sa direction. « Un manque de respect » vite digéré et pardonné, éclipsé par cette volonté ardente de ne pas s’arrêter. Le Hellas a tenu la corde pendant quelques jours pour le récupérer, mais le club de Vérone a finalement porté son choix sur Gianluca Caprari. Autre porte de sortie ? Le club turc au fort accent italien de Karagümrük. Mais Ribéry a les idées claires : c’est l’Italie et la Salernitana qu’il veut. Même s’il aurait pu espérer un salaire supérieur aux 1,5 million d’euros qu’il va toucher sur son contrat d’un an (renouvelable en cas de maintien). Une précision importante, car Ribéry l’a dit : il ne fait pas ça pour l’argent.
« Ribéry à Salerne, ce serait comme amener Maradona à Naples »
Lorsque le deal était encore dans sa phase terminale, le directeur sportif Angelo Fabiani employait des mots forts au micro de Radio Kiss Kiss pour évoquer la probable arrivée de Ribéry dans son club : « Faire venir Ribéry à Salerne, ce serait comme amener Maradona à Naples. » Des propos exagérés, déjà moqués par les tifosi et rivaux napolitains, mais qui témoignent de l’excentricité d’un club pas comme les autres. D’un club centenaire aux antipodes des écuries chinoises ou émiraties, points de chute habituels qu’ont privilégiés un paquet de grands champions pour leur dernier tour de piste. D’un club qui n’a pas eu à galérer pour ramener 10 000 fans lors de la présentation de son nouveau numéro 7 et qui correspond à la carrière sinueuse de Franck Ribéry. Après Lille, il lui a fallu du cran pour se relancer à Boulogne, puis Alès et Brest pour enfin éclore à Metz. Après Galatasaray, Marseille et un Mondial 2006 où il a fait hurler Thierry Gilardi un soir de France-Espagne, il a fallu des ressources pour s’imposer au Bayern comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire récente du club allemand pendant plus de dix ans.
Alors voilà, au cœur de la ville jumelée avec Rouen, Ribéry ne postulera certainement pas le Ballon d’or, ne jouera pas la Ligue des champions, prendra certainement quelques roustes. Comme ses nouveaux supporters, il ne sait pas dans quelle direction s’engage le club qui appartient toujours à Claudio Lotito, le boss de la Lazio. Le règlement de la Serie A interdisant logiquement qu’un homme ait deux équipes engagées dans un même championnat, la question d’un repreneur est plus que jamais sur la table : sans repreneur au 31 décembre, la Salernitana sera exclue de Serie A. Francky ne sait pas non plus si sa relation sportive avec le géant avant-centre Simy va faire des dégâts, si ce chapitre transalpin sera le dernier d’une longue et riche carrière à laquelle il faudra un jour mettre fin. Mais tant pis après tout : quand on aime l’aventure, tout cela n’est que de la littérature.
Par Andrea Chazy