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À Nice, la fin de la déception Patrick Vieira
Deux ans et demi après son arrivée, Patrick Vieira a pris la porte à Nice. Pour sa première expérience sur un banc en France, le jeune technicien n'aura pas confirmé les promesses, peinant à imposer son style et à faire bien jouer son équipe. Une douche froide pour les ambitions d'INEOS et la confirmation que le champion du monde est encore en phase d'apprentissage.
La dernière impression est souvent la bonne, celle laissée par Patrick Vieira à l’OGC Nice peut presque résumer son aventure sur la Côte d’Azur. L’ultime soirée du technicien de 44 ans sur le banc niçois a commencé par une défaite incontestable contre le Bayer Leverkusen (2-3), la cinquième de rang, et une élimination de toutes compétitions européennes au bout d’une partie jamais maîtrisée. La suite ? C’est un dernier discours de façade devant la presse, un baroud d’honneur avant d’accepter la sanction. « Je vais continuer de me battre. Je ne peux pas être plus clair, posait-il hier soir à l’Allianz Riviera. Il faudra poser la question aux dirigeants pour savoir si je suis l’homme qu’il faut pour mener le projet. Je me battrai pour rester ici le plus longtemps possible. Après, ce qui va se passer demain ou dans le futur, je n’en ai aucune idée. » Sûrement un dernier mensonge – ou une pirouette de communication – pour le grand Pat’ qui devait certainement se douter de la sentence à venir. Celle-ci est tombée dans la foulée avant une officialisation ce vendredi : les dirigeants du Gym ont pris la décision de se séparer de Vieira plus de deux ans après sa venue et à sept mois de la fin de son contrat. Un divorce nécessaire tant le champion du monde aura été une immense déception.
? L’#OGCNice se sépare de Patrick Vieirahttps://t.co/xrdXBQMIRB
— OGC Nice (@ogcnice) December 4, 2020
De la fuite dans les idées
Que restera-t-il du premier passage de Patrick Vieira sur le banc d’un club de Ligue 1 ? Les belles promesses entrevues à son arrivée n’auront pas mis longtemps à s’estomper, c’est un premier indice. Quand l’ancien Cannois pose ses valises sur la promenade des Anglais en juin 2018, il débarque avec ses bonnes idées, son élégance et séduit son monde. Le CV n’est pas à tomber, mais il attise la curiosité : depuis qu’elle a raccroché les crampons, la Pieuvre est biberonnée aux principes du City Football Group et prend son temps pour lancer sa nouvelle carrière. Celui qui respecte énormément Pep Guardiola a tranquillement gravi les échelons, des équipes de jeunes de Manchester City à un exil à New York pour poursuivre son apprentissage en MLS (2016-2018), où on lui scotche une étiquette de coach offensif. Sexy, un peu comme ses premières prises de parole. « Je veux perpétuer le beau jeu pratiqué depuis quelques années, déroulait-il dans une interview à Nice-Matin un mois après son arrivée. En apportant un peu plus de discipline sur le terrain, essayer d’aller un peu plus vers l’avant, prendre beaucoup plus de risques. Parce que, pour marquer, il faut prendre des risques. Plus de verticalité dans les transmissions, plus de prises de profondeur, plus de jeu vers l’avant pour casser des lignes, mettre le ballon dans les 18 mètres pour essayer de créer des situations intéressantes, donner de la largeur, avoir des joueurs entre les lignes, prendre des décisions rapides pour ne pas laisser l’adversaire s’organiser… Prendre beaucoup de plaisir en somme. Jouer vers l’avant, les joueurs aiment ça. » Oui, mais voilà, en plus de trente mois, son Nice n’aura rien montré de tout ça.
Au moment de faire le bilan de ce passage niçois, Vieira ne pourra pas se cacher derrière des dirigeants trop exigeants ou pressés. L’ancien milieu de terrain a eu le temps pour mettre en place ses idées et faire évoluer son équipe, avec en prime des investissements conséquents depuis son arrivée (plus de 110 millions d’euros de dépenses) et des effectifs parfois séduisants. Sauf que Vieira n’a jamais réussi à imposer son style. Se poser devant un match de Nice a souvent été l’assurance de se retrouver devant un joyeux bazar plutôt que face à un plan tactique rigoureusement récité. Les rares périodes de fulgurances n’auront jamais été suivies d’une confirmation dans la durée, et Vieira n’aura pas non plus réussi à faire progresser les nombreux jeunes Aiglons, à l’image de Youcef Atal, Myziane Maolida ou encore Alexis Claude-Maurice. Ses choix parfois douteux et sa tendance à trimbaler ses joueurs de poste en poste auront également eu raison de la patience des supporters niçois, qui n’ont pas attendu cette dernière série de défaites pour remettre en cause le coach Vieira. « Je suis en train de faire ma troisième saison. Chaque année, il y a eu des moments compliqués, soufflait l’homme aux 107 sélections la semaine dernière. On a toujours trouvé la force tous ensemble pour retourner la situation. » Cette fois, ce sera sans Vieira.
Chacun sa route, chacun son chemin
Il aurait fallu être une petite souris pour assister aux derniers échanges entre Patrick Vieira et le duo Julien Fournier-Jean-Pierre Rivère, celui-là même qui s’était décarcassé pour séduire le Français deux ans plus tôt en multipliant les allers-retours dans la Grosse Pomme. Entre les trois hommes forts de l’OGC Nice, il y avait du respect, mais aussi quelques tensions depuis le départ soudain du ticket Fournier-Rivère à l’hiver 2019 pour revenir six mois plus tard dans les bagages d’INEOS. Au rayon des bonnes excuses pour expliquer son échec, Vieira pourra peut-être piocher dans cette légère instabilité institutionnelle, lui qui aura vécu le passage d’un actionnaire à un autre avec le rachat du club par l’ambitieux Jim Ratcliffe et le départ du groupe sino-américain incarné par le pingre Chien Lee.
Mais sous les ordres de Vieira, le Gym n’aura pas réussi à passer à la vitesse supérieure sportivement, malgré une qualification européenne inespérée et obtenue grâce à une 5e place au moment de l’arrêt du championnat. « J’espère que Patrick pourra enfin vivre une saison normale sur le banc niçois, expliquait le directeur du football Julien Fournier cet été. Sa première saison a été perturbée, en partie à cause de nous. La seconde est extraordinaire. On a envie de continuer ensemble, nous comme lui. On doit tous être meilleurs, l’ambition va augmenter, l’exigence aussi, pour tout le monde. » L’échec en Ligue Europa, dans un groupe où Nice aurait dû s’en tirer avec plus de trois points en cinq journées, et l’actuelle 11e place en Ligue 1 auront fini de convaincre les dirigeants niçois, qui ont décidé de nommer Adrian Ursea pour écrire la suite de l’histoire et du projet. « Ce n’est jamais très agréable sur le plan humain de prendre une telle décision, a concédé le président Rivère lors d’une conférence de presse organisée ce vendredi après-midi. Mais nous ne sommes pas des gens qui agissent sur une défaite, c’est une réflexion qu’on mène depuis un certain temps. On est tous responsables, mais quand on considère que la route n’est pas la bonne, il ne faut pas hésiter à se poser des questions et en prendre une autre. » Avec une nouvelle ligne à son CV et une réputation en baisse, Vieira doit maintenant continuer la sienne de son côté.
Par Clément Gavard